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Kherson: pourquoi la Russie évacue la ville

October 11, 2022, Lyman, Donetsk, Ukraine: Destroyed Russian military equipment is seen placed in an area at the recaptured town of Lyman. As part of a rapid Ukrainian counteroffensive which recapture ...
Véhicules russes détruits dans la ville ukrainienne de Lyman.image: imago-images

«La Russie veut éliminer l'ethnie ukrainienne»: ce que cache l'évacuation de Kherson

Loi martiale et déportations: les décisions de la Russie semblent de plus en plus paniquées. Un résumé de la situation en quatre points.
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21.10.2022, 18:38
Dennis Frasch
Dennis Frasch
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La situation en Ukraine est actuellement chaotique. Alors que le gouvernement ukrainien se voit contraint de procéder à des coupures d'électricité dans tout le pays, les Russes semblent se retirer, presque dans la panique, de la grande ville de Kherson, sur le front sud. Ce faisant, ils emportent avec eux la population civile.

Voici la signification de tout cela et des spéculations quant à la façon dont les choses pourraient évoluer.

La Russie se prépare à une nouvelle défaite

La situation militaire devient de plus en plus tendue pour les Russes. Après avoir subi d'énormes pertes sur le front de l'Est, autour de Kharkiv, les troupes du front sud semblent se préparer à une nouvelle défaite.

Vidéo: watson

Avec une franchise inhabituelle, les militaires russes et la propagande télévisée mettent en garde contre une violente défaite à Kherson. D'importants postes de commandement ont déjà été déplacés vers le sud de Kherson, il y a deux semaines. Mercredi, toutes les autorités militaires et civiles ont suivi.

Selon les informations de «l'Institute for the Study of War» (ISW), Moscou veut évacuer toute la rive droite du Dnipro. Cette communication ouverte viserait à préparer la population locale à un retrait complet de la ville. Voilà donc déjà plusieurs jours que la Russie met en garde contre une offensive majeure des troupes ukrainiennes.

Dans le talk-show politique «60 minutes» de la télévision d'Etat russe, le correspondant Alexander Kots a, en outre, averti qu'il n'y aurait «pas de bonnes nouvelles» au cours des deux prochains mois. Selon lui, les troupes russes devraient subir de lourdes pertes.

La présentatrice de l'émission, Olga Skabejeva, a également émis des critiques inhabituellement virulentes. La partisane de la ligne dure a demandé avec amertume comment la Russie avait pu se tromper à ce point:

«Pourquoi ne nous sommes-nous pas suffisamment préparés au début de notre opération militaire spéciale? Pourquoi avons-nous pensé que Zelensky allait partir et que l'Otan n'aiderait pas l'Ukraine?»

Alors que Moscou multiplie les mises en garde contre une offensive majeure autour de Kherson, les dirigeants de Kiev restent silencieux. Jusqu'à présent, le front est toujours en place et les troupes russes semblent s'être retranchées dans des positions bien aménagées. Mais l'administration régionale de la région, établie par la Russie, parle déjà d'attaques menées par plusieurs centaines de soldats au nord-est de la ville disputée.

Comme le rapporte la NZZ, une grande attaque des Ukrainiens est tout sauf certaine. Elle serait en totale contradiction avec la tactique adoptée jusqu'à présent: les Ukrainiens, inférieurs en nombre, ont jusqu'à présent évité au maximum les combats urbains. Le fait que les ponts sur le Dnipro aient été rendus pratiquement impraticables par les tirs des troupes de Kiev plaide également contre une attaque précipitée. Les Ukrainiens pourraient donc prendre leur temps.

Comme l'a indiqué le ministère britannique de la Défense sur Twitter, les troupes russes devront très probablement s'appuyer fortement sur le pont temporaire formé de barges et récemment achevé près de Kherson, ainsi que sur des bacs de pontons militaires. Ces derniers se trouvent, toutefois, tous à portée de l'artillerie ukrainienne.

Le contrôle du terrain autour de Kherson et Mykolaïv, situation au 19 octobre 👇

La grande offensive sur Kherson ne semble pas encore avoir commencé.
La grande offensive sur Kherson ne semble pas encore avoir commencé.image: institute of the study of war

Les civils sont déportés vers la Russie

Malgré tout, Moscou poursuit son retrait. L'administrateur mandaté par la Russie, Vladimir Saldo, a annoncé, mercredi, vouloir «évacuer» jusqu'à 60 000 personnes de Kherson dans les prochains jours. Une partie de ces gens devrait être emmenée en Russie. L'action doit servir à protéger les civils, explique-t-on du côté russe.

L'administration d'occupation a appelé la population à se rendre au port de Kherson. De là, des petits bateaux à vapeur desservaient la rive gauche pendant la journée. «Chaque personne est autorisée à transporter 50 kilos de bagages», indiquait l'information. «Les animaux peuvent être emmenés». Une vidéo montre comment de longues files d'attente se forment sur le port. 7000 personnes auraient déjà été relogées.

Tant des acteurs occidentaux que les dirigeants ukrainiens ont, entre-temps, parlé de déportations de la population ukrainienne. La Russie organise un «show de propagande», a-t-on affirmé à Kiev.

Le chef du bureau présidentiel Andriy Yermak dit que la Russie dissémine de fausses informations avec lesquelles elle cherche à effrayer les civiles:

«Les Russes tentent d'intimider les habitants de Kherson avec de fausses nouvelles sur le bombardement de la ville par notre armée, et organisent en outre un show de propagande avec des évacuations.»

De même, l'ISW considère l'évacuation comme un prétexte pour le déplacement forcé en masse de civils. Dans une mise à jour, le think tank a écrit:

«La Russie ne semble pas tirer de bénéfices économiques de la relocalisation en Russie de dizaines de milliers d'Ukrainiens récalcitrants. Cela suggère que le but de ces expulsions est, d'une part, de nuire à la reprise économique à long terme de l'Ukraine lors de la reconquête de son territoire. D'autre part – et c'est encore plus important – ces déportations peuvent soutenir la campagne de nettoyage ethnique de la Russie, qui tente d'éradiquer l'ethnie et la culture ukrainiennes.»
«Institute of the Study of War»

Attaque sous fausse bannière contre une grande centrale hydroélectrique

Alors que les forces russes se retirent précipitamment de Kherson, la nuit tombe sur toute l'Ukraine. Depuis une semaine et demie, la Russie lance des attaques à grande échelle contre l'Ukraine, visant en particulier les infrastructures critiques du pays voisin. Selon les dernières données du gouvernement de Kiev, les missiles et les drones ont entre-temps endommagé près de 40 pour cent de l'infrastructure énergétique ukrainienne.

Vidéo: watson

Jeudi, des coupures de courant ont donc eu lieu dans tout le pays. L'ensemble de la population a été invité à consommer le moins d'électricité possible entre 7 et 22 heures. Parallèlement, des appels ont été lancés pour que les gens se munissent de powerbanks, de piles et de lampes de poche.

Un nouveau coup porté à l'infrastructure énergétique pourrait prendre la forme d'une attaque sous fausse bannière. Le général Surovikin, commandant en chef des troupes russes dans la guerre en Ukraine, a évoqué, mardi, une prétendue attaque ukrainienne contre la centrale hydroélectrique de Kakhovka. Celle-ci se trouve à quelques kilomètres à l'est de Kherson, sur le Dnipro. Surovikin a accusé Kiev de vouloir attaquer le barrage de la centrale hydroélectrique de Kakhovka. Cela entraînerait des inondations destructrices dans l'oblast de Kherson.

La centrale hydroélectrique de Kakhovka, près de Kherson.
La centrale hydroélectrique de Kakhovka, près de Kherson.image: wikimedia

Les acteurs occidentaux y voient une manœuvre sous fausse bannière. Grâce aux avertissements, les forces russes pourraient endommager le barrage et ensuite mettre cela sur le dos des Ukrainiens. Les Russes pourraient profiter des inondations pour gagner du temps et légitimer davantage leur propre retrait vers le sud.

Poutine déclare l'état de guerre

Pendant ce temps, le président russe Vladimir Poutine tente par tous les moyens d'assurer son pouvoir dans les territoires occupés d'Ukraine. Dans la nuit de mercredi à jeudi, deux décrets de Poutine sont entrés en vigueur. Dès lors, la loi martiale est appliquée dans les régions ukrainiennes de Donetsk, Louhansk, Zaporizhia et Kherson. En Russie, c'est en revanche une sorte de «loi martiale light» qui prévaut, un état d'alerte de mauvais augure qui doit s'appliquer par degrés dans toute la Russie.

La loi martiale russe permet une série d'atteintes massives à la liberté individuelle. Ainsi, elle impose le couvre-feu et la censure. Par ailleurs, des points de contrôle sont mis en place et les possibilités de déplacement sont limitées. Il est également possible de procéder à des arrestations pouvant aller jusqu'à 30 jours, de confisquer des biens, d'interner des étrangers, de les déplacer de force vers d'autres régions et de limiter les déplacements des citoyens russes à l'étranger.

Vidéo: watson

Le politologue et expert en sécurité Gerhard Mangott de l'université d'Innsbruck décrypte la démarche de Poutine: «Poutine veut créer une base juridique pour une mobilisation générale dans ces régions annexées». Selon lui, l'armée russe est soumise à une forte pression pour combler les pertes dans ses propres rangs.

«La Russie a un besoin urgent de main-d'œuvre»
Gerhard Mangott

On peut douter que l'enrôlement forcé d'hommes ukrainiens suffise à éviter la prochaine grande défaite à Kherson. Le retrait de l'armée russe indique que même le Kremlin en doute.

Plus d'images de véhicules russes détruits en Ukraine
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Plus d'images de véhicules russes détruits en Ukraine
Une partie d'un char russe endommagé dans le village de Mala Rohan, près de Kharkiv, en Ukraine, le 13 mai 2022.
source: sda / sergey kozlov
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Pour certains conscrits russes, la mobilisation se fait dans l'alcool
Video: watson
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