Les chiffres sont alarmants: rien que les exportations russes vers l'Allemagne ont chuté de 95% depuis l'invasion russe de l'Ukraine en 2022. Un peu plus de trois ans après le début de la guerre, l'économie russe est en difficulté.
Jeudi, le ministre russe de l'Economie, Maxime Rechetnikov, a estimé que le pays était «au bord» de la récession si l'Etat ne prenait pas les bonnes «décisions» dans les prochaines semaines, en plein ralentissement de la croissance après deux années de surchauffe.
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Si l'économie russe avait fait preuve en 2023 et 2024 d'une résilience inattendue face aux sanctions prises par les Occidentaux depuis 2022 en représailles à l'offensive russe en Ukraine, la conjoncture a changé depuis quelques mois.
L'une des personnalités les plus marquantes du monde financier russe: Oleg Vyugin a offert récemment un regard dur sur l'économie de son pays et les risques de la situation économique pour le chef d'Etat Vladimir Poutine. Il a par ailleurs lancé un avertissement sévèredéclarant au grand journal allemand Die Welt:
Pour ceux qui ne le connaissent pas, Oleg Vyugin, 72 ans, a été vice-ministre des Finances de Russie et a intégré, en 2002, le comité de surveillance de la Banque centrale de Russie. Il est désormais professeur d'économie à l'Ecole des hautes études en sciences économiques de Moscou.
La situation économique en Russie est précaire. L'économie n'a progressé que de 1,4% au premier trimestre de 2025. Le gouvernement table officiellement sur une inflation de 7,6% pour cette année. Le taux directeur est de 20% et freine les investissements des entreprises.
«D'après les chiffres, il y a un ralentissement», a reconnu le ministre de l'Economie, Maxim Reshetnikov, au forum économique de Saint-Pétersbourg, alertant même:
Avec un nombre en hausse d'entreprises en difficulté financière, notamment à cause de prêts contractés à des taux très élevés.
C'est surtout la baisse du prix du pétrole qui donne du fil à retordre au trésor public. Le gouvernement doit ainsi reporter des investissements. Le ministre de l'Economie a récemment reconnu que: «Notre tâche consiste à surmonter la phase de refroidissement».
Vyugin, un peu plus de trois ans après le début de la guerre, analyse la situation de la façon suivante:
Ce sont surtout les exportations qui se sont effondrées.
Ainsi, la valeur des exportations russes vers l'Allemagne s'élevait encore à 33,1 milliards d'euros en 2021, l'année précédant l'attaque de Poutine contre l'Ukraine. En 2024, elle n'était plus que de 1,8 milliard d'euros, selon l'Office fédéral des statistiques. La conclusion de Vyugin:
L'économie russe est en crise. La question qui se pose est la suivante: Vladimir Poutine peut-il encore se permettre de faire la guerre dans cette situation économique?
Selon les estimations de Vyugin, «la Russie a besoin de la paix cette année ou l'année prochaine». Mais l'analyse économique n'est pas la seule à être déterminante dans le conflit. Au sein de l'appareil du pouvoir de Poutine, une lutte fait rage entre l'aile économique autour du ministre Reshetnikov et les militaires, qui craignent une fin de la guerre à la table des négociations sans progrès décisif sur le champ de bataille.
Vyugin a, en outre, déclaré au journal Die Welt:
Janis Kluge, directeur adjoint du groupe de recherche sur l'Europe de l'Est et l'Eurasie à la Fondation Science et Politique (SWP), avait déjà prévenu en mai dans un entretien avec t-online:
La situation économique n'est pas bonne pour Vladimir Poutine. Mais Vyugin voit aussi des défis pour l'Union européenne et les Etats-Unis.
Les deux acteurs travaillent actuellement sur de nouvelles sanctions contre la Russie. Ainsi, la Commission européenne vise à stopper les importations de gaz russe en Europe d'ici 2027. Avant l'invasion de l'Ukraine par Poutine, 45% des importations de gaz venaient de Russie.
Jusqu'à présent, l'UE a imposé, à elle seule, un total de 17 paquets de sanctions depuis le début de la guerre en 2022. Vyugin estime, toutefois, que leur effet est limité et explique:
Poutine en paie toutefois le prix fort:
Le président américain Donald Trump est un facteur additionnel qu'il faut prendre en compte. Il hésite entre une ligne dure vis-à-vis de la Russie, mais souhaite également un succès rapide dans les efforts pour un cessez-le-feu. Cela le rend certes difficilement prévisible, mais, pour le Kremlin, son attitude inconstante est un avantage. Vyugin explique:
Les possibilités de l'UE et des Etats-Unis sont donc également limitées. Le plus grand facteur d'incertitude pour Poutine reste la situation économique de son pays.
Vyugin est sans équivoque:
La question est de savoir combien de temps la population russe acceptera encore de subir les pertes économiques massives causées par la guerre.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci