Cigarettes mal éteintes? Attaque ukrainienne? Sabotage? On ne sait pas encore ce qui a provoqué les puissantes explosions qui ont secoué, mardi, la base aérienne russe de Saki, en Crimée. Alors que le Kremlin assure qu'il s'agit d'un accident, Kiev reste flou quant à son éventuelle responsabilité.
Une chose est pourtant sûre: les déflagrations n'ont pas seulement suscité la joie des internautes ukrainiens, elles ont également causé des dégâts conséquents sur le terrain de la base aérienne. C'est ce que montrent des images satellites diffusées par l'entreprise américaine Planet Labs.
Ces clichés sont particulièrement utiles pour estimer la vraie portée des dégâts, étant donné que les versions officielles diffèrent radicalement:
Qui a raison? Les images de Planet Labs tendent à confirmer les affirmations ukrainiennes. Selon le site spécialisé The Drive, elles indiqueraient même que le bilan total est plus élevé.
Le blog militaire Oryx, qui dresse depuis le début du conflit une liste des pertes matérielles des deux armées sur la base de données en libre accès, affirme que la Russie a perdu au moins onze avions: quatre Su-30 et sept Su-24.
Regardons de plus près les images satellites. Le gros plan ci-dessous montre la zone de la base où plusieurs avions étaient parqués, protégés par d'épais murs de protection, appelés revetments en anglais.
Au moins trois Su-30 et trois Su-24 parqués à l'intérieur des murs de protection ont très probablement été détruits. Un autre Su-24 et une structure adjacente, ainsi qu'une autre structure séparée ont également été détruits. Un cinquième Su-24, visible dans le coin supérieur droit, semble également endommagé.
L'image ci-dessous montre la rampe à l'extrémité sud-ouest de la base aérienne. Les restes de plusieurs avions sont visibles. Les structures situées immédiatement au sud et à l'est sont également endommagées.
Les images satellites montrent également ce qui semble être le résultat d'un énorme incendie qui a ravagé les espaces herbeux ouverts au nord-est de la zone de parking et au sud de l'aire de trafic. Cela est clairement visible dans les deux clichés suivants, ou de vastes zones sont désormais brunes:
La surface brûlée est également visible dans cette comparaison avant et après:
Les dégâts sont donc considérables. Peut-on en tirer quelques informations supplémentaires concernant la dynamique des faits? Selon The Drive, au moins deux éléments parlent en faveur d'une attaque ou d'une frappe aérienne délibérée:
Ces derniers jours, des responsables ukrainiens ont laissé entendre, tout en entretenant le flou, que la base avait été attaquée par des partisans locaux, peut-être épaulés par des forces spéciales.
Il s'agit d'une hypothèse plausible, estime The Drive. Sur les images satellites, les dégâts semblent être très localisés. Cela pourrait indiquer l'usage de drones armés pilotés par des individus relativement proches des lieux. A noter que la ligne du front se trouve à 200 kilomètres de la base, trop loin pour être atteinte par les missiles ukrainiens.
En revanche, la présence de grands cratères laissés par les explosions tend à invalider la thèse des drones, à moins que ceux-ci aient largué des munitions très importantes. Ce qui semble sûr, conclut le site, c'est que ces marques ne correspondent pas à des charges explosives placées par des équipes au sol. Une attaque terrestre serait donc exclue.
Une autre hypothèse, officieusement évoquée par des responsables ukrainiens, c'est que l'armée de Kiev ait utilisé des missiles à longue portée de fabrication nationale, dont elle aurait jusqu'à présent gardé le secret.