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Rongé de remords, un soldat russe raconte la guerre de Poutine

Rongé de remords, un soldat russe quitte l'armée de Poutine et raconte

La Russie préfère toujours parler d'«opération spéciale» plutôt que de guerre. A force de tout dissimuler, la propagande du Kremlin commence à s'étioler.
24.05.2022, 06:1224.05.2022, 06:12
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Cela fait presque trois mois que la Russie a envahi l'Ukraine. Depuis, la guerre fait rage à l'est de l'Europe, et elle affecte de nombreuses personnes. Pas seulement les habitants de l'Ukraine, mais également les Russes.

Même dans l'armée russe, tout le monde n'est pas satisfait de la situation. C'est le cas d'un jeune officier. Celui-ci ne voulait plus participer à la guerre et a donc présenté sa démission à son commandant. La semaine dernière, il a accordé une interview à la chaîne de télévision américaine CNN. Il a ainsi offert un rare aperçu du côté russe de la guerre:

«Nous étions sales et fatigués. Des gens mouraient autour de nous. Je ne voulais pas avoir l'impression d'en faire partie, mais j’en faisais partie»

Son nom, craignant les conséquences, n'a pas été publié dans l'enquête.

Les jours avant la guerre

Le 22 février, deux jours avant l'invasion de l'Ukraine, le soldat était encore stationné à Krasnodar avec sa troupe. Ce jour-là, il s'est passé quelque chose dans l'armée: les soldats ont été priés de rendre leurs téléphones portables, raconte l'officier. Par la suite, ils ont commencé à peindre des bandes blanches sur les chars. Avant que l'ordre ne soit donné de les effacer. «L'ordre a changé, on dessine la lettre 'Z', comme dans 'Zorro'», leur aurait-on dit à l'époque.

Le lendemain, les soldats ont été redéployés. De Krasnodar, ils sont allés en Crimée. «Honnêtement, je ne pensais pas aller en Ukraine. Je ne pensais pas que cela irait vraiment jusque-là», a déclaré l'officier. Peu après, Vladimir Poutine a annoncé le début de ce qu'il appelle «l'opération spéciale». Au début, sa troupe ne s'en est même pas aperçue, selon le soldat. Après tout, ils n'avaient plus de téléphone portable.

«Certains se sont tout de suite opposés. Ils ont donné leur démission et sont partis. Je ne sais pas ce qui leur est arrivé»

De son côté, le soldat aurait décidé de rester, bien qu'il ne puisse pas dire pourquoi. «Et un jour plus tard, nous avons envahi l'Ukraine».

Le manque de justification

L'officier rapporte qu'aucune raison n'a été donnée pour justifier l'invasion de l'Ukraine. La prétendue «dénazification de l'Ukraine», que Poutine a invoquée devant les médias, ne lui est jamais parvenue. «Nous n'avons jamais été confrontés à une rhétorique de 'nazis ukrainiens'», dit-il.

«Beaucoup ne savaient pas ce qui se passait exactement et ce que nous faisions ici»

Il espérait qu'une solution diplomatique serait trouvée. Il se sentait lui-même coupable. Mais en même temps, il avait relativement peu de connaissances sur les événements politiques.

Russian President Vladimir Putin attends a wreath-laying ceremony at the Tomb of the Unknown Soldier, near the Kremlin Wall during the national celebrations of the 'Defender of the Fatherland Day ...
Vladimir Poutine n'aurait pas donné de raison à l'armée pour envahir l'Ukraine.image: keystone

Les premiers jours en Ukraine

L'ancien officier raconte également des expériences vécues en Ukraine qui l'ont marqué. Il a par exemple décrit les événements de l'un des premiers jours en Ukraine. Il traversait alors l'Ukraine dans un camion en direction de Kherson. «Je tenais mon fusil, j'avais un pistolet et deux grenades sur moi», explique-t-il. Finalement, ils ont atteint un village où un homme s'est opposé à eux. «Il a presque grimpé dans le compartiment où nous étions», raconte le Russe.

«Ses yeux étaient pleins de larmes. Cela m'a laissé une forte impression»

Les confrontations avec les locaux ont également laissé des traces. «Certains d'entre eux avaient caché des armes sous leurs vêtements et faisaient feu sur nous lorsque nous nous approchions», raconte-t-il. Il a parfois caché son visage, car il avait tellement honte d'avoir envahi l’Ukraine.

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Les rencontres avec des Ukrainiennes et des Ukrainiens ont marqué l'ex-officier.image: keystone

Comme il a toujours été impliqué dans des combats, il n'a pratiquement jamais pu réfléchir correctement, explique-t-il.

«J'étais sous le choc. Je suis allé me coucher en me disant: 'Aujourd'hui, c'est le 1er mars. Demain, je me réveillerai et ce sera le 2 mars. Le but est de survivre un jour de plus.»

Pendant ces jours, personne de sa troupe n'est mort, assure-t-il. «C'était un miracle. Les bombes tombaient toujours très près de nous».

Les remords

Après quelques semaines de guerre, l'officier a pris de plus en plus conscience de ce qui se passait exactement. «Nous avions une radio et pouvions ainsi écouter les informations», raconte-t-il. C'est ainsi qu'il a peu à peu mesuré les conséquences de la guerre. «J'ai entendu dire que l'économie russe s'effondrait. Je me suis senti coupable», dit-il:

«Je me sentais d'autant plus coupable parce que nous étions en Ukraine»

C'est pour cette raison qu'il a pris son courage à deux mains et présenté sa démission. Celle-ci a d'abord été refusée, dit-il. «Mon supérieur m'a dit que c'était un crime. C'était une trahison. Mais j'ai insisté». C'est ainsi qu'il a finalement signé le papier. (dab)

(Traduit de l'allemand par Julie Rotzetter)

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Video: watson
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