«Oui, je dévoile mon visage partout et alors? Est-ce que j'ai peur? Non. Ce sont les Russes qui doivent avoir peur. Pas moi.» Le message siffle comme une balle tirée du front. Depuis le début du conflit, Emerald Evgeniya n'a pas les mains (et encore moins sa langue) dans sa poche. A peine quelques jours après la déclaration de guerre de Vladimir Poutine, cette femme d'affaires (confortablement) établie au coeur de Kiev a rangé ses robes de créateurs pour enfiler un treillis. Direction, le Régiment spécial consolidé de la police nationale d'Ukraine. Nom de code du détachement: Safari. Et ça ne rigole pas.
Son nouveau métier a de quoi froisser n'importe quel toxico de LinkedIn, puisqu'en mettant ses nombreuses bijouteries sur pause, c'est un flingue qu'elle manipule désormais. Oui, Emerald Evgeniya est tireuse d'élite. La toute première femme snipeuse de Zelensky depuis le début du conflit. «Elle est formée pour frapper avec précision des cibles éloignées. Ce qui facilite une attaque surprise contre les troupes ennemies», détaillait un média ukrainien au milieu de l'été.
Son grand-père a connu la Seconde Guerre mondiale. Son père, décédé également, a vécu avec la menace d'un conflit toute sa vie. Si bien que, petite, Emerald jouait déjà plus volontiers avec des flingues qu'avec des poupées.
Cette semaine, la fraîche guerrière fait sensation dans son pays en se risquant dans un coup de bluff financier. Et pour taquiner la femme d'un trafiquant de drogue ukrainien qui croupit en prison. La chanteuse Inna Voronova, épouse de Yuri Chernetsky, a lancé une collecte de fonds pour payer la caution de son taulard. Objectif: 100 000 francs suisses.
C'est pile-poil la somme qu'Emerald Evgeniya rêve désormais de cueillir sur Instagram... mais pour aider l'armée ukrainienne à acheter de nouvelles armes. (Mercredi 31 août, la cagnotte atteignait le tiers du pactole.)
Chacun son destin.
A 31 ans, cette lieutenante subalterne et snipeuse des forces armées ukrainiennes consacre désormais ses jours et son énergie à défendre son pays. Dès les premières roquettes dans le ciel ukrainien, elle est devenue un symbole de la résistance. Entre deux entraînements physiques et trois séances de tirs, Emerald Evgeniya s'est rapidement délestée d'une partie de sa fortune pour soutenir les réfugiés recroquevillés dans la terreur. Une sorte de Robin-des-Bois de Kiev? Plutôt la «Jeanne d'Arc de l'Ukraine», si l'on en croit les nombreux messages de fans qu'elle reçoit depuis son engagement.
Sa fille, Eugenia, est fière de sa maman. Elle la considère comme une «super-héroïne».
Il y a une semaine, Jeanne d'Arc a même trouvé le temps de se fiancer. L'heureux élu? Un soldat qui partage sa lutte... au sein de son propre régiment, Safari. (Comme quoi c'est toujours au boulot qu'on fait des rencontres, même sous les bombes.) Et, à l'instar d'une cargaison de citoyens ukrainiens, le front n'a pas esquinté son humour. «Je savais que je dormais dans une caserne et que j'avais appris à creuser des tranchées pour une bonne raison.»
En juillet dernier, Emerald a reçu le magazine Elle ukrainien pour un grand entretien et un shooting photo. La dernière question de l'interview? Qu'allez-vous changer à jamais dans votre vie après la guerre? Rien, je suis simplement devenu plus dure.
On veut bien la croire sur parole.