Honnêtement, il fallait oser.
Mardi soir, le député Renaissance Quentin Bataillon est allé casser du sucre sur le dos de Yann Barthès et de son émission Quotidien, chez... Cyril Hanouna. Déjà là, c'est surprenant. Le hic, c'est que Bataillon est aussi (et surtout?) le président de la commission d'enquête sur les fréquences TNT, censée débroussailler le touffu débat sur la «pluralité» des chaînes privées. Alors que les deux animateurs et producteurs ont précisément été auditionnés à l'Assemblée nationale il y a quelques jours, pourquoi l'arbitre a-t-il mis son indépendance et sa crédibilité en danger sur le plateau de Touche à mon poste?
Mystère.
Après la stupeur, c'est la colère qui agite une bonne partie du sérail politique français. Mais rembobinons un peu cette histoire, pour que l'on comprenne bien de quoi il est question.
Le 14 mars, Cyril Hanouna a été entendu par cette fameuse commission, déployée sous l'impulsion de l'Insoumis Aurélien Saintoul. Deux heures d'audition durant lesquelles tout, ou presque, a été passé en revue, du profil des invités, aux thèmes anxiogènes, en passant par les clashs à répétition et les amendes infligées à la chaîne C8. Dix jours plus tard, ce sera au tour de son concurrent direct, Yann Barthès, de passer à l'essoreuse politique. Manifestement agacé d'avoir à justifier sa ligne éditoriale devant une commission de l'Assemblée nationale, l'animateur et coproducteur de l'émission Quotidien a sorti la mine et la polaire des dimanches pluvieux.
Nous vous en parlions d'ailleurs ce week-end de cette veste:
Le président de la commission avait tout à fait le droit de juger Yann Barthès «arrogant». Ceux qui ont assisté à l'interrogatoire auront sans doute de la peine à le contredire. Mais que Quentin Bataillon, en qualité de président, se rue chez l'ennemi juré, en direct, pour régler ses comptes avec un animateur dont il n'a pas apprécié les manières, ça laisse songeur sur l'indépendance du député.
Car une fois autour de la table, le député a tout balancé... à celui qu'il venait pourtant d'auditionner.
Une séquence, au mieux, lunaire.
Je crois qu’il faut destituer sur le champ Quentin Bataillon de son poste de président de la commission d’enquête sur la TNT de l’Assembléepic.twitter.com/WWJJi9FJmW
— Marcel (@realmarcel1) April 2, 2024
Surtout que Quentin Bataillon ne s'est pas contenté de démolir l'attitude de Yann Barthès, puisque le président de la commission en a profité pour caresser Hanouna dans le sens du poil, en le gratifiant d'un «bravo» qui, encore aujourd'hui, passe très mal: «C'est le rôle de chaque chaîne d'inviter tout le monde, comme vous le faites et je vous en félicite».
Cerise sur le plateau, notre homme acceptera dans la foulée un t-shirt, des mains de l'animateur de TPMP, flanqué de la réplique que Cyril Hanouna dégaina lors de son audition, pour justifier son départ à 16h30: «C'est l'heure du goûter!»
Si c'est une redoutable opération de comm' pour le bras armé de Vincent Bolloré, la présence de l'arbitre de la pluralité sur la TNT est «affront» et une «faute professionnelle» pour beaucoup d'élus de gauche. Etant donné que la commission doit encore rendre ses conclusions le 7 mai prochain, le malaise gagne en ampleur, jusqu'à jeter un certain discrédit sur son travail. Résultat, depuis mardi soir, la plateforme X est littéralement en ébullition.
Pour le chroniqueur Thomas Legrand, sur Libération, le «quart d’heure warholien du député macroniste coûte cher à la crédibilité de sa commission et même de l’Assemblée nationale». Une «noyade» qui devrait le faire «quitter son poste».
Ce n'est pas la première fois que Quentin Bataillon cherche la bagarre sur l'octogone de l'infotainment. En janvier 2023, il commettra un tweet ravageur, mais cette fois à destination de son étrange nouveau meilleur ami: «La honte, Cyril Hanouna, c’est l’imposture de TPMP alliant démagogie et fausses informations!».
Le désormais président de la commission d'enquête sur les fréquences TNT a-t-il voulu faire la paix, en mode «un partout, balle au centre»? Pensait-il pouvoir muscler le débat sur le pluralisme des chaînes privées, en jetant de l'huile sur l'égo des animateurs les plus puissants? Ou était-ce un coup politique maladroit d'un macroniste sans gêne, pour draguer l'électorat populaire, sous les projecteurs populistes? Mercredi, alors que la polémique ne fait qu'enfler, ce geste reste tout simplement incompréhensible.
Alors que le principal intéressé n'a toujours pas commenté sa présence chez Hanouna, sa crédibilité, sinon son sort, est plus que jamais en jeu. Sans compter que la grogne ne se concentre pas qu'à gauche, puisqu'un cadre macroniste a confié à Libé qu'aller «sur TPMP, ce n’est pas heureux en effet».