«Depuis un an et demi, on a triplé notre production, on est passé d’une centaine de drones par an à plus de 250», se félicite le directeur de production Luc Arnaud. Sweat à capuche anthracite affichant le dessin d'un des trois drones produits par Delair, il détaille les défis de cette montée en charge: réorganisation de l'espace, recrutement, cohésion des équipes.
A 46 ans, Bastien Mancini dirige Delair depuis sa création en 2011. Il complète le tableau:
Delair propose principalement trois drones dédiés à l'observation et la surveillance, dont le plus volumineux utilise des caméras gyrostabilisées et/ou lidars (radar laser) pour ses missions. «On faisait encore il y a cinq ans 80% de notre chiffre d’affaires dans le civil, aujourd’hui, on fait 80% dans la défense», souligne Bastien Mancini, avec une présence dans 25 pays, en Europe, en Afrique ou en Asie du Sud-est.
Si l'essor de l'entreprise a débuté avant le conflit ukrainien, puisqu'elle est bénéficiaire depuis quatre ans, sa présence sur ce terrain dès 2016 a renforcé son développement. A l'époque, l'entreprise équipe les observateurs de l'OSCE pour surveiller la frontière russo-ukrainienne. Puis au déclenchement du conflit, les Ukrainiens sont venus pour passer commande.
En plus de trois ans de guerre, Delair a gagné en expertise: face aux parades mises en place par l'adversaire, «il faut trouver des solutions sur les systèmes pour qu'ils soient à nouveau fonctionnels, c’est dur mais on apprend beaucoup (...) et cela nous permet d’être au niveau de ce qu’il se fait de mieux, avec des drones résilients qui résistent au brouillage», détaille Bastien Mancini.
Au-delà de l'observation, Delair intervient en Ukraine avec la première munition téléopérée française, un «drone-kamikaze» baptisé Oskar, et dont 100 exemplaires ont été fournis fin 2024 aux forces ukrainiennes par la France et pour lequel l'entreprise a «de très bons retours». Delair travaille actuellement au développement de deux autres drones de ce type, dans le cadre d'appels à projets de l'Agence d'innovation de défense.
Selon M. Chenuil, Delair est «une société qui compte dans l’écosystème» d'une industrie du drone français en pleine structuration face à de grands concurrents américain, chinois et israélien, et à un moment où la guerre en Ukraine a justement fait prendre «conscience du caractère fondamental des drones, dans la mesure où ils changent complètement la forme du combat aéroterrestre».
Alors que la France et l'Europe affichent depuis l'arrivée de Donald Trump au pouvoir leur volonté de renforcer leurs industries de défense, le drone doit être «une priorité d'investissement», juge Claude Chenuil, évoquant un besoin de 250 millions d'euros par an pour développer la filière et aller vers une production de masse.
Chez Delair, Bastien Mancini affirme être prêt au changement d'échelle. «On travaille avec d’autres sociétés qui ont l’expertise de la production de masse, comme l'industrie électronique, l'automobile ou le spatial», dit-il. Si son usine de la banlieue toulousaine peut produire jusqu'à 1 000 drones par an, il réfléchit à «des volumes de 10 000».