Le 14 juin 2021, au cours d'une conférence de presse en amont d'un match de l'Euro de football, la star portugaise Cristiano Ronaldo écarte ostensiblement les deux bouteilles de soda du partenaire officiel de la compétition Coca-Cola. Il brandit une bouteille d'eau avant de déclarer dans sa langue maternelle: «agua» ! La scène devient très vite virale. La conséquence en bourse pour Coca-Cola ne se fait pas attendre: le cours de l'action passe de 56.18 dollars le 11 juin à 54.67 dollars au plus bas le 16 juin. La firme perd près de 4 milliards de dollars de capitalisation boursière.
Cristiano Ronaldo's body is a temple 😅 pic.twitter.com/zTnIgMwda5
— ESPN FC (@ESPNFC) June 15, 2021
Outre l'aspect financier, le geste de Ronaldo semble inviter à questionner la surconsommation de boissons sucrées. Celle-ci explose dans le monde entier, au point qu'elle représente aujourd'hui 13% à 25% de l'apport énergétique quotidien des adultes. C'est plus du double du maximum de 5% à 10% recommandé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
En raison de ses propriétés addictives, la consommation excessive de sucre peut entraîner des symptômes similaires à ceux associés aux addictions de type alcool et tabac. Cependant, contrairement à ces derniers, elle ne fait pas l'objet d'une réglementation. Or, son omniprésence dans l'environnement alimentaire et les informations nutritionnelles obscures rendent difficile une autorégulation des individus à ce sujet.
Comprendre le rapport des consommateurs à l'information nutritionnelle et la façon dont celle-ci influence une décision d'achat a fait l'objet de différents travaux de recherche qui ont vocation à soutenir des politiques publiques de prévention. Des systèmes mettant en avant l'équivalent en nombre de morceaux de sucre des produits pourraient notamment s'avérer particulièrement efficaces.
Pour ce qui concerne spécifiquement les boissons sucrées, gazeuses ou non, un comparatif de 53 produits réalisé par Que Choisir montre qu'en moyenne un verre 25 cl équivaut à 4.5 morceaux de sucre. Le Coca-cola, soda préféré des Français, contient, lui, 34 g de sucre dans une canette de taille standard de 335 ml.
Malgré le lobbying très puissant de l'industrie agroalimentaire, certains pays, comme la France en 2018, ont adopté une «taxe soda» qui s'applique aux aliments en fonction de la proportion de sucre ajouté. Cette mesure a encouragé les fabricants à revoir leurs recettes et à réduire la quantité de sucre dans les boissons afin d'amoindrir l'impact financier imposé par cette taxe.
L'action semble néanmoins aussi devoir se diriger en direction des consommateurs afin de les inciter à modifier leurs comportements. Il s'agirait de mener une sorte de «démarketing» des boissons sucrées, à l'instar de ce qui se fait pour la lutte anti-tabac.
À cette fin, outre la taxation et la réglementation de la vente de boissons sucrées dans les magasins et les écoles, la mise en place d'actions d'éducation et de soutien pour réduire la consommation de sucre paraît nécessaire. Des solutions existent et peuvent notamment s'inspirer des travaux sur l'étiquetage nutritionnel.
Les informations nutritionnelles sont, de fait, généralement peu visibles, présentées au dos des emballages sous la forme d'un tableau souvent difficile à interpréter. Lorsqu'ils décident de consommer ou non un produit alimentaire, la plupart des consommateurs ne les lisent d'ailleurs pas. Ils imaginent plutôt les sensations gustatives que les aliments vont leur procurer ou se fient à leur mémoire. Une image du produit ou de ses ingrédients suscite en effet des représentations mentales multisensorielles automatiques.
De nombreux pays ont alors commencé à utiliser une nouvelle méthode, avec des éléments apposés sur le devant des emballages condensant l'information, la rendant ainsi plus visible et compréhensible.
Différents formats d'étiquetage existent, combinant généralement du texte, des images et des couleurs. Cela peut aller d'un smiley ou d'étoiles à un système plus complexe associant un code couleur (vert, orange, rouge) à chaque composant nutritionnel de l'aliment (par exemple, les graisses, les glucides/sucres et le sel). Des travaux montrent que les consommateurs évaluent plus rapidement les formats simplifiés et recommandent d'utiliser ce type d'étiquetage nutritionnel dans un contexte d'achat tel qu'un supermarché.
Reste que, même dans ces cas, les informations demeurent souvent abstraites. Des chercheurs montrent ainsi que les consommateurs ont par exemple beaucoup de mal à convertir une quantité de sucre exprimée en grammes en son équivalent en calories ou en morceaux de sucre.
Des articles expliquent ainsi que la présentation simultanée d'une bouteille de boisson gazeuse (60 cl) et des morceaux de sucre correspondant à la quantité de sucre contenue dans la boisson (26 morceaux de sucre) diminue significativement l'attractivité perçue et l'intention d'achat. Nos travaux, actuellement en révision pour publication dans une revue scientifique, aboutissent à des conclusions similaires.
De manière surprenante, les recherches dans ce domaine restent toutefois peu nombreuses. Or, ces différentes expériences ont vocation à soutenir des politiques publiques. Hors des murs des laboratoires, le Chili, 3e pays sur le podium mondial du surpoids et de l'obésité, en apposant un logo noir sur les emballages et en interdisant la publicité pour les sodas auprès des enfants, a pu réduire de près de 25% la consommation de ces produits en 18 mois.
Cet article a été publié initialement sur The Conversation. Watson a changé le titre. Cliquez ici pour lire l'article original