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Massacre d'Olenivka: ces 6 faits accusent l'armée russe

Massacre d'Olenivka: ces 6 faits accusent l'armée russe
C'est dans cette baraque que les prisonniers de guerre ukrainiens ont trouvé la mort. Les bâtiments environnants n'ont pas été endommagés.image: keystone

Qui est responsable du massacre d'Olenivka? Ces 6 faits accusent le Kremlin

L'un des pires crimes de guerre depuis le début du conflit s'est produit à Olenivka, dans la banlieue de Donetsk. La Russie accuse l'Ukraine, mais les faits ne parlent pas en faveur de Moscou.
05.08.2022, 06:0405.08.2022, 07:16
Corsin Manser
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Les scènes qui se sont déroulées dans la nuit de vendredi dernier à Olenivka ont dû être terribles. Un incendie ou une explosion a causé la mort d'au moins 50 soldats ukrainiens détenus par les séparatistes prorusses dans la banlieue de Donetsk. Des images vidéo de la zone touchée montrent des corps carbonisés gisant dans un dortoir détruit.

Selon les informations russes, 73 autres prisonniers de guerre auraient été blessés. Il n'y aurait en revanche pas eu de blessés du côté russe.

Il n'y a aucun doute: un crime de guerre atroce a eu lieu à Olenivka. La question est de savoir ce qui s'est réellement passé cette nuit-là. Et qui est responsable de ce massacre. Car sur ce point, les explications de la Russie et de l'Ukraine divergent fortement.

Les corps recouverts des victimes à Olenivka.
Les corps recouverts des victimes à Olenivka.image: keystone

Le ministère russe de la Défense affirme que le camp de prisonniers a été attaqué par les forces de Kiev avec le système de lance-roquettes Himars. Les Ukrainiens auraient voulu intimider leurs propres soldats «pour qu'ils ne se rendent pas». Pour Moscou, cela ne fait pas de doute:

«La responsabilité politique, criminelle et morale du massacre d'Olenivka et d'autres crimes de guerre en Ukraine incombe directement à Joe Biden et Volodymyr Zelensky»

L'explication du ministère ukrainien de la Défense est tout autre. Les prisonniers de guerre auraient été tués par des mercenaires russes du groupe Wagner. Ils auraient ainsi voulu effacer les traces de torture. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a parlé d'une «attaque terroriste perpétrée par des monstres inhumains».

Qui a raison? Aucune enquête indépendante n'a encore été menée sur place. Toutefois, les six points suivants remettent sérieusement en question la version russe.

Le bâtiment n'abritait pas de prisonniers auparavant

De nombreux prisonniers détenus à Olenivka sont originaires de Marioupol, qui a été prise par la Russie en mai. Parmi eux se trouvent des combattants d'Azovstal qui ont opposé pendant des mois une résistance acharnée à l'occupant russe. La Russie accuse les soldats du régiment Azov d'être des «nazis» d'extrême droite.

Les prisonniers n'ont pas passé la majeure partie de leur captivité dans le baraquement où s'est produite l'explosion. Ils n'y ont été transférés que récemment, comme le montre l'analyse d'images satellites par Oliver Alexander, un spécialiste des données. Il a examiné des images vidéo de juin prises dans une autre partie du camp.

Le Washington Post parvient à la même conclusion après avoir parlé avec trois personnes qui ont été emprisonnées pendant une centaine de jours à Olenivka et qui ont été libérées récemment. Le bâtiment dans lequel a eu lieu l'explosion se trouve dans la «zone industrielle» du complexe. Il n'y a jamais eu de prisonniers dans cette zone, expliquent-ils au journal.

Alors pourquoi les prisonniers ont-ils dû changer de bâtiment juste avant l'explosion?

Une conversation interceptée

Les services secrets ukrainiens ont publié la semaine dernière une conversation interceptée entre deux occupants. L'un d'eux, qui était apparemment sur place, a émis l'hypothèse que des explosifs avaient été placés auparavant dans la baraque et qu'ils avaient ensuite été déclenchés dans la nuit de jeudi à vendredi. Il n'y a pas eu d'impact de roquette, raconte l'homme.

Les publications des services secrets ukrainiens doivent bien sûr être considérées avec prudence, d'autant plus qu'ils sont eux-mêmes des belligérants.

Les dommages seraient différents et plus importants

L'analyse de l'expert militaire Thomas C. Theiner suggère également que le bâtiment n'a pas été touché par un missile tiré par Himars. Il argumente entre autres sur ces quatre points:

  • Olenivka n'est qu'à 15 kilomètres derrière la ligne de front. Pourquoi l'Ukraine devrait-elle y tirer un coûteux missile de Himars? Sur une distance aussi courte, il existe des missiles bien moins chers.
  • Le bâtiment où a eu lieu l'explosion est toujours debout. De même, les lits du baraquement n'ont guère bougé. Si un missile tiré par un Himars avait effectivement frappé, les dégâts auraient été bien plus importants.

Le bâtiment endommagé à Olenivka...

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Screenshot: twitter/noclador

... et l'impact d'un missile tiré par un Himars

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screenshot: twitter/noclador
  • Des vidéos montrent des corps brûlés. Cela n'aurait pas été le cas lors de l'impact d'un missile. «L'explosion aurait déchiqueté n'importe qui», affirme Theiner.
  • Un cratère aurait dû se former dans la baraque si un missile s'y était écrasé. Or, selon les images disponibles, il n'y en a pas.

Les tombes

Revenons à l'analyse des images satellites. Celles-ci montrent en effet des tombes présumées situées en bordure du camp de prisonniers.

Les analystes de données ont découvert que les tombes ont été creusées entre le 18 et le 21 juillet. C'est-à-dire avant le massacre des prisonniers de guerre. Le lendemain de l'explosion, une partie des tombes a été recouverte, écrit Oliver Alexander. Cela indique que la mise à mort des prisonniers de guerre était prévue.

Le CICR n'est pas autorisé à entrer

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a demandé l'accès à la prison peu après l'explosion. Mais selon le CICR, les Russes n'ont pas encore réagi à cette demande. Le comité écrit sur son site web:

«Jusqu'à présent, nous n'avons pas été autorisés à accéder aux prisonniers de guerre touchés par l'attaque et nous n'avons pas non plus de garanties de sécurité pour effectuer cette visite. Notre offre de don de matériel de secours est restée sans réponse».

Le ministère russe de la Défense affirme en revanche avoir invité le CICR à lui rendre visite.

«La troisième Convention de Genève donne au CICR le droit de se rendre partout où se trouvent des prisonniers de guerre et de les interroger,» explique le CICR sur son site Internet. Toutefois, il faut pour cela l'accord formel de la partie qui détient les prisonniers de guerre.

Un tweet méprisant

Quelques heures après l'explosion dans le camp de prisonniers, l'ambassade russe en Grande-Bretagne a partagé une citation de civils prétendument pro-russes de Marioupol, qui souhaitent une «mort humiliante» aux combattants d'Azovstal. Cela va à l'encontre des Conventions de Genève, qui prévoient un traitement digne des prisonniers de guerre.

Le tweet a fait l'objet d'une enquête, car il enfreint les règles de Twitter. La plateforme a toutefois déclaré qu'elle le laissait en ligne pour des raisons d'intérêt public.

Après la capture des combattants d'Azovstal, l'ambassadeur russe à l'ONU, Vassili Nebenzia, a annoncé: «Le traitement humain des prisonniers de guerre est la norme dans les forces armées russes».

Mais tout le monde ne semble pas partager cet avis dans ses rangs. Pour l'instant, tout porte à croire que les troupes russes ont commis un nouveau massacre à Olenivka.

Les images glaçantes de Marioupol vue du ciel
Video: watson
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