«Si les Russes l’attrapent, il y a de grandes chances qu’ils le tuent.» Ce diplomate occidental joint par watson craint pour la vie du président ukrainien Volodymyr Zelensky. «L’ennemi m’a identifié comme la cible No 1», a lui-même affirmé ce dernier dans une allocution prononcée dans la nuit de jeudi à vendredi. Vêtu d’un sweat kaki, avec pour décor un fond céladon couvert des armoiries de l’Ukraine, le chef de l’Etat en sursis s’est adressé à sa nation, ainsi qu’à l’Occident, lui reprochant son attentisme sur le plan militaire.
Beaucoup d’assurance, un incroyable sang-froid dans l’apparence et la voix de cet ancien humoriste et comédien de 44 ans, élu président en 2019. «Poutine voulant dénazifier l’Ukraine, ce sont là ses termes, il serait étonnant qu’il épargne celui qui à ses yeux incarne la nazification de l'Ukraine», reprend notre source diplomatique. Zelensky n’est-il pas juif?
L’Occident fait manifestement de la survie du président ukrainien un axe de sa diplomatie face à la Russie. Vendredi matin à la radio France Inter, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a dit à quel point l’intégrité physique de Volodymyr Zelinsky comptait pour la France. Laquelle, si nécessaire, pourrait aider à son exfiltration, a-t-il laissé entendre.
.@JY_LeDrian : "La sécurité du président Zelensky est un élément central de ce qu'il se passe, et nous sommes en situation de pouvoir l'aider si nécessaire, mais il importe qu'il tienne sa place." #le79Inter pic.twitter.com/gtWX0sVBGW
— France Inter (@franceinter) February 25, 2022
Selon l'agence de presse AP citant une source du renseignement américain, le président ukrainien aurait rejeté non sans panache une offre d'exfiltration venant des Etats-Unis: «Le combat se passe ici [en Ukraine]», aurait-il répondu, ajoutant qu’il avait besoin de munitions anti-char, «pas d’un taxi». Dimanche 27 janvier, il s'est dit une nouvelle fois prêt à rencontrer les Russes, mais pas à Gomel, en Biélorussie, un pays inféodé à Moscou, l'une des bases arrières de l'offensive russe contre l'Ukraine. Il propose d'autres villes, où sa sécurité, au premier chef, serait davantage assurée: «Varsovie, Bratislava, Budapest, Istanbul, Bakou.»
Zelinsky, futur héros mort ou vif au milieu des siens, ou futur président en exil? Ce peut être là un scénario. «Le pouvoir russe veut probablement installer un président à sa botte, avant, qui sait, d’annexer purement et simplement l’Ukraine. Un chef de l'Etat ukrainien en exil serait pour lui quelque chose de gênant», estime notre source diplomatique.
Zelensky deviendrait alors, avec beaucoup de guillemets, une sorte de Dubček, celui que les Soviétiques avaient chassé du pouvoir en lui laissant la vie sauve après le Printemps de Prague en 1968, un espoir démocratique douché par l’intervention des chars soviétiques. «En comparaison et si l'on peut dire, les Soviétiques y mettaient alors plus les formes que ne semble prête à le faire aujourd'hui la Russie de Poutine.»
C’est là tout le sens de l’invitation faite vendredi 25 janvier aux militaires ukrainiens à «prendre le pouvoir», afin de renverser Zelensky et son entourage, que Vladimir Poutine a qualifiés de «néonazis» et de «drogués».
Sur son compte Twitter approchant le million d’abonnés, le président ukrainien garde la tête haute et ne s’interdit pas la dérision. Comme dans ce tweet où il signifie au président du Conseil italien Mario Draghi qu’en raison de la guerre, il ne pouvait pas lui répondre au téléphone au moment prévu:
Today at 10:30 am at the entrances to Chernihiv, Hostomel and Melitopol there were heavy fighting. People died. Next time I'll try to move the war schedule to talk to #MarioDraghi at a specific time. Meanwhile, Ukraine continues to fight for its people.
— Володимир Зеленський (@ZelenskyyUa) February 25, 2022
Dans cet autre tweet, il remercie chaleureusement le premier ministre suédois pour l’assistance militaire, technique et humanitaire apportée à l’Ukraine (ni la Suède, ni sa voisine la Finlande ne sont membres de l'Otan):
Sweden provides military, technical and humanitarian assistance to Ukraine. Grateful to @SwedishPM for her effective support. Building an anti-Putin coalition together!
— Володимир Зеленський (@ZelenskyyUa) February 25, 2022
Une aide militaire? «Il ne s’agit pas nécessairement d'armes au sens convenu du terme, précise notre source diplomatique. Ce peut être de l’imagerie satellitaire, des informations sur des mouvements de troupes russes, un système pour éviter le brouillage des transmissions ukrainiennes par l’ennemi russe.» Après une période d'hésitation, des pays membres de l'Otan, y compris l'Allemagne, ont dit qu'ils livreraient des armes aux forces ukrainiennes.
Sur les images montrées par les télévisions occidentales, l’armée ukrainienne paraît désemparée face aux blindés russes. On ne la voit qu’équipée de fusils d’assaut. Notre interlocuteur précise: «Ces dernières semaines, avant l’invasion russe, les forces ukrainiennes ont reçu des Javelin, des armes antichars, de la part des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et des Pays baltes. Mais ces armes sont engagées à la lisière des villes, elles sont cachées, elles n'apparaissent pas sur les images diffusées en Occident, la plupart tournées dans des milieux urbains.»
Combien de temps l’armée ukrainienne pourra-t-elle encore tenir?