«Une inexactitude.» La Commission européenne n'a pas perdu de temps pour corriger les dires de sa présidente, l'Allemande Ursula von der Leyen, qui avait affirmé quelques jours plus tôt que 100 000 soldats ukrainiens avaient été tués dans le conflit avec la Russie, comme l'indique Franceinfo.
Les médias d'Etat russes n'ont pas attendu pour reprendre le chiffre, preuve selon eux de la supériorité militaire de Moscou, sans bien évidemment en évoquer le correctif. Quant aux autorités ukrainiennes, piquées au vif, elles se sont montrées très émues de cette erreur:
Ces chiffres proviennent des estimations du chef d'Etat-major des armées américaines Mark Milly, qui avait indiqué le 10 novembre dernier que chacune des parties en présence avait subi environ 100 000 «pertes», selon la BBC.
Et c'est bien le terme «pertes» qui cause méprises et mauvaises interprétations, car il implique les morts autant que les blessés.
En effet, pour les forces en présence, chaque soldat qui combat sur le front puis en disparaît est considéré comme une «perte» pour l'armée qu'il sert. Que celui-ci soit sorti du front sur une civière ou dans un sac en plastique — voire que son corps ne soit jamais retrouvé — ou encore capturé par l'ennemi n'y fait pas de différence.
Pour chaque tué, ce sont plusieurs soldats qui doivent se retirer du front à cause de leurs blessures, légères ou lourdes. Ce ratio peut fortement varier en fonction de nombreux facteurs: dureté du conflit, qualité de l'équipement ou de l'entraînement des forces en présence, etc.
Et le bilan des pertes est toujours un exercice compliqué. Premièrement, compter précisément les victimes n'est pas aisé — comment, par exemple, différencier une défection d'un homme tué et dont on ne retrouve jamais le corps?
De plus, le bilan des pertes fait partie de l'arsenal de propagande des parties en présence. Mieux vaut montrer, pour l'effort de guerre, un minimum de pertes de son côté et un maximum du côté de l'adversaire.
Les estimations a minima que l'on peut considérer comme sûres sont celles données par les belligérants eux-mêmes sur leurs propres troupes. Voici les derniers bilans donnés par Kiev et Moscou au sujet de leurs propres armées:
Ces chiffres datant de plusieurs mois, il y a fort à parier que le bilan est bien plus lourd en ce début décembre 2022. Dans l'autre sens, les chiffres sont souvent tordus et utilisés à des fins de propagande. Ainsi, la Russie prétendait en septembre avoir tué 61 000 soldats ukrainiens et 2000 mercenaires occidentaux. Du côté ukrainien, on se contente d'utiliser le terme de «pertes», laissant planer le doute, avec des approximations allant jusqu'à 89 000 pertes russes.
Note: quelques heures après la publication de cet article, les autorités ukrainiennes, dans le sillage des propos de von der Leyen et par souci de clarification, on confirmé que 13 000 soldats ukrainiens avaient été tués.
De plus, la présence de mercenaires sur le terrain rend le bilan encore plus complexe à effectuer. Selon le New York times, qui cite des sources américaines, le nombre de mercenaires morts au combat appartenant au fameux groupe Wagner serait d'environ 5000, un chiffre qui date du mois d'août dernier, à additionner aux pertes admises par le gouvernement russe.
D'ailleurs, dans quel camp compter les soldats et miliciens des républiques populaires autoproclamées de Lougansk et de Donetsk, avant leur annexion par la Russie le 30 septembre? Dans tous les cas, selon l'antenne russe de la BBC, environ 1000 miliciens de ces deux régions auraient été tués.
Il vaut mieux aller voir du côté des sources indépendantes, donc. Mais même ici, le compte précis est difficile à réaliser.
Le média indépendant ukrainien Mediazona, par exemple, qui collabore avec l'antenne russe de la BBC, ne comptabilise que les soldats tués dont les corps ont pu être identifiés. Il estimait à 9000 le nombre de soldats russes tués le 18 novembre dernier, dont 1400 officiers.