Mercredi, la Russie a annoncé que ses troupes allaient se retirer de Kherson. Une décision aux conséquences symboliques et pratiques potentiellement gigantesques, la ville étant le seul chef-lieu important que Moscou avait réussi à conquérir. De plus, la région a été récemment annexée par le Kremlin et fait, du moins à ses yeux, partie intégrante du territoire russe. S'en retirer équivaut à envoyer un message très fort.
La nouvelle a été accueillie avec des sentiments partagés en Ukraine. Si certains ont exulté, à l'image du populaire reporter Illia Ponomarenko qui n'hésite pas à parler d'un «triomphe ukrainien absolu», d'autres invitent à la prudence, rappelant qu'il pourrait s'agir d'un piège.
Il est vrai que peu d'informations filtrent pour l'instant de Kherson. Mais grâce aux images satellites, on peut en savoir un peu plus. Et celles-ci semblent confirmer la version russe. Ce jeudi, Moscou a annoncé le début effectif du retrait de ses forces:
Or, cela fait depuis plusieurs jours que ces positions sont en train d'être bâties. Jetons d'abord un rapide coup d'oeil à la géographie de la région: au sud-est de la ville de Kherson se trouve le fleuve Dniepr et ses nombreux canaux. Plus au sud, on trouve la Crimée:
Le 5 novembre déjà, l'analyste et adepte de renseignement d'origine open source Benjamin Pittet montrait dans une publication Twitter que la Russie était en train de fortifier la rive est du Dniepr: les soldats y construisent trois lignes de tranchées et de bunkers, qui s'étendent jusqu'à une vingtaine de kilomètres dans l'arrière-pays.
Ce réseau s'appuie notamment sur des barrières naturelles telles que le fleuve et les canaux. Des positions enterrées pour des véhicules blindés sont également prévues.
La photo suivante montre à quoi ressemblent la plupart des positions. Deux rangées de tranchées et des positions pour les véhicules:
Lorsque bâtir des tranchées devient trop compliqué, les Russes ont déployé des «bunkers» préfabriqués, sorte de boîtes en ciment dont l'efficacité apparaît pour le moins douteuse. Benjamin Pittet rappelle pourtant qu'à d'autres endroits, les défenses sont plutôt solides:
Ces lignes de défense ne doivent pas être sous-estimées, nous expliquait récemment l'expert militaire Alexandre Vautravers. Sous certaines conditions, elles peuvent se révéler très difficiles à franchir. En sachant que la région de Kherson est la seule voie d'accès à la Crimée, la stratégie de Moscou pourrait donner du fil à retordre aux Ukrainiens.
Kiev n'a jamais caché sa volonté de reprendre la péninsule, annexée par Poutine en 2014. Un détail qui n'a visiblement pas échappé aux Russes.
Dans une deuxième publication, Benjamin Pittet montre que les troupes d'occupation ont commencé à bâtir des lignes de défense dans le nord de la Crimée, jusqu'à la mer Noire. Près d'Armyansk, par exemple, les anciennes tranchées sont rénovées et de nouvelles sont creusées. La prochaine grande bataille va-t-elle se jouer en Crimée? (asi)