La bataille de Kherson a commencé fin août, mais la reconquête de la ville occupée par les Russes s'annonçait très compliquée pour les forces ukrainiennes. Comme le rappelait le spécialiste militaire Julien Grand à l'époque, assiéger une ville demande beaucoup de forces, tandis que la défendre est relativement facile.
Les gains territoriaux dans cette zone ont été moins spectaculaires par rapport aux avancées effectuées dans la région de Kharkiv. De plus, pour des raisons stratégiques, Kiev a très peu communiqué au sujet de cette opération.
Les choses semblent en train de changer. En l'espace de trois jours, l'armée ukrainienne a libéré 88 localités dans la région de Kherson, a affirmé, lundi, le chef adjoint du bureau du président Kyrylo Tymoshenko.
Les troupes de Kiev sont donc de plus en plus proches de la ville. Au point que les autorités pro-russes ont ordonné à la population d'évacuer la ville, la semaine passée. Les civils ont été appelés à se rendre sur l'autre rive du Dniepr, s'enfonçant, de fait, plus en profondeur dans le territoire occupé.
Pour le colonel Oleksandr Pyskun, interrogé par Franceinfo, la prise de Kherson ne serait plus qu'une question de jours. Pourtant, nuance-t-il, la situation n'est pas simple:
Les troupes d'occupation ne restent pas sans rien faire. Les autorités pro-russes ont fait savoir que «la ville de Kherson, comme une forteresse, prépare sa défense». L'état-major ukrainien a également indiqué que la Russie préparait la ville au combat urbain, ce qui semble annoncer l'arrivée soudaine des troupes ukrainiennes.
Parallèlement, les forces russes seraient en train de se retirer des localités voisines. Selon des sources ukrainiennes, les soldats de Moscou auraient complètement abandonné leurs positions à Charivne et Chkalove, tandis que des officiers et des médecins auraient été évacués de Beryslav, à environ 80 kilomètres de Kherson.
Un retrait de l'armée russe de l'autre côté du Dniepr, qui borde la ville sur son côté oriental, paraît de plus en plus plausible. C'est ce que ressort de plusieurs informations repérées par le groupe de réflexion américain «Institute for the study of war» (ISW):
Les forces russes préparent parallèlement une série d'actions dans l'objectif d'entraver et retarder l'avancée des adversaires. Les soldats de Moscou s'apprêteraient notamment à faire sauter le barrage de Kakhovka, situé à une centaine de kilomètres à l'est de Kherson, le long du fleuve. C'est ce qu'affirme Kiev.
Si les forces russes mettaient ces menaces en exécution, les conséquences pourraient être dévastatrices. En amont du barrage se trouve une immense retenue d’eau artificielle, qu'inonderait et élargirait le cours du fleuve.
Dans ce cas, «plus de 80 localités, dont Kherson, se retrouveront dans la zone d’inondation rapide», a affirmé le président Volodymyr Zelensky. «En cas de destruction du barrage (...) le canal de Crimée du Nord disparaîtra tout simplement», a-t-il ajouté.
En outre, «cela pourrait détruire l’approvisionnement en eau d’une grande partie du sud de l’Ukraine», et affecter le refroidissement des réacteurs de la centrale nucléaire de Zaporijia.
Pourtant, selon l'ISW, une telle action ne serait que partiellement efficace, également à cause du fait qu'il n'y aurait plus que de recrues fraîchement mobilisées sur la rive occidentale du fleuve.
L'utilisation de forces aussi inexpérimentées pour mener une action de retardement pourrait provoquer une déroute russe si les forces ukrainiennes choisissent de pousser l'attaque, conclut l'ISW. (asi)