La ville de Melitopol est considérée comme le centre logistique des Russes dans le sud de l'Ukraine. La ville comptait environ 150 000 habitants avant l'invasion russe. Mais en mars 2022, la Russie en a pris le contrôle et a déclaré Melitopol capitale de la région de Zaporijia.
Depuis, les rapports faisant état d'enlèvements, de tortures et de meurtres se multiplient. Les occupants russes se comportent apparemment de manière extrêmement brutale avec les civils – surtout ceux qui se montrent solidaires de leur patrie, l'Ukraine. Le maire de la ville, Ivan Fedorov, a lui aussi été temporairement prisonnier des Russes. Le site d'information indépendant russe Meduza qualifie Melitopol de «plus grande prison d'Europe».
En raison de la situation, une hotline ukrainienne a été mise en place dès mars 2022 pour les victimes d'enlèvements et leurs proches: Vikradeni Melitopoltsi, ce qui signifie «habitants enlevés de Melitopol». Une collaboratrice de la hotline, Natalia, raconte au site Meduza qu'au début, de nombreux employés de l'administration ont été enlevés, puis des enseignants et des paysans. Les hommes d'affaires sont également visés.
La hotline a enregistré plus de 300 enlèvements depuis le début de la guerre. Plus de 100 personnes seraient toujours détenues par les Russes. Mais le nombre de cas non recensés pourrait être trois à quatre fois plus élevé, selon les exploitants de la hotline.
L'architecte paysagiste Maxim Ivanov et sa compagne Tatiana Bech ont été enlevés en avril 2022, selon leurs propres dires. Ils circulaient alors avec un drapeau ukrainien sur leur voiture – un geste qui leur a coûté cher. «Dix personnes m'ont encerclé, ont jeté le drapeau par terre et l'ont piétiné. Ils ont dit: "Nous allons vous rééduquer"», raconte l'Ukrainien à Meduza. Ses propos n'ont pas pu être vérifiés de manière indépendante.
L'architecte paysagiste raconte avoir été battu avec des matraques en caoutchouc lors de sa captivité. D'autres personnes pro-ukrainiennes étaient détenues en même temps qu'eux. Tatiana et lui ont été contraints de clamer «Gloire à la Russie». Deux jours plus tard, ils ont été libérés, mais en août, ils ont été arrêtés une deuxième fois.
Maxim Ivanov explique que Tatiana et lui distribuaient des tracts pour la fête de l'indépendance de l'Ukraine. Les Russes ont alors fouillé le couple et découvert dans le téléphone de l'Ukrainien des conversations dans lesquelles il transmettait les mouvements de l'armée russe. Lors d'un interrogatoire au poste de police, l'Ukrainien aurait été frappé et ses côtes brisées. Le lendemain, Maxim Ivanov a été emmené dans le quartier de Novy et a de nouveau été battu.
«J'ai réalisé à ce moment-là qu'ils pouvaient me tuer», confie-t-il au portail d'information russe.
Cinq jours plus tard, il a été emmené à l'extérieur avec d'autres détenus pour se laver. «Je me suis déshabillé et les gens qui surveillaient ont plaisanté entre eux en disant: "Il est prêt, on l'emmène". Ils ont probablement vu que mon dos et mes côtes étaient tout noirs et violets et ont décidé que c'était assez», se souvient Maxim Ivanov.
Plus tard, lui et sa petite amie Tatiana ont été emmenés au poste de police de la ville. Maxim déclare avoir été torturé par le biais de chocs électriques. Tatiana a été libérée, mais lui a continué à être brutalisé pendant un mois. Fin octobre 2022, il a été emmené dans un territoire contrôlé par l'Ukraine. Il aurait parcouru 40 kilomètres entre Vassylivka et le poste de contrôle ukrainien de Kamenskoye. «C'était l'horreur absolue», raconte l'Ukrainien à Meduza. Il a trouvé refuge dans une station-service abandonnée.
Meduza rapporte également le cas de Leonid Popov, 23 ans. Il a été arrêté pour la première fois en mai 2022. Sa mère a raconté aux journalistes:
Les officiers de Kadyrovtsy sont des combattants de l'unité du dirigeant tchétchène Ramzan Kadyrov, connus pour leur extrême brutalité.
A peu près au même moment, selon les déclarations de la mère, les Russes ont arrêté le jeune frère de Leonid, Yaroslav. Celui-ci a raconté à sa mère que lui et 30 autres prisonniers étaient détenus dans une cellule très étroite dans laquelle, au bout d'un moment, ils ont mis «une personne ivre ou malade mentale» qui ne cessait de hurler.
Les soldats auraient dit aux prisonniers: «Si vous ne le faites pas taire, nous allons tous vous abattre comme des chatons». Certains prisonniers ont donc frappé l'homme, jusqu'à ce qu'il meure. On ne sait pas ce qu'il est advenu de Yaroslav Popov. Les récits n'ont pas pu être vérifiés de manière indépendante.
Son frère Leonid a été enlevé une nouvelle fois en avril 2023. Trois mois plus tard, il a été emmené à l'hôpital dans un état d'épuisement extrême: il pesait 40 kilos pour 195 centimètres. Le père de Leonid a été autorisé à ramener son fils à la maison, mais le jour même, celui-ci a de nouveau été emmené par les militaires. On ne sait pas non plus où se trouve actuellement Leonid Popov.
Ce ne sont pas les premiers récits qui parviennent au public concernant des personnes enlevées à Melitopol. Le maire Fedorov a déjà raconté à plusieurs reprises son séjour en captivité en Russie.
Il dirige désormais la ville depuis Zaporijia. Mais il se montre sûr de sa victoire dans la lutte contre les troupes de Vladimir Poutine: «La Russie ne contrôle notre territoire que physiquement», a-t-il déclaré au quotidien autrichien Standard en juin.
Traduit et adapté de l'allemand par Tanja Maeder