S'il est une chose que la guerre a inculquée à Volodymyr Zelensky, c'est qu'il doit être partout - y compris dans les pages des magazines sur papier glacé prisés des Occidentaux. Alors, quoi de plus percutant que le temple de la presse féminine lui-même, Vogue, pour figurer en couverture de son édition du mois d'octobre?
Le résultat est sans appel: un shooting hollywoodien et plein de dramaturgie, signé de la patte de la photographe Annie Leibovitz. Volodymyr, muscles saillants moulés dans son éternel t-shirt kaki, et Olena, beauté grave et sérieuse, toute en élégance et sobriété, posent entre des sacs de sable, au coeur du palais présidentiel.
Dans le portrait qui lui est consacré, la première dame ukrainienne revient sur ces derniers mois de guerre: «Les plus horribles de ma vie, et de celle de tous les Ukrainiens.»
Dans le même article, l'ancienne rédactrice en chef de Vogue Ukraine, Tetyana Solovey, livre son analyse du rôle indispensable joué par Olena, «la première à parler de l'expérience humaine de la guerre, qui a aidé l'Ukraine à affirmer sa propre voix».
«Sa présence dans les médias contribue à donner ce sentiment que l'Ukraine en tant que pays a le droit d'être entendu, de parler, d'être considéré comme pertinent.»
Une mise sous les projecteurs qu'Olena Zelenska a eu du mal à endosser: «J'aime être dans les coulisses, cela me convient. Passer sous les feux de la rampe a été assez difficile pour moi», confie-t-elle. Et pour cause: l'ancienne scénariste de métier avait l'habitude d'oeuvrer dans l'ombre.
Forcément, une interview pour un magazine de mode impliquait de parler... de mode. Un thème a priori déplacé, quand on sait que des bombes tombent sur la population, à quelques dizaines de kilomètres du lieu du shooting: «Etrange de parler d'extermination ukrainienne et de mode ukrainienne dans la même conversation», avoue la journaliste Rachel Donadio elle-même.
«Cette dissonance cognitive est particulièrement vraie à Kiev, où l'on peut siroter un matcha dans un café, puis faire une heure de route jusqu'à Boutcha pour visiter un charnier. Il est difficile de s'y retrouver», conclut-elle.
Pourtant, bien qu'il ne s'agisse a priori que de vulgaires «fringues», l'habillement joue aussi un rôle dans la bataille médiatique menée par Volodymyr Zelensky, sa femme et leur pays. La preuve, il n'a plus quitté son uniforme depuis le mois de février, fermement arrimé dans ses bottes et son treillis militaire, qui est devenu un symbole.
Olena, pour sa part, n'a jamais dédaigné le rôle du vêtement, et ce, bien avant le début du conflit. «Elle est très précise dans ce qu'elle porte, mais elle laisse la place à l'expérimentation», explique Julie Pelipas, styliste ukrainienne qui a participé à la création des images accompagnant l'article. «Lorsqu'elle porte un tailleur-pantalon, elle n'a pas peur d'avoir l'air trop masculine à côté du président. C'est aussi le signe d'une femme moderne en Ukraine - nous n'avons pas peur de montrer que nous sommes plus fortes, que nous sommes égales aux hommes.»
Le jour de l'entretien, Olena Zelensky est vêtue d'un jean large, de grosses baskets blanches ornées de détails jaunes et bleus (clin d'œil évident au drapeau ukrainien), ainsi que d'une chemise boutonnée de couleur rouille. «Je n'ai pas pu m'empêcher de penser que la chemise avait la même teinte rouille que les chars russes calcinés que j'ai vus le long des routes à Irpin et Boutcha, les banlieues de Kiev où l'Ukraine a repoussé les Russes», admet la journaliste. La mode, décidément, tout un symbole. (mbr)