La pression internationale sur l'Allemagne est allée en croissant ces dernières semaines, mais la discussion sur une éventuelle livraison de chars de combat allemands à l'Ukraine ne bouge que timidement. Plusieurs pays européens, dont la Pologne, la Finlande et le Danemark, souhaitent céder à Kiev des chars de fabrication allemande, mais Berlin refuse jusqu'à présent de délivrer une autorisation d'exportation.
Les inquiétudes du chancelier allemand Olaf Scholz sont bien connues: si les Ukrainiens recevaient du matériel de type Leopard 2, cela pourrait, selon lui, conduire à une nouvelle escalade. Kiev argumente qu'elle a besoin du Leopard pour reconquérir les territoires occupés par la Russie. Lors de son intervention mercredi au Forum économique mondial de Davos, Scholz n'a pas souhaité s'avancer quant à un changement de position allemande.
Bien que le chancelier ne semble pas avoir changé d'avis, un revirement à Berlin ne semble pas exclu. Comme à plusieurs reprises depuis le début de la guerre, Scholz fait dépendre sa position de celle des alliés occidentaux.
Mardi déjà, Scholz s'est entretenu au téléphone avec le président américain Joe Biden pour lui asséner une nouvelle fois que l'Allemagne ne pourrait autoriser des livraisons que si les Etats-Unis en font de même. Ainsi, si Washington livrait à Kiev des chars américains Abrams, les Ukrainiens pourraient également recevoir des chars allemands Leopard.
Pour l'instant, Washington ne semble toutefois pas vouloir remplir la condition imposée par Berlin. «Je pense que nous n'y sommes pas encore», a déclaré mercredi Colin Kahl, un conseiller politique de haut rang du secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, lorsqu'il a été interrogé sur les jeux de réflexion de Scholz. Kahl, qui s'était rendu lundi dans la capitale ukrainienne, a déclaré à propos du char de combat propulsé par une turbine à gaz:
Le système n'est pas facile à entretenir et le Pentagone ne veut pas livrer aux Ukrainiens des chars qu'ils ne peuvent pas réparer, qu'ils ne peuvent pas maintenir en service et qu'ils ne peuvent pas non plus entretenir à long terme. Lorsque Washington autorise de nouvelles livraisons d'armes, les gros titres et la symbolique ne jouent pas un rôle central, a déclaré Kahl. Ce qui est déterminant, c'est ce qui aide réellement l'Ukraine.
Karine Jean-Pierre, la porte-parole de la Maison-Blanche, s'était montrée plus diplomate auparavant. Lors d'une conférence de presse, elle a indiqué que chaque pays devait décider lui-même du type de matériel militaire qu'il souhaitait livrer à l'Ukraine.
Un conseiller anonyme d'Austin a déclaré dans la nuit de mercredi à jeudi que le ministre s'efforcerait, lors de sa rencontre avec son nouvel homologue allemand Boris Pistorius, de débloquer la situation actuelle et de parvenir à une décision.
Boris Pistorius, le nouveau ministre allemand de la Défense, a reçu, jeudi, à Berlin, son homologue américain. Le Pentagone avait assuré que celui-ci ferait le maximum pour régler le problème. Ce dont les deux ministres ont discuté n'a pas été divulgué. Au début de l'entrevue, le représentant américain a poliment remercié les Allemands pour leur «aide précieuse».
Pendant ce temps, le gouvernement américain prépare le prochain paquet d'aide pour l'Ukraine d'une valeur de 2,5 milliards de dollars. Il doit être présenté ce vendredi, en marge d'une conférence des donateurs des alliés de Kiev à Ramstein en Allemagne. Selon ce document, Washington veut livrer à l'Ukraine une centaine de chars de grenadiers à roues de type Stryker, utilisés par les forces américaines pour le transport rapide d'unités d'infanterie.
En outre, l'Ukraine devrait recevoir des véhicules blindés de combat d'infanterie Bradley supplémentaires, Washington ayant déjà annoncé la livraison de 50 chars de ce type il y a deux semaines. Les Etats-Unis veulent en outre augmenter l'arsenal de munitions de Kiev, notamment avec de petites bombes guidées de précision (Small Diameter Bomb) d'une portée de plus de 100 kilomètres.
Bien que la Maison-Blanche se soit résignée à ce que l'Ukraine envisage de reconquérir la Crimée, le Pentagone continue de s'opposer à la livraison de missiles balistiques à courte portée de type ATACMS. Kahl a déclaré, mercredi, que l'Ukraine était capable de renverser la dynamique sur le champ de bataille, même sans cette arme moderne. «L'affaire n'en vaut pas la peine», a-t-il déclaré à propos de la livraison envisagée d'un système ATACMS. Toutefois, cette appréciation pourrait changer.