Depuis le début de l'invasion russe en Ukraine il y a plus de 15 mois, les spéculations sur Vladimir Poutine vont bon train. Le président russe ne se montre que rarement en public. Il vivrait reclus dans un bunker. Certains experts estiment qu'il est affaibli, tant sur le plan politique que physique, et supposent que sa chute est proche.
Cette semaine, deux milices russes ont mené des incursions à la frontière russe, dans la région de Belgorod. La «Légion pour la liberté de la Russie» et le «Corps des volontaires russes» ont pour ambition de renverser le maître du Kremlin et de modifier l'ordre établi en Russie.
Pourtant, il semble que le pouvoir de Vladimir Poutine ne vacille pas. C'est en tout cas ce qu'affirme Bruno Kahl, chef du service fédéral allemand du Renseignement. La guerre en Ukraine n'a jusqu'à présent que peu changé la situation politique en Russie. Il affirme:
En dehors d'un cercle restreint d'intimes, le chef du Kremlin ne se laisse pas approcher. Ceux qui souhaitent le voir doivent d'abord passer au moins 14 jours en quarantaine, comme l'a rapporté un ancien agent de sécurité du Kremlin qui a fui la Russie. On parle également de nombreux sosies qui représenteraient le potentat lors de rendez-vous publics.
Malgré les nombreuses sanctions et les lourdes pertes parmi les soldats russes, il n'y a aucun signe de soulèvement dans la société civile russe ou parmi l'élite. La population ne semble pas trop lui en vouloir pour tout le sang versé sur sol ukrainien et pour l'essence même de l'agression, contraire au droit international, notamment en raison de la propagande d'Etat.
Un autre indice vient étayer la thèse de Bruno Kahl. Ce qui restait de l'opposition en Russie a été muselée par des procès-spectacles au cours desquels les représentants les plus éminents ont été condamnés à de longues périodes d'emprisonnement. Avec pour objectif, un effet dissuasif.
Et si des critiques sont émises à l'encontre du système Poutine, elles proviennent souvent d'une poignée de blogueurs militaires et du chef de Wagner, Evgueni Prigojine. Ce dernier soigne ses relations avec le Kremlin.
Les critiques d'Evgueni Prigojine ne visent jamais le président lui-même, mais uniquement ses généraux. Pratique pour le dictateur. Il peut ainsi toujours rejeter la faute sur le commandement militaire.
Bruno Kahl ne voit aucun signe d'ébranlement ou d'implosion du système Poutine.
Cela vaut également pour les domaines de l'armement et des munitions. Rien n'est prévisible, par exemple en ce qui concerne la capacité des forces armées. Mais si l'Occident ne soutient pas suffisamment bien l'Ukraine et n'organise pas la résistance, la stratégie de Poutine pourrait s'imposer. Et celle-ci consiste à attendre.
Vladimir Poutine, que l'écrivain russe Viktor Erofeev compare à Adolf Hitler dans une interview accordée au Tagesspiegel, mise sur l'effet de lassitude. Il est apparemment convaincu que l'Occident abandonnera l'Ukraine plus tôt que la Russie. Le président russe se considère supérieur aux Etats-Unis et leurs alliés européens dans la course politico-culturelle et militaire. C'est sans doute l'une des raisons pour lesquelles le dictateur a lancé la guerre.
Les services de Bruno Kahl ont su très tôt que la Russie allait attaquer son pays voisin:
Les autres services auraient pronostiqué la probabilité d'une guerre de manière relativement forte sur la base d'observations sur le terrain. La décision d'attaquer l'Ukraine, selon les renseignements allemands, provenait directement de Vladimir Poutine, mais parmi les nombreux facteurs, «autres que le nombre de missiles et de chars», il y avait probablement le soutien de la société russe.