Ouverte le 6 novembre à Charm el-Cheikh en Egypte, la conférence de l'ONU sur le climat a pris fin à l'aube avec plus d'un jour de retard, devenant l'une des COP les plus longues de l'histoire. «Ca n'a pas été facile», mais «nous avons finalement rempli notre mission», a souligné son président égyptien Sameh Choukri.
La COP27 qui s'est terminée dimanche n'a permis de faire que de légers progrès en matière de politique climatique, selon Franz Perrez, chef de la délégation suisse. Les regrets helvétiques se portent notamment sur le programme de travail pour la protection du climat.
Une déclaration finale fruit de nombreux compromis a été finalement adoptée, appelant à une réduction «rapide» des émissions mais sans ambition nouvelle par rapport à la COP de Glasgow en 2021. L'Union européenne s'est dite elle «déçue».
I want to pay tribute to the women, youth, indigenous people and all members of civil society pushing leaders for real #ClimateAction - here at #COP27 and around the world.
— António Guterres (@antonioguterres) November 20, 2022
Let’s keep up the fight for climate justice, ambition & a greener, sustainable future for all. pic.twitter.com/Qlk7J01zEg
Mis sur la table à Glasgow en 2021 lors de la COP26, ce programme doit offrir un plan de travail concret pour la protection du climat. En Egypte, les Etats se sont mis d'accord sur un calendrier allant jusqu'en 2026 pour appliquer ce programme.
La Suisse, de son côté, regrette que ce dernier «n'engage pas spécifiquement les pays qui émettent le plus de gaz à effet de serre» selon un communiqué de l'Office fédéral de l'environnement (OFEV) publié dimanche peu après la clôture de la conférence de l'ONU.
L'OFEV annonce que la Confédération s'engagera pour que ces pays apportent également leur contribution afin que l'objectif de 1,5 degré puisse encore être atteint.
La Suisse constate aussi le peu d'avancée concernant l'abandon du charbon et la réduction des subventions pour le pétrole et le gaz naturel. L'OFEV précise également que des «mesures concrètes visant à orienter les flux financiers mondiaux vers l'objectif de 1,5 degré ont été rejetées par un groupe de pays en développement».
La conseillère fédérale Simonetta Sommaruga a également considéré que cette COP «n'est pas un succès» si l'on regarde les mesures concrètes. Le Premier ministre britannique Rishi Sunak a quant à lui appelé à en «faire plus».
Les critiques émises après la première semaine de négociations étaient donc justifiées. Il y a maintenant eu des progrès, notamment avec ce fonds «pertes et dommages» dans les pays vulnérables, a déclaré dimanche le négociateur suisse Franz Perrez.
La Suisse a joué un rôle important dans les discussions sur la création de ce fonds. Il fait partie d'une «grande mosaïque» de décisions. Il s'agit maintenant d'en élaborer les détails selon le négociateur.
La délégation helvétique regrette néanmoins que «des questions importantes n'aient pas été clarifiées». L'OFEV parle notamment de la répartition des fonds, de la gestion du fond ou encore des pays qui allaient y contribuer.
L'Office fédéral de l'environnement précise encore que:
Cette édition a en revanche été marquée par l'adoption d'une résolution qualifiée d'historique par ses promoteurs, sur la compensation des dégâts causés par le changement climatique déjà subis par les pays les plus pauvres.
La question des «pertes et dommages» climatiques des pays pauvres avait failli faire dérailler la conférence, avant de faire l'objet d'un texte de compromis de dernière minute. Même si le texte laisse de nombreuses questions en suspens, il acte le principe de la création d'un fonds financier spécifique.
Le ministère sud-africain de l'Environnement a salué un «progrès» mais réclamé «une action urgente» pour «assurer le respect des obligations des pays développés».
History was made today at #COP27 in Sharm El-Sheikh as parties agreed to the establishment of a long-awaited loss and damage fund for assisting developing countries that are particularly vulnerable to the adverse effects of climate change. pic.twitter.com/spmWVUjTva
— COP27 (@COP27P) November 20, 2022
Comme l'a annoncé le président de la Confédération Ignazio Cassis lors de son discours à la cérémonie d'ouverture de la COP27, la Suisse contribuera aux fonds existants pour le financement climatique.
Sous réserve de l'approbation du Parlement, elle versera:
Ces deux derniers fonds se concentrent sur les mesures d'adaptation dans les pays les moins avancés et les petits Etats insulaires en développement.
En outre, la Suisse versera 8 millions de francs supplémentaires au programme de financement et d'assurance contre les risques de catastrophe de la Banque mondiale. Enfin, la Confédération contribuera à hauteur de 4 millions de francs à l'initiative CREWS, qui assure un mécanisme de financement répondant aux besoins des PMA et des PEID.
Pour le WWF Suisse, le résultat de la conférence de l'ONU sur le climat ne constitue qu'un consensus minimal. Le fonds pour les dommages causés aux pays pauvres est une lueur d'espoir dans une conférence globalement décevante. Les actes doivent maintenant suivre.
Les décisions prises lors de la conférence de Charm el-Cheikh sont bien en deçà des attentes, a-t-il indiqué dimanche dans un communiqué. L'accord sur le fonds pour les «pertes et dommages» climatiques des pays pauvres est également trop vague.
Le nouveau fonds, réclamé depuis de nombreuses années, n'a pas encore été mis en place. Son financement n'est pas clair ni même les modalités de distribution de l'argent.
La contribution suisse au financement climatique n'augmente que très peu, constate le WWF. En ce qui concerne le financement international du climat, la Suisse doit passer de la parole aux actes et doubler ses versements afin d'assumer sa part.
Pour le WWF, la conférence est devenue un lieu de rencontre important: les développeurs de solutions innovantes dans le domaine du climat et les contributeurs financiers se rencontrent, s'inspirent et signent des projets de mise en œuvre concrets.
La conférence de Charm el-Cheikh a montré très clairement que la politique menée par la Suisse sur les questions climatiques est totalement dépassée face aux enjeux actuels, a estimé Greenpeace à l'issue des négociations. Berne doit faire nettement mieux.
La Confédération a soutenu en Egypte l'objectif de 1,5 degré. Mais elle refuse d’adapter ses propres objectifs ou de réguler sa propre place financière. Elle ne s'engage pas non plus pour un soutien financier pour les pays les plus pauvres faces aux coûts exorbitants de l’adaptation, de l’atténuation et des pertes et dommages.»
La Suisse doit s'engager plus fermement pour le financement des pertes et des dommages. Elle doit augmenter ses objectifs de réduction des émissions et cesser de s’appuyer sur la compensation de ses émissions dans d'autres pays pour gonfler ses chiffres.
L'Allemagne a estimé dimanche que «l'espoir et frustration» se mêlent dans les résultats atteints par la conférence sur le climat COP27 en Egypte. La France a regretté «le manque d'ambition climatique».
«Nous avons fait une percée en matière de justice climatique - avec une large coalition d'Etats après des années de stagnation», a salué sur Twitter la cheffe de la diplomatie Annalena Baerbock. Mais «le monde perd un temps précieux sur la trajectoire de 1,5 degré» à cause du manque d'ambition dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre, a souligné la ministre écologiste.
Die Bilanz dieser COP zeigt, dass der Prozess in die Hände der Vertragsstaaten gehört - und wie wichtig ungehinderter Zugang einer freien Zivilgesellschaft ist, um ambitionierte Ergebnisse zu bekommen. 6/6
— Außenministerin Annalena Baerbock (@ABaerbock) November 20, 2022
«Une alliance de pays riches en pétrole et de grands émetteurs» a mis «des obstacles inutiles» à des progrès sur la question des émissions, selon la ministre.
Elle s'est également réjouie de «l'alliance progressiste entre États à travers différents continent»: «plus personne ne peut se cacher derrière les vieux contrastes Nord-Sud», a-t-elle souligné.
De côté français, on saluait dimanche des avancées pour les pays les plus vulnérables mais tout en regrettant «la manque d'ambition climatique» de la COP27.
Ce sommet «répond toutefois aux attentes des pays les plus vulnérables avec une avancée forte: la création de nouveaux outils de financement pour les pertes et dommages liées aux catastrophes climatiques».
L’accord de la #COP27 n’est pas aussi ambitieux que nous, Français et Européens, l’aurions souhaité. Mais il préserve l’essentiel : l’objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C.
— Agnès Pannier-Runacher 🇫🇷🇪🇺 (@AgnesRunacher) November 20, 2022
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«Si l'accord de la COP27 n'est pas à la hauteur des ambitions que portaient la France et l'Union européenne, il préserve toutefois l'essentiel: il rappelle l'objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C et appelle les pays à des efforts supplémentaires dès 2023», selon le communiqué du ministère français de la Transition énergétique. «Réaffirmer cet objectif était essentiel, dans un contexte mondial de crise climatique et énergétique», souligne le texte.
Le texte sur les réductions d'émissions a été également très disputé, de nombreux pays dénonçant un recul sur les ambitions définies lors de précédentes conférences. Notamment sur l'objectif le plus ambitieux de l'accord de Paris, contenir le réchauffement à 1,5°C par rapport à l'ère pré-industrielle, toutefois réaffirmé dans la décision finale.
Les engagements actuels des pays signataires ne permettent pas de tenir cet objectif, ni même celui de contenir l'élévation de la température à 2°C par rapport à l'ère pré-industrielle, quand les humains ont commencé à utiliser en masse les énergies fossiles responsables du réchauffement climatique.
Ces engagements, en admettant qu'ils soient intégralement tenus, mettraient au mieux le monde sur la trajectoire de +2,4°C à la fin du siècle et, au rythme actuel des émissions, sur celle d'un catastrophique +2,8°C.
Or, à près de 1,2°C de réchauffement actuellement, les impacts dramatiques se multiplient déjà. L'année 2022 en a été l'illustration, avec son cortège de sécheresses, méga-feux et inondations dévastatrices, impactant récoltes et infrastructures.
Les coûts s'envolent également: la Banque mondiale a estimé à 30 milliards de dollars le coût des inondations qui ont laissé un tiers du territoire pakistanais sous l'eau pendant des semaines et fait des millions de sinistrés.
Les pays pauvres, souvent parmi les plus exposés mais généralement très peu responsables du réchauffement, réclamaient depuis des années un financement des «pertes et dommages».
Accusé par certains de manque de transparence dans les négociations, l'Egyptien Choukri a affirmé qu'il n'y avait eu «aucune mauvaise intention» et qu'il était «parvenu à éviter qu'une partie ou une autre ait à reculer».
Over 14 days, the world’s eyes were on Sharm El-Sheikh, as #COP27 brought together 112 heads of state, over 46,000 delegates including ministers, scientists, policy-makers, members of civil society, IGOs, activists and youth. pic.twitter.com/uHZ9tfEwDO
— COP27 (@COP27P) November 20, 2022
La bataille ne s'achèvera toutefois pas avec l'adoption de la résolution de Charm el-Cheikh puisque celle-ci reste volontairement vague sur certains points controversés. Les détails opérationnels doivent être définis pour adoption à la prochaine COP, fin 2023 aux Emirats arabes unis, promettant de nouveaux affrontements. Notamment sur la question des contributeurs, les pays développés, Etats-Unis en tête, insistant pour que la Chine en fasse partie.
L'émissaire américain pour le climat John Kerry a annoncé travailler à faire grimper la contribution américaine à 11 milliards de dollars, ce qui ferait de Washington «le premier contributeur unique de l'économie du climat». Un porte-parole du département d'Etat a cependant souligné que l'accord ne mentionnait aucun point contraignant.
Autre sujet qui a secoué la COP: les ambitions de réductions d'émissions. De nombreux pays ont estimé que les textes proposés par la présidence égyptienne constituaient un retour en arrière sur les engagements d'en relever régulièrement le niveau pris à Glasgow.
Sans compter la question de la réduction de l'usage des énergies fossiles, à l'origine du réchauffement mais à peine mentionnées dans les textes sur le climat. Le Britannique Alok Sharma, président de la COP26, a affirmé qu'un point sur les fossiles avait été «édulcoré au dernier moment». Le charbon avait été cité en 2021 après de rudes échanges mais à Charm el-Cheikh les «suspects habituels», selon l'expression d'un délégué, s'y sont une nouvelle fois opposés pour le pétrole et le gaz. Arabie saoudite, Iran ou Russie sont les plus souvent cités.
Le développement des renouvelables fait cependant l'objet d'une mention inédite aux côtés des énergies à «basses émissions», expression généralement appliquée au nucléaire. (ats/myrt)