On ne sait pas exactement ce que l'armée russe a fait sur la décharge près de Kherson, mais les récits des riverains et des employés laissent présager des horreurs. Depuis l'été, des camions vert olive se seraient régulièrement rendus sur le site, chargés de sacs noirs contenant des cadavres. L'air de la région se serait alors empli d'une épaisse fumée et d'une odeur de chair en feu.
Iryna, une habitante du quartier raconte au journal britannique Guardian (dont les reporters se sont rendus sur place cinq jours après la libération de Kherson):
Et Iryna n'est pas la seule témoin de ces événements.
Un éboueur qui souhaite rester anonyme ajoute:
L'homme n'a pas pu voir s'il s'agissait de civils ou de soldats morts. «Mais moins on en sait, mieux on dort». Craindre les Russes, c'est aussi ce qu'ont appris Svitlana Viktorivna et son mari Oleksandr.
Ils apportaient toujours leurs déchets directement à la décharge, mais cet été, un poste de contrôle russe leur a soudainement bloqué l'accès au site. Svitlana raconte au Guardian:
«Une fois, mon mari et moi sommes arrivés au mauvais moment, alors qu'ils étaient en train de vaquer à leurs occupations là-bas. Ils ont violemment frappé mon mari au visage avec une matraque». Elle n'a jamais vu de restes humains.
Selon les employés de la décharge, les Russes auraient utilisé la partie la plus isolée du site pour se débarrasser des corps. Un autre employé cité par le Guardian explique:
Sa crainte et celle de ses collègues de voir les Russes poser des mines et autres explosifs était trop grande. «Mais quoi qu'ils aient fait là, ça sentait terriblement mauvais, comme de la viande en décomposition», poursuit-il. «Et puis il y avait la fumée. C'était une fumée épaisse».
Des habitantes d'une tour voisine en témoignent également. «La fumée m'a rendue malade», raconte Olesia Kokorina. «Et ça m'a fait peur, parce que ça sentait les cheveux brûlés ou comme chez le dentiste quand ils font un trou dans la dent. La fumée était si épaisse que je ne pouvais plus voir la maison voisine». Natalia, une riveraine, rapporte des faits similaires.
Des dizaines d'autres habitants ont confirmé les descriptions des témoins, écrit le média britannique, mais les autorités ukrainiennes n'ont pas encore enquêté sur le site et n'ont pas voulu s'exprimer officiellement. Un représentant anonyme des autorités locales a toutefois déclaré au journal:
L'élimination des corps dans la décharge aurait commencé après que les Ukrainiens ont lancé leurs attaques systématiques à longue portée sur les positions russes dans la région au cours de l'été.
Grâce à l'interception d'appels téléphoniques, les services secrets ukrainiens ont rapporté dès le mois de mai que l'armée russe enterrait ses morts dans des fosses communes afin de réduire au maximum les statistiques. Les rapports sur l'utilisation de fours crématoires mobiles dans l'armée russe n'ont toutefois pas pu être confirmés jusqu'à présent.
Selon la dernière publication officielle du Kremlin à la mi-septembre, 5937 soldats russes ont été tués depuis le début de la guerre contre l'Ukraine. Le gouvernement américain estimait dernièrement ce chiffre, victimes et blessés confondus, à plus de 100 000. Côté ukrainien, on se garde bien d'établir des bilans. Le chef de l'armée, Valery Saluschnyj, a parlé mi-août d'environ 9000 soldats ukrainiens tués.
Traduit de l'allemand par Valentine Zenker