Le premier septembre, les experts de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) ont enfin inspecté la centrale nucléaire de Zaporijia, au coeur des tensions depuis plusieurs semaines: Russes et Ukrainiens s'accusent mutuellement de mettre en danger la sécurité de l'installation, contrôlée par les forces de Moscou depuis début mars.
Longuement réclamée, la visite de l'AIEA n'a pourtant pas changé grand-chose. Tant pour les employés de la centrale atomique que, potentiellement, pour sa sécurité. C'est ce que ressort d'un article du quotidien italien Corriere della Sera, qui s'est entretenu via WhatsApp avec un technicien de Zaporijia.
«J'ai peur. L'idée d'une catastrophe nucléaire n'est pas exagérée», pose d'emblée l'intervenant anonyme, qui affirme travailler à Zaporijia depuis 15 ans et se fait simplement appeler «technicien 2». Son témoignage fournit un aperçu de la réalité à l'intérieur de la centrale.
«Les militaires russes sont toujours là et écoutent tout ce que l'on dit», raconte l'employé. Ce ne serait pas une métaphore:
Pas facile, dès lors, de se concentrer sur un travail compliqué, effectué dans l'un des endroits les plus dangereux d'Europe. A cause de cette situation, l'employé de la centrale se montre sceptique quant à l'utilité de la visite de l'AIEA:
Des collaborateurs auraient déjà vécu un aperçu des méthodes répressives des troupes de Poutine. «Les Russes recherchent des espions, des saboteurs. Plusieurs de mes collègues ont déjà été interrogés, battus et torturés à l'aide de décharges électriques», raconte-t-il.
Autre point intéressant: les attaques. On sait que la centrale et ses environs ont été bombardés à plusieurs reprises, mais la responsabilité de ces frappes n'a pas encore été clairement attribuée: les belligérants s'accusent mutuellement d'être à l'origine de ces frappes.
Selon «technicien 2», cela ne fait aucun doute, ce sont les Russes qui mènent les attaques. «Nous entendons le bruit des grenades, et quelques secondes plus tard, il y a une explosion. Cela nous indique que le coup a été tiré d'une très courte distance, probablement des villages voisins», contrôlés par les troupes de Moscou. L'employé évoque un autre exemple, encore plus parlant:
Les employés ukrainiens, eux, restent dans l'installation pendant les bombardements, qui n'ont d'ailleurs pas totalement cessé pendant la visite de l'AIEA, à en croire «technicien 2».
Certes, les Russes «bombardent pour ne pas endommager le réacteur», poursuit-il. Pourtant, le spectre d'une catastrophe n'est jamais loin:
Rappelons que ces derniers jours, la centrale a perdu la connexion au réseau électrique deux fois. Une perte totale d'alimentation de la centrale risquerait d'entraîner une surchauffe des installations, voire une fusion du coeur d'un réacteur, comme à Fukushima en 2011.
Environ 30% du personnel de Zaporijia serait parti. «Technicien 2» a décidé de rester. Pour lui, il y a une seule manière de mettre fin à cette situation: «Les troupes de Poutine doivent quitter Zaporijia.» (asi)