Le 29 octobre, la flotte russe de la mer Noire, amarrée dans la baie de Sébastopol, a été attaquée. Détail important, cet assaut a été mené à l'aide de drones navals kamikazes, des engins encore jamais observés dans ce conflit. Le principe est simple: il s'agit de petits bateaux télécommandés, remplis d'explosif, qui foncent vers leur cible et explosent en la touchant.
Le lendemain de l'attaque, les autorités ukrainiennes ont diffusé deux vidéos apparemment tournées à bord de ces vaisseaux suicides, où on les voyait se frayer un chemin dans les eaux de Sébastopol. Un exemplaire très similaire à ceux utilisés à Sébastopol s'était, en outre, échoué sur les côtes de Crimée en septembre. Les spéculations que cette découverte avait alimentées ont donc été confirmées quelques semaines plus tard.
C'était à peu près tout ce que l'on savait. Jusqu'à vendredi dernier, lorsque les autorités ukrainiennes ont levé le voile sur ces vaisseaux kamikazes. Et elles l'ont fait de manière quelque peu particulière: en laçant une campagne de collecte de fonds ayant pour objectif d'«assembler la première flotte de drones navals au monde».
Il ne s'agit pas d'une «simple» campagne de crowdfunding. Elle a été lancée sur UNITED24, une plateforme voulue par le président Volodymyr Zelensky et devenue le principal lieu de collecte de dons caritatifs en faveur de l'Ukraine. Autrement dit, le lancement de cette action revient à revendiquer l'attaque à Sébastopol, ce que Kiev n'a pas encore officiellement fait. Le site contient une citation, très explicite, du même Zelensky:
Oleksiy Neïjpapa, commandant de la marine ukrainienne, enchaîne: «Ces drones navals ont déjà prouvé leur efficacité et peuvent changer considérablement la situation en mer Noire».
Les autorités ukrainiennes ont de très bonnes raisons de vouloir renforcer leurs défenses maritimes. «Depuis le 24 février, les forces armées russes ont lancé plus de 4500 missiles sur l'Ukraine. Une frappe sur cinq provient de la mer», peut-on lire dans le texte accompagnant la collecte de fonds.
Le site affirme, par ailleurs, que l'attaque du 29 octobre a endommagé trois navires russes, dont le navire amiral de la flotte de la mer Noire, le Makarov. L'analyse des images satellites indique, toutefois, que cela n'a probablement pas été le cas.
La récolte de fonds est accompagnée d'une vidéo montrant un drone apparemment identique à celui capturé en Crimée et à ceux utilisés lors de l'attaque du 29 octobre contre la flotte russe de la mer Noire à Sébastopol.
Autre détail intéressant, le texte de la collecte de fonds contient énormément d'informations au sujet du drone. Celui-ci est décrit comme un «projet ukrainien unique et classifié». Son coût? 250 000 dollars américains, qui couvrent plusieurs fonctionnalités, dont un système de pilotage automatique, un module de communication spécial protégé contre la guerre électronique et une station de contrôle autonome basée au sol.
Ces engins sont donc nettement moins chers que d'autres systèmes d'armes actuellement utilisés par l'armée ukrainienne. Selon les données du «Kiel Institute for the World Economy», un drone turc Bayraktar TB2 coûte, par exemple, cinq millions de dollars, un seul missile anti-navire Harpoon 1,4, et son lanceur plus de 35, alors que le Iris-T SLM allemand a un prix de 160 millions de dollars.
Côté caractéristiques techniques, l'engin fait 5,5 mètres de long, peut se déplacer à une vitesse maximale de 80 km/h et transporter jusqu'à 200 kilos d'explosifs. Son autonomie serait de 60 heures, son rayon d'action de 400 kilomètres. Si ces chiffres sont exacts, commente le site spécialisé The Drive, cela permettrait aux drones d'opérer dans une large bande de la mer Noire occidentale et centrale et d'atteindre facilement Sébastopol.
Ces engins pourraient également frapper bien plus loin que les systèmes de missiles anti-navires livrés par les Occidentaux, poursuit le site. Leur portée est d'environ 112 kilomètres.
Il reste à voir combien d'argent sera réuni et combien de drones seront effectivement construits. L'objectif initial de la collecte est d'assembler une flotte de 100 exemplaires. (asi)