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Cette famille ukrainienne vit dans un bunker depuis un an

Un an dans un bunker: la vie (presque) normale d'une famille ukrainienne

Depuis plus d'un an, Nastia vit avec sa famille dans la cave d'une ancienne salle de théâtre transformée en bunker. Elle souffre de diabète, de la misère, mais est pleine d'espoir.
19.08.2023, 16:1819.08.2023, 17:15
Kurt Pelda, Oblast de Donetsk / ch media
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Au premier coup d'oeil, le centre culturel semble dévasté et vide. Les portes et les cadres de fenêtres ont été arrachés et des détritus, un pot de fleurs et un vélo jonchent le sol. Là où se trouvait autrefois l'estrade, des restes de rideaux de scène sont encore accrochés au plafond. Sur l'un des murs, quelqu'un a écrit «Eminem» en lettres rouges.

Le petit théâtre abandonné.
Le petit théâtre abandonné.

Le théâtre date de l'époque de l'Union soviétique, lorsque de tels centres culturels à la campagne représentaient presque la seule possibilité d'endoctriner les paysans avec des projections de films et des spectacles. Mais le bâtiment, abandonné depuis longtemps, n'est pas tout à fait inanimé: une famille entière vit dans sa cave depuis plus d'un an.

Quand la nuit devient jour

«Nous sommes arrivés ici au printemps 2022», raconte Hanna, la mère.

«Je me souviens qu'au début, nous n'avions que quelques lits et beaucoup de bouteilles d'eau. Nous nous sommes réfugiés ici parce que des roquettes passaient au-dessus de nous. Avec les explosions, la nuit s'est soudainement transformée en jour. Au début, nous avons accroché une couverture pour diviser la pièce en deux. Les ondes de choc l'ont fait flotter.»
Hanna, la mère.

Pour accéder au bunker, il faut sortir du centre culturel. A l'arrière, il y a un escalier caché dans les buissons qui mène de l'extérieur sous la salle de théâtre, là où se trouvait autrefois la chaufferie. Avant d'entrer dans le bunker, on traverse une petite antichambre dans laquelle la famille a notamment placé un réfrigérateur. Nastia, la fille de 15 ans, est diabétique et a besoin d'insuline, qui est stockée dans le réfrigérateur. L'électricité provient de batteries de voiture qu'il faut sans cesse recharger avec un générateur ou sur le secteur.

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Le petit village-rue de l'oblast de Donetsk se trouve à moins de 15 kilomètres du front. On entend parfois le grondement de l'artillerie. Même si le village ne présente que peu de dégâts dus aux tirs, la plupart des habitants ont fui - à l'exception de la famille dans le bunker et de quelques personnes âgées. Ces retraités aussi se réfugient parfois la nuit dans la cave. Il y a bien dix places pour dormir. Hanna montre du doigt les lits où dorment Nastia et son fils Denis ou les tantes Tanja et Lena ainsi que la grand-mère Ljuba.

Petites pensions de l'Etat

Pour l'instant, outre Hanna, seuls les enfants Nastia et Denis sont présents. En effet, des visiteurs arrivent de Suisse et leur mère a préparé des friandises. Nastia a le visage très pâle, elle ne reçoit pas assez de lumière du soleil. Nous lui avons apporté des comprimés de vitamine D et un appareil de mesure provenant de donateurs zurichois, grâce auquel Nastia peut surveiller son taux de glycémie. Désormais, la diabétique ne doit plus se piquer constamment le bout des doigts pour analyser son sang.

Nastia, 15 ans.
Nastia, 15 ans.

Dans le bunker, le soulagement est grand face à ce cadeau. Hanna reçoit de l'Etat une rente qui s'élève à l'équivalent de moins de 90 francs par mois. Et la rente de Nastia, d'environ 50 francs par mois, est encore plus basse.

«Avec cela, nous pouvons tout juste nous permettre de manger, mais cela ne suffira jamais pour acheter des appareils aussi chers»
Hanna, la mère

Il est intéressant de voir comment l'aide financière de l'Etat arrive dans le petit village. L'argent est transféré sur les cartes bancaires de la famille. La pension peut ainsi être retirée au Bancomat de la grande ville la plus proche. Les banques, la poste et l'administration publique continuent de fonctionner dans les régions d'Ukraine proches du front.

La fuite était hors de question pour la famille

Entre-temps, Hanna a fixé le capteur de l'appareil de mesure sur le haut du bras droit de Nastia. La jeune fille est aux anges. Au lieu de s'occuper de son téléphone portable comme avant, elle l'utilise maintenant pour montrer des photos d'avant, d'avant la guerre. «A l'époque, nous étions une famille heureuse, nous avions quatre vaches.» Maintenant, elle est en neuvième année et est une bonne élève.

Nastia montrant une photo d'elle quand elle était bébé.
Nastia montrant une photo d'elle quand elle était bébé.

Au lieu d'aller à l'école, elle participe aux cours en ligne, avec son téléphone portable ou son ordinateur portable. C'est ainsi qu'elle passe ses examens. Quelqu'un de très doué en technique a installé dans le bunker une connexion Internet et un grand écran plat sur lequel défile sans cesse la propagande gouvernementale en provenance de Kiev.

«Ce four à briques, sur lequel nous pouvons aussi cuisiner, nous l'avons bricolé nous-mêmes et les gens du village ont fourni le mobilier»
Hanna, la mère

Il n'y a plus d'eau courante dans le petit village, mais les pompiers de la ville voisine approvisionnent périodiquement les gens en eau. Certains de ceux qui sont restés ont également un puits de tirage dans leurs fermes.

Au début, l'eau de pluie s'infiltrait dans l'abri, mais la famille a ensuite étanchéifié le plafond avec un film plastique. La cave, qui mesure peut-être huit mètres de long et trois à quatre mètres de large, est désormais tout à fait confortable, avec une table à manger au milieu de tous les couchages. Les murs sont recouverts de tapis.

Une famille ukrainienne dans un bunker
Nastia, sa mère et leur chien.

L'alternative aurait été de fuir vers l'ouest de l'Ukraine ou même à l'étranger. Mais cela n'était pas envisageable pour la famille. Nastia aussi préfère rester ici, tant qu'elle peut passer la plupart de son temps sous terre. Son rêve est de commencer des études d'informatique à Kramatorsk, non loin de là, après avoir terminé sa scolarité.

Le frère de Nastia, Denis, est moins craintif et sort plus souvent avec son vélo sur la route non goudronnée du village. Parfois, Nastia aussi ose monter, avec son chiot qu'elle a baptisé Pluschka. Dehors, il fait chaud et ensoleillé, tout est d'un vert estival. Les chants d'oiseaux couvrent pour une fois les bruits des détonations au loin. Dans ces moments-là, le village semble paisible, même si tout le monde sait que l'ambiance peut changer à tout moment.

(Traduit et adapté par Chiara Lecca)

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source: wikimedia/kecko
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