Souvenez-vous: dans la nuit du 23 au 24 juin 2023, Evgueni Prigojine, le chef du groupe paramilitaire Wagner, défiait frontalement l'autorité de Vladimir Poutine en lançant ses troupes vers Moscou. Une rébellion qui ne fut, toutefois, que de courte durée. Dans la journée de samedi, les troupes ont fait demi-tour et quitté les positions qu'elles occupaient dans différentes villes russes.
Dès lors, de nombreux observateurs s'accordent sur le fait que la vie du patron du groupe Wagner est menacée. Ils avaient raison. Deux mois jour pour jour après la mutinerie avortée, le mercredi 23 août 2023, le jet privé Embraer Legacy d'Evgueni Prigojine s'écrase dans la région de Tver, à environ 180 kilomètres au nord-ouest de Moscou. Son bras droit, Dmitri Outkine, ainsi que d'autres responsables du groupe paramilitaire, meurent également dans le crash.
Que s'est-il réellement passé ce jour-là? A l'époque, Vladimir Poutine assurait qu'il allait mener une enquête «qui allait prendre du temps» afin «d'aboutir à une conclusion». De son côté, la communauté internationale doutait de l'innocence du chef du Kremlin. Joe Biden, par exemple, disait que «peu de choses se passent en Russie sans que Poutine n’y soit pour quelque chose», rappelle la RTS.
Ce vendredi 22 décembre, The Wall Street Journal publie un article qui confirmerait l'implication du Kremlin dans la mort d'Evgueni Prigojine.
Un homme en particulier est pointé du doigt: Nikolaï Patrouchev. Né en 1951 à Leningrad, cet ingénieur diplômé de l'Institut de construction navale de Leningrad et ancien directeur adjoint du FSB (le successeur du KGB) est aujourd'hui le secrétaire du Conseil de sécurité de la Russie. Il est, comme l'écrivait watson en 2022, «l'un des conseillers les plus importants de Vladimir Poutine et l'homme le plus dangereux de Moscou».
Selon The Wall Street Journal, qui cite comme sources des responsables des services de renseignement occidentaux et un ancien officier des services de renseignement russes:
Evgueni Prigojine était depuis longtemps dans le viseur de Nikolaï Patrouchev, bien avant la mutinerie avortée de juin 2023. En effet, lorsque Vladimir Poutine a fait appel au groupe Wagner pour aider la Russie dans sa guerre contre l'Ukraine, «l'ascension rapide de Prigojine ne tarde pas à inquiéter Patrouchev», explique The Wall Street Journal. Et d'ajouter, en évoquant les avancées majeures des combattants de Prigojine sur le terrain, à l'est de l'Ukraine:
Mais ce n'est pas tout: Nikolaï Patrouchev n'aurait pas non plus apprécié les critiques émises par Prigojine à l'encontre de Valeri Guerassimov, le chef d'État-major et général des forces armées russes, et Sergueï Choïgou, le ministre de la Défense.
Ainsi, dès l'été 2022, il met en garde Vladimir Poutine. Des avertissements qui ne seront pas entendus par le président russe, car la progression militaire du groupe Wagner en Ukraine joue en la faveur de Prigojine.
La situation va, toutefois, changer quelques mois plus tard. A l'automne 2022, Prigojine commence à se plaindre ouvertement du manque de matériel sur le terrain. En octobre, selon un ancien officier du renseignement russe cité dans The Wall Street Journal, il aurait même réprimandé directement Vladimir Poutine par téléphone. Une attitude jugée «irrespectueuse envers le maître du Kremlin».
C'est à partir de là que la situation va se dégrader – Poutine aurait commencé à ignorer les appels de Prigojine – jusqu'à en arriver aux événements de juin dernier.
Durant les semaines qui suivent la rébellion avortée, le monde ne sait pas vraiment ce qu'il est advenu d'Evgueni Prigojine. Pour rappel, un accord – dont les détails restent inconnus – avait été conclu avec le régime russe par l'entremise du dirigeant biélorusse Alexandre Loukachenko.
On apprend par la suite que Prigojine se serait rendu en Afrique – le groupe Wagner est présent sur place – et qu'il a continué de travailler en Russie, notamment à Saint-Pétersbourg.
Selon les déclarations de Rolf Mowatt-Larssen, un ancien chef de station de la CIA qui s'exprime dans The Wall Street Journal:
L'Américain explique que Vladimir Poutine avait un plan bien précis: «garder le mort en vie» pour qu'il puisse découvrir ce qui s'était réellement passé en juin, c'est-à-dire rechercher ceux qui auraient collaboré à la mutinerie.
Finalement, début août, Nikolaï Patrouchev met en marche son opération destinée à tuer Evgueni Prigojine. Un plan auquel le président russe «ne se serait pas opposé».
Ce fameux mercredi 23 août, la future victime et 9 autres passagers patientent à bord du jet privé, alors qu'un dernier contrôle de sécurité est effectué. Personne ne remarque le petit engin explosif qui a été placé sous l'aile de l'appareil.