Par où commencer?
Le 24 août dernier, quelque part à Kiev, deux jeunes Ukrainiennes décident de signifier leur présence en démoulant une petite vidéo, comme il en existe des brouettes sur TikTok et Instagram. On pose le téléphone portable contre un muret, fonction selfie activée. Une fois la chorégraphie et l'extrait de musique soigneusement sélectionnés, il suffit de secouer son popotin sans quitter l'objectif des yeux.
Petite originalité, toutefois: au lieu d'une bête chambre d'ado ou d'un coin de trottoir anonyme, cette scène se déroule dans un cimetière. Ça ne vous rappelle rien?👇
Un mémorial de la Shoah, la maison de Dieu et les dédales d'un cimetière n'ont, de prime abord, pas tant de points communs avec la scène d'un strip-club. Mais ne soyons pas naïfs. C'est sans doute précisément parce que des dents vont grincer qu'on se retrouve régulièrement aux prises avec des danses suggestives carrément hors contexte. Sur internet, la provocation est un sport d'élite et le courage a autant de définitions que de compétiteurs.
Les deux jeunes femmes sont soeurs. Elles ont investi ce cimetière parce que leur papa y repose. Quand certains abandonnent des fleurs ou des larmes, le duo a choisi de déposer leurs fesses sur la tombe de daddy. Précision qui aura son importance, le papa n'est pas un mort ordinaire. Soldat de la 95e brigade des forces armées ukrainiennes, il serait tombé au combat près d'Izioum, au sud de Donetsk. Un héros de la guerre qui, sans le vouloir, se retrouve intégré au décor d'une séquence que les internautes n'ont manifestement pas digérée.
La vidéo fait polémique, comme on dit.
Face au torrent d'insultes, les deux soeurs ont d'abord tenté de défendre leur art. Selon la progéniture, ces quatre fesses en mouvement étaient un hommage.
Hélas, la bravade ne durera qu'un instant. La police de Kiev, qui a fini par tomber sur la séquence, ne mettra qu'une petite heure pour coincer les deux influenceuses. Et c'est sur Telegram que les autorités ukrainiennes confirmeront l'arrestation, photos à l'appui. Les enquêteurs du département de police de Desnyan, en accord avec le bureau du procureur du district, ont engagé une procédure pénale en vertu de la partie 2 de l'article 297 du Code pénal ukrainien.
Motif? «Profanation de tombe.»
Démarre alors un véritable marathon d'excuses et de contritions. Le binôme rigole moins et comprend soudain que leur petite danse lascive au-dessus des restes de papa a de quoi les envoyer en prison pour cinq ans.
Après Boris Vian qui projetait de cracher sur nos tombes, l'époque nous offre désormais des influenceuses en Crocs qui twerkent sur la dépouille de papa. Ce n'est pas nouveau, le courage s'arrête souvent là où la porte d'une cellule s'apprête à s'ouvrir.