Vendre des glaces à la châtaigne au bord d'une gouille touristique c'est super pour les beaux jours, mais c'est moins rentable que de zigouiller des Ukrainiens pour les beaux yeux de Vladimir Poutine. Une relative surprise d'abord: il ne suffit pas d'être une brute épaisse férue de torture et d'hémoglobine pour être en mesure de rajouter «mercenaire dans le groupe paramilitaire Wagner durant la guerre en Ukraine» à son profil LinkedIn. La rigueur du processus de recrutement est d'ailleurs à mille lieues de la grossière barbarie qui fait foi au front.
Vous êtes déjà en train de vous ruer sur le Dark Web? Inutile. Proposer ses services à l'une des milices armées les plus cruelles et impitoyables du monde est presque aussi officiel et chiatique qu'un formulaire en ligne de l'administration cantonale. (On exagère à peine.)
Tenez, ils ont même un site dédié aux offres d'emploi où toutes les informations nécessaires sont rassemblées sur une seule page.
Une fois sur le site, une petite vidéo de propagande, tournée en mars 2022 en Syrie, balaie les derniers doutes. Nous sommes bien au coeur de l'armée de l'ombre du patron du Kremlin. Pour le reste, tout est si ordinaire et didactique qu'on ne serait pas surpris de tomber sur les horaires d'ouverture du service après-vente. Pour lancer sa candidature, nom, e-mail et petite bio express sont suffisants. (C'est ensuite que ça se complique un peu.)
Si les formulaires rebutent, un coup de fil est également envisageable. De Kalingrad à Moscou en passant par la Crimée, les coordonnées des 26 bureaux régionaux du groupe Wagner sont clairement affichées sur le site. C'est précisément ce qu'a entrepris un journaliste du média économique russe RBK. Le jeune homme a empoigné son téléphone et s'est présenté à plusieurs antennes de l'organisation comme un volontaire motivé pour jouer à la guerre. Si le bureau de la ville de Dzerzhinsky lui a répondu immédiatement, «la suite de la discussion s'est déroulée sur Telegram».
Cassons tout de suite l'ambiance: muni d'un passeport d'un pays membre de l'Otan ou de l'Union européenne, impossible d'intégrer les rangs de Wagner. Idem pour le citoyen ukrainien. Voici une liste (non-exhaustive) des conditions d'admission:
Une fois ces conditions remplies, l'aspirant mercenaire peut se rendre au célèbre camp de Molkino en Russie, le QG du groupe Wagner. Par ses propres moyens (frais de transport remboursés) ou en profitant d'attraper l'une des navettes mises à disposition. Notamment depuis la capitale.
C'est ensuite une enfilade de haies administratives, contractuelles, médicales, militaires et sportives qui attend le futur combattant. Le camp d'entraînement s'étend sur une semaine. Des cours d'ingénierie aux tests de «bonne camaraderie», la recrue est scrutée en détail pour que Wagner puisse l'employer au plus près de ses compétences et de ses capacités.
Même s'il existe différents «métiers», maintes spécialisations et plusieurs niveaux de responsabilité au sein de l'organisation Wagner, la mission est plutôt simple à assimiler:
Combattre.
Pour un soldat, c'est un joli petit pactole. Une fois engagé, le mercenaire est officiellement salarié pour un contrat de quatre mois, minimum. Il gagne 240 000 roubles mensuellement (environ 3800 francs suisses). En cash, mais plusieurs options s'offrent à lui.
Comme un vendeur de voitures, le mercenaire peut faire enfler son trésor de guerre en soignant le tableau de chasse. Des primes allant de 150 000 à 700 000 roubles sont offertes, suivant les résultats et les compétences. (Et pour autant que la recrue reste en vie.)
Il faut dire que, pour beaucoup d'observateurs, l'armée russe serait en très grande difficulté sans le gros coup de pouce du groupe Wagner. Dernièrement, la milice a d'ailleurs lancé une campagne de recrutement dans la prison d'Obukhovo à Saint-Petersbourg. Selon FranceInfo, «les prisonniers qui s'engagent à aller faire la guerre six mois en Ukraine pourront avoir une remise de peine».
Pour les combattants russes, d'où qu'ils viennent, la main-d'œuvre est toujours le nerf de la guerre. Début juin, le «bourreau» de Wagner a été tué en Ukraine et, en avril dernier, l'armée de l'ombre avait déjà perdu 3000 hommes depuis le début du conflit.