Dans la ville saccagée de Bakhmout, à l'est de l'Ukraine, quelque 5 000 civils tiennent encore le coup, malgré l'enfer des assauts incessants. L'armée russe progresse, les balles sifflent et les bombardements rythment un quotidien dramatique.
Sur place, les habitants risquent leur vie, mais ils ne sont pas les seuls. Quelques rares reporters se fraient encore un chemin dans les combats, pour rendre compte de l'horreur.
Parmi eux, une célèbre blogueuse ukrainienne fait particulièrement parler d'elle ces derniers jours: Ramina Eskhakzai.
Lundi, cette femme de 30 ans, qui rassemble plus d'un million de followers sur YouTube et 400 000 sur Instagram, a publié un reportage vidéo d'une heure. Lestée d'un gilet part-balles et d'un casque militaires, Ramina parcourt la cité détruite, accompagnée d'une équipe de tournage et d'une poignée de soldats ukrainiens. Mission: rencontrer la population et les hommes de Zelensky pour tenter de saisir et de raconter l'enfer de cette ville stratégique qui abrite la mort.
Un jour après la publication de cette immersion, qui a séduit plus d'un million d'internautes en quelques heures, une version (très) raccourcie a fait irruption sur les réseaux sociaux. TikTok, puis Twitter ont découvert une Ramina peu à l'aise au beau milieu des combats. Il faut dire que le montage de la séquence se concentre sur l'un de ses réflexes: sursauter à chaque détonation.
Si quelques voix se moquent sans détour (ni finesse) de cette «petite fragile» qu'on n'aurait pas dû «envoyer» au front car il y a «des reporters de guerre pour ça», la plupart des internautes sont sous le charme de son courage. Mercredi matin, un twittos anonyme qui dit œuvrer en qualité de «consultant en géopolitique» a rappelé que les nerfs de l'être humain ne sont pas nécessairement armés pour vivre en étant constamment sur le qui-vive: «Bakhmout n'est pas un jeu. Elle risque sa vie. Et c'est naturel de sursauter aux explosions».
Sur Instagram, la principale intéressée a réagi au buzz qu'elle a involontairement provoqué.
Son inexpérience en zone de guerre permet en tout cas de se rendre compte de la tension qui infeste les rues de Bakhmout. Mais aussi à quel point ceux qui y vivent semblent s'en être tristement acclimatés. Dans son reportage, Ramina Eskhakzai côtoie des militaires et des habitants qui, eux, ne sursautent jamais.
Blogueuse, journaliste, présentatrice TV, influenceuse. Ramina n'arrive pas toujours à choisir, comme beaucoup de créateurs de contenu en 2023. Mais depuis l'agression de l'Ukraine par Vladimir Poutine, nombreux sont ceux dont le métier a été radicalement bouleversé.
Depuis 2015, cette Ukrainienne née à Kiev se concentrait sur de grands entretiens très suivis, diffusés sur YouTube, avec des personnalités issues de domaines très divers. Médecins, influenceurs, politiciens, chanteurs, comédiens ou anonymes venant se raconter durant une heure sous le blase de sa chaîne: «Rumors Go». Ligne éditoriale? Entre le people gossip et la session de confession intime. En marge, et sur Instagram, la journaliste se muait plus volontiers en influenceuse people, accompagnée du mari et du petit chiot de circonstance.
En mars 2022, un mois après le début de l'agression décidée par Poutine, Ramina Eskhakzai faisait scandale en déclarant, sur Instagram, qu'elle ne parlerait pas l'ukrainien, mais le russe. Tollé sur les réseaux. Considérée comme une «traîtresse», une «ennemie de l'Ukraine», elle s'est ensuite expliquée, toujours sur Instagram.
Depuis un an, sur YouTube, la journaliste a évidemment bouleversé ses grands entretiens. Jusqu'à inviter, par exemple, Oleksiy Arestovych, ancien comédien, journaliste politique et militaire. Un proche de Zelensky qui a été promu lieutenant-colonel des forces armées ukrainiennes en avril 2022.
Pour l'anecdote, son financé, Yevhen Pronin, 32 ans, est le président de la Fédération ukrainienne d'athlétisme. Quand la guerre a éclaté, cet avocat de métier a lâché les affaires courantes pour se ruer au front afin de défendre son pays. Avec un certain talent puisqu'en août 2022, selon un entretien qu'il avait offert au Guardian, le Kremlin a mis sa tête à prix.