L'Ukraine est en guerre depuis 21 mois déjà. 21 mois qui ont non seulement fait de nombreuses victimes civiles et militaires. Peu de temps après l'attaque des troupes russes le 24 février 2022, les hommes ukrainiens en âge de servir n'avaient déjà plus le droit de quitter le pays. En outre, face à l'agression militaire lancée par Vladimir Poutine, de nombreux hommes étaient volontaires.
L'envie de combattre et faire front était particulièrement forte dans la société ukrainienne au début du conflit. On ne voulait pas s'avouer vaincu. On voulait se battre. Mais la motivation s'est étiolée face aux combats qui durent. De nombreuses femmes ukrainiennes en ont désormais assez, elles forment un mouvement de protestation et réclament sans cesse le retour de leur partenaire ou de leur fils. Le pays cherche à réformer sa conscription, car, à l'Est, la guerre continue.
Certaines ont à nouveau manifesté sous la neige et par des températures négatives le week-end dernier, cette fois-ci à Zaporijia et à Kiev. Elles brandissent des pancartes avec des messages comme: «Mon mari n'est pas un prisonnier» ou «Le temps des autres est venu». La plupart des manifestantes sont des femmes, des épouses, compagnes ou mères de soldats. Elles demandent la démobilisation.
Immer mehr ukrainische Soldaten klagen über Müdigkeit. Viele sind seit Beginn des Angriffskriegs pausenlos im Einsatz. Kein Urlaub, kein Recht auf Familie. Ohne es zu ahnen haben sie ein One-Way-Ticket in den Krieg gezogen. Jetzt protestieren ihre Frauen. https://t.co/IxyoDsp3pE
— Rebecca Barth (@barthreb) December 4, 2023
Hanna Bondar fait partie de ces manifestantes. Son mari est au front depuis le début de la guerre et il est maintenant épuisé, raconte sa femme interrogée par le journal télévisé. Il ne veut plus, bien qu'il se soit porté volontaire au début de la guerre pour défendre son pays.
Dans les premiers temps de la guerre, la forte motivation de l'armée ukrainienne a porté ses fruits. La Russie, qui espérait et attendait une victoire rapide, se voit désormais confrontée à une guerre de position épuisante. Pour les deux camps.
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Mais beaucoup n'avaient pas compris ce que s'engager signifiait vraiment. «Nous sommes partis du principe qu'il aurait la possibilité de se démobiliser au bout d'un an et demi, comme en 2015», explique Julia Pawlienko. Cette année-là, la Russie avait annexé la Crimée.
Mais, depuis 2021, le temps a passé et avec lui le moral. Ce dernier serait au plus bas, la troupe serait démoralisée par l'engagement ininterrompu et le mari de Julia ne fait plus que survivre au front. Qui pour venir les relever?
Les écueils auxquels sont confrontés les dirigeants ukrainiens sont multiples. En effet, les soldats du pays ne sont plus vraiment disposés à faire la guerre, et pas seulement ceux qui sont au front. Ainsi, de nombreux hommes se cachent des autorités, évitent la conscription, d'autres achètent leur liberté ou quittent le pays en secret. Il est clair que cela ne peut pas continuer ainsi.
Le vétéran et expert militaire Yevhen Dykii estime que seules des décisions impopulaires permettront de trouver une solution à cette hémorragie. Il estime, par exemple, qu'un service militaire limité dans le temps est une bonne idée. Selon lui, cela ne devrait pas dépasser deux ans.
Ce serait toujours mieux que maintenant, car la situation est problématique. Il n'y a pas de fin en vue pour les soldats. Ceux qui se portent volontaires prennent donc actuellement un aller simple pour la guerre.
Mais il existe encore des soldats prêts à continuer à se battre pour leur pays. Il y a toujours un potentiel de mobilisation en Ukraine.
C'est ce que montrent par exemple les unités qui mobilisent elles-mêmes leurs soldats et qui y parviennent. L'Ukraine est remplie d'affiches héroïques de ces unités. Les personnes qui s'y inscrivent passent ensuite par une sorte de processus de candidature pour un poste qu'elles ont choisi. L'affluence est parfois telle qu'il n'y a pas de place pour tout le monde. Le patron de Lobby X (l'un des recruteurs), Vladyslav Hresjew, explique:
Le gouvernement ukrainien veut désormais, lui aussi, exploiter ce potentiel et miser de plus en plus sur des sociétés de recrutement comme Lobby X. C'est indéniablement un avantage par rapport à la formation «publique» de l'armée qui est souvent beaucoup trop courte et ne tient pas compte des compétences individuelles des futurs soldats.
Depuis plusieurs mois, la Commission de la défense du parlement ukrainien travaille donc à un projet de loi visant à résoudre le problème. En effet, même les sociétés de chasseurs de têtes ont du mal à recruter les 100 000 soldats nécessaires. Une réforme urgente est nécessaire, affirme l'expert militaire Yevhen Dykii.
La fixation d'une limite de temps pour la durée du service – dénoncées par les femmes des militaires au front – est particulièrement importante. Yevhen Dykii souligne:
En même temps, il faut serrer la vis, explique-t-il. Car:
Au sein de la population, une extension de la conscription ne suscitera probablement pas l'enthousiasme. Celles qui protestent sur le Maidan essuient déjà beaucoup de rejet, rapportent-elles.
«Les femmes comprennent: pour que mon mari rentre à la maison, son mari doit partir», rapporte Julia Pawlienko. Et Hanna Bondar rapporte également des commentaires négatifs sur les réseaux sociaux.
Malgré ces défis, les femmes ne se laissent pas décourager. Elles soulignent que pour continuer à défendre l'Ukraine, il est nécessaire d'avoir des soldats frais et bien formés. Une troupe épuisée et démotivée ne serait donc pas en mesure d'arrêter l'armée russe.
De l'autre côté du front, les femmes se font aussi entendre. Elles ont les mêmes revendications que les Ukrainiennes. En Russie aussi, la résistance s'organise par le biais de femmes de soldats. Une vidéo d'un discours prononcé le 19 novembre lors d'un rassemblement dans la ville sibérienne de Novossibirsk montre les revendications. Une femme y lance au micro:
L'oratrice fait partie d'un nouveau mouvement qui a pris de l'ampleur ces dernières semaines en Russie. Des femmes de différentes villes tentent d'organiser des protestations publiques et demandent que les interventions soient limitées dans le temps. Apparemment, les familles ukrainiennes comme Russes ne veulent que la même chose.
Traduit et adapté par Noëline Flippe