Des drones iraniens en Ukraine du côté russe, alors que des drones turcs sont utilisés par les Ukrainiens en face? Les choses deviennent un peu compliquées sur la ligne de front ukrainienne. Il n'empêche: plusieurs experts militaires estiment que l'Iran serait sur le point de fournir des drones à l'armée de Vladimir Poutine, selon le Washington Post.
Si l'on en croit Jake Sullivan, le conseiller à la sécurité nationale américaine, les Iraniens se préparent actuellement à livrer «des centaines de drones» à l'armée russe. Des soldats russes seraient formés en Iran pour utiliser plusieurs modèles de drones, dont une grande partie armés. Aucune preuve n'a été fournie par les Etats-Unis pour étayer leurs affirmations.
De son côté, Téhéran a bel et bien confirmé avoir mis en place une «coopération militaire» avec la Russie, mais a nié avoir prévu de livrer des drones.
Les conséquences de la possible présence de drones iraniens en Ukraine sont encore difficiles à évaluer. Toutefois, l'expert militaire Frederick Kagan, de l'American Enterprise Institute, estime que plusieurs signes montrent que la Russie se trouve à court d'armes de précision et verrait d'un très bon l'œil la livraison de drones iraniens.
Ces drones pourraient notamment frapper les pièces d'artillerie fournies par les Etats-Unis et utilisés du côté ukrainien, une véritable épine dans le pied pour les forces russes.
Pour mieux comprendre l'intérêt de Poutine pour les drones iraniens, il faut revenir en arrière de plus de dix ans, en 2011. Un drone furtif américain de type EQ-170 «Sentinel» décolle de la base aérienne de Kandahar, en Afghanistan. Il patrouille à 12 000 mètres au-dessus du territoire iranien, se croyant invisible aux radars du pays.
Il est pourtant détecté. Les Iraniens, usant des moyens de guerre électronique, arrivent à le pirater pour le faire atterrir sur une de leurs pistes, intact. Fait rare, l'incident sera plus tard confirmé par l'administration Obama, qui demandera même à récupérer l'appareil, sans succès.
Très satisfait de sa prise, le gouvernement iranien se servira amplement du «Sentinel» comme modèle pour commencer à développer ses propres drones de combat. Les «Shahed-129» et «Shahed-149 Gaza», inspirés du fameux drone «Predator» américain, seront opérationnels dès 2012. Ils disposent d'une portée de 2000 kilomètres et peuvent transporter une douzaine de bombes légères.
Avançons au 14 septembre 2019: peu avant le lever du soleil, des centaines de drones entrent dans l'espace aérien saoudien, à l'est du pays. Ils foncent tout droit sur leurs cibles, deux installations pétrolières. Touchées de plein fouet, celles-ci sont dévorées par les explosions et les flammes. La moitié de la production pétrolière du Royaume sera interrompue pendant plus d'une semaine.
Les Houthis, qui mènent une guerre civile contre l'Arabie saoudite au Yémen depuis 2014, revendiquent l'attentat. Mais ce sont leur allié dans la région, l'Iran, qui est au centre de la manœuvre. Car ce sont bien des drones produits par leurs soins qui ont été envoyés et pilotés en essaim avec succès pour déjouer la défense aérienne saoudienne. L'attaque aura montré que l'Iran dispose désormais d'un savoir-faire efficace en terme de drones et est capable de rassembler une flotte imposante.
Vladimir Poutine a prévu de se rendre à Téhéran le 19 juillet dans le cadre de ces nouveaux partenariats militaires. Les relations entre Moscou et Téhéran sont au beau fixe depuis l'entrée en fonction, en Iran, d'Ebrahim Raïssi, un président à tendance fondamentaliste, dont la première visite à l'étranger a eu lieu... à Moscou.
De son côté, la Russie a laissé entendre à l'Iran qu'elle pourrait lui livrer des avions de combat Soukhoï Su-35, les plus modernes de sa flotte, ainsi que des systèmes de défense antimissile S-400. Les diplomates des pays de l'Union européenne à Téhéran estiment que l'Iran pourrait aider la Russie à contourner les sanctions.
Vladimir Poutine compte aussi profiter des avantages énergétiques que peut lui fournir l'Iran. L'ouverture d'un nouveau corridor commercial en mer Caspienne est un objectif capital pour Moscou. Un accès aux ports iraniens du golfe Persique permettrait, en effet, aux exportations russes à destination des pays asiatiques de passer par une route deux fois plus rapide que celle du canal de Suez et d'éviter le détroit du Bosphore, contrôlé par la Turquie, qui a bloqué plusieurs navires russes en Mer noire.
Quand on parle du loup: Recep Tayyip Erdogan sera lui aussi présent à Téhéran mercredi, ce qui ne devrait pas manquer de piquant, des drones turcs Bayraktar TB2 ayant été utilisés contre les Russes par les Ukrainiens. Le chef de l'Etat turc désire se placer en médiateur entre la Russie et l'Ukraine.
L'intérêt d'Erdogan se trouve plutôt au nord de la Syrie, où la situation se tend à nouveau. Ankara prévoit une nouvelle grande offensive dans les régions kurdes, ce qui n'a pas suscité beaucoup d'enthousiasme à Moscou et à Téhéran.