Il y a pas mal d'activités potentielles dans un gigantesque magasin de bricolage. Surtout aux Etats-Unis. Comme par exemple reconnaître son ex-copine sur un tweet du FBI, qui s'affiche soudain sur le téléphone d'un pote. Le jeune homme en question, qui tient à rester anonyme (et on le comprend), a déclaré à NBC News qu'en découvrant le visage de Jennifer Inzunza Vargas Geller sur cet écran, il s'est empressé de la dénoncer aux autorités. Et ça n'a rien d'un détail, puisque la justice américaine est aux trousses de la «jeune femme au béret rose» depuis le fameux 6 janvier 2021.
Ce jour-là, à Washington, alors que l'alt-right américaine s'applique à défoncer la démocratie et les portes du Capitole, Jennifer apparaît sur différentes caméras de surveillance. Mais un détail frappe tout le pays.
Que fait cette «élégante riot girl» parmi les bourrins énervés, baraqués, tatoués? Quelle est sa mission? Est-elle le cerveau de l'opération? Une Parisienne en vacances qui n'a rien à faire là? Depuis la diffusion de ces quelques images, tout a très vite été envisagé par les enquêteurs en pantoufles, jusqu'à la faire passer pour une taupe du FBI infiltrée chez les émeutiers, dixit l'avocat d'un autre assaillant.
Il faut avouer que sa parka blanche immaculée et son couvre-chef pâlot ne collent pas tout à fait au dress code de l'évènement. Son regard de tueuse et cet air vaguement menaçant terminent d'ailleurs de la catapulter dans un film d'espionnage à l'eau de rose. Pourtant, pas la moindre trace d'étoffe aux couleurs des Etats confédérés, de cagoule intégrale, de tatouage louche ou de signe distinctif qui auraient permis de la ranger aux rayons des dangereux Proud Boys.
Une scène perturbe particulièrement les agents fédéraux: autour de la jeune femme au béret rose, on découvre des assaillants qui défoncent ardemment le matériel des différentes télévisions couvrant les émeutes. Au centre, Jennifer, déposant un grand sac noir qui n'a rien d'un Chanel. Pourquoi? Pour qui? Et quid du contenu?
Autant d'inconnues qui, en quelques semaines, ont fait de Jennifer Inzunza Vargas Geller le plus grand mystère et le plus étrange fantasme de l'assaut du Capitole.
Le mois dernier, c'est le tweet du FBI qui a décuplé sa surprenante célébrité. Depuis ce 27 avril 2023, celle qu'on a longtemps surnommée la Matilda fasciste, l'Eva Braun de l'insurrection ou l'Emily in Paris et devenue Emily in Prison. Quand on vous dit que, dans cette histoire, il y a tout pour que Netflix se remplisse les poches.
Sa présence à Washington n'a pourtant rien d'une fiction. Si Jennifer est activement recherchée par les autorités, plusieurs chefs d'accusation rôdent autour de son béret: conduite désordonnée et perturbatrice dans l'enceinte d'un bâtiment à accès restreint, conduite désordonnée sur les terres et les bâtiments du Capitole et, enfin, manifestation illégale dans un bâtiment du Capitole. Et grâce (ou à cause de) son ex-petit ami, la voilà désormais sous le coup d'un mandat d'arrêt. Selon les dernières informations disponibles, elle n'était toujours pas en garde à vue mercredi.
Le jeune homme qui a permis d'identifier cette Californienne que toute l'Amérique regarde ne s'est pas contenté de lancer un coup de fil au FBI. Il a (forcément) tout déballé à NBC News.
Le couple se rencontre une première fois en 2019, en banlieue de Los Angeles, non loin du domicile de garçon. «Nous avions 20 ans à l'époque. On s'est très vite bien entendu en ligne et elle avait décidé de faire le voyage depuis Sacramento», qu'il raconte au journaliste de la chaîne américaine. Une idylle qui va le combler un peu plus de quatre mois, avant qu'un red flag un chouïa imposant vienne perturber le bonheur du jeune homme.
«Yo, écoute, je ne pense pas que ça va marcher entre nous», aurait-il balancé à son amour naissant. Si cette passion pour Mein Kampf fera capoter la sienne avec la «jeune femme au béret rose», la communication ne sera pas totalement coupée pour autant. En janvier 2021, l'homme avait eu vent qu'elle se rendait à Washington. Histoire de se rassurer un peu, dans la foulée de l'assaut du Capitole, il lui demande si elle est désormais sous le coup d'une interdiction de vol. La réponse de Jennifer tombe aussi sèchement qu'un mensonge.
Comme le rappel NBC News, plus de 1000 personnes sont déjà passées devant le juge depuis le 6 janvier 2021. L'année dernière, la justice américaine avait d'ailleurs expliqué combien les informations en provenance d'internautes étaient précieuses et avaient permis l'arrestation des assaillants bien après les faits.