Des dizaines de femmes sont descendues dans les rues de Moscou la semaine dernière. Leur revendication? «Les soldats mobilisés doivent rentrer chez eux». Les mères, sœurs, tantes et épouses des soldats n'ont, toutefois, pas pu le proclamer longtemps. Cinq minutes seulement après le début des protestations, elles ont été arrêtées par la police russe. Leur manifestation n'aurait pas été autorisée en raison de «restrictions liées au coronavirus».
Elles sont le point culminant d'une atmosphère de protestation qui bouillonne depuis longtemps sur les canaux Telegram et réseaux sociaux russes. Une vidéo créée par des femmes de la ville de Veliki Oustioug, par exemple, réclame le retour des hommes du deuxième bataillon du 347e régiment.
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Les 12 et 14 octobre, ces hommes auraient été envoyés à l'offensive près du village de Ivanovka, dans la région de Donetsk. Selon la vidéo, les soldats étaient sans entraînement, et n'auraient reçu que des fusils d'assaut et des pelles.
Deux hommes auraient été tués et dix blessés. «Nous considérons ces ordres comme illégaux», ont écrit les femmes dans une lettre adressée au président Vladimir Poutine.
Le 12 novembre, les activistes ont publié un manifeste et annoncé des démonstrations dans les grandes villes russes pour le 19 novembre. Mais malgré leur critique ouverte des agissements du gouvernement, ces femmes ne sont pas opposées pour autant à la guerre en Ukraine. En mai encore, elles ont récolté de l'argent pour leurs proches mobilisés afin d'acheter des voitures, des drones et des lunettes de visée.
«Nous ne voulons pas déstabiliser la situation politique en Russie», ont écrit les militantes sur Telegram. Dans leur manifeste, elles précisent toutefois:
Elles critiquent en outre la répression contre les parents et amis des mobilisés qui expriment leur désaccord.
Elles font ici référence au «Conseil des mères et des épouses», mis sur pied par des proches de Russes mobilisés. Le groupe a cessé ses activités en juillet de cette année. Tant l'organisation que sa fondatrice Olga Tsukanova ont été qualifiées «d'agents de l'étranger» par le ministère de la Justice. Les femmes font également l'objet de restrictions sur les médias sociaux. Sur le réseau russe «Vkontakte» par exemple, les messages appelant à ramener les hommes de la guerre à la maison sont supprimés.
Il est fort probable que les revendications des femmes ne soient pas prises en compte. Le Kremlin est fermement décidé à ne pas renvoyer les hommes mobilisés chez eux.
En septembre, le député russe Andreï Kartapolov a déclaré que les hommes mobilisés ne pourraient quitter la zone de combat qu'une fois la guerre terminée.
La Russie se prépare actuellement à l'élection présidentielle, c'est-à-dire à la réélection de Vladimir Poutine. Celle-ci aura lieu au printemps 2024. Afin de désamorcer quelque peu la situation agitée dans le pays, le Kremlin a décidé de ne pas mener de deuxième vague de mobilisation, mais de se contenter des soldats convoqués à l'automne et au printemps. Si les hommes actuellement mobilisés rentraient du front, ils devraient toutefois être remplacés par quelqu'un.
En effet, les «ressources» telles que les détenus des prisons, les troupes de Ramzan Kadyrov ou le groupe Wagner sont déjà épuisées. Et il n'y a pas beaucoup de volontaires qui signeraient un contrat avec le ministère de la Défense et partiraient à la guerre pour de l'argent.
Pour le gouvernement russe, les femmes qui manifestent ne sont pas des traîtres parce qu'elles ne s'opposent pas à l'invasion de l'Ukraine. Lors d'une rencontre avec des mères de soldats, Poutine a même déclaré:
Le Kremlin continuera donc soit à ignorer ces protestations soit à tenter de diviser le mouvement en cas d'escalade, en déclarant que les femmes ont été induites en erreur par des provocateurs occidentaux.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci