Le télétravail était une tendance perçue comme une révolution dans le système professionnel post-pandémie. Des économies de temps et d'argent, une tyrannie du lieu de travail qui prenait fin grâce (ou à cause) du Covid-19.
Les cols blancs, débarrassés du rythme incessant des transports publics et des horaires harassants, ont prouvé que le travail à distance fonctionnait à merveille. Deux études réalisées durant la pandémie ont montré une hausse de 5% à 6% de la productivité des employés dans les entreprises américaines.
Trois ans après la pandémie, la tendance s'est sensiblement inversée. L'époque des offres de télétravail à 100% n'existe plus (ou très peu). Celles proposant de travailler depuis la maison à temps partiel sont encore présentes et se maintiennent. Par exemple, Apple et BlackRock ne souhaitent plus de télétravail à 100% et désirent minimum trois ou quatre jours par semaine de présence sur le lieu de travail, provoquant la colère de certains salariés. Meta, qui évangélisait le fait que «du bon travail peut être fait partout», a changé de vision et les employés sont sommés de revenir au bureau minimum trois jours. Même la société Zoom a décidé de stopper le télétravail et a rappelé ses employés.
Cette façon de travailler est désormais obsolète ou sur le point de l'être, comme le déplorait la journaliste du Guardian Arwa Mahdawi. Dans son édito, elle qualifiait, à son grand dam, ce changement de «rêve qui s'évanouit».
La révolution est, semble-t-il, révolue. La raison de ce revirement serait, à en croire des études parues aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, lié à une qualité de travail de moins bonne facture. Selon une étude de Stanford, la productivité est en baisse de 10 à 20%.
Récemment, une autre étude démontrait que les employés étaient 19% moins productifs lorsqu'ils travaillaient à domicile.
Les raisons sont nombreuses. L'esprit d'équipe est souvent avancé comme un facteur qui manque. Du reste, le plus compliqué, rappelle le Daily Telegraph, reste d'être capable de déconnecter après une journée de travail à domicile. Partir du bureau permet de laisser les tracas professionnels derrière soi et loin de son cocon.
Si les Etats-Unis et le Royaume-Uni rétropédalent, qu'advient-il du télétravail en Suisse? «Depuis plus de 10 ans, nous proposons à nos collaboratrices et collaborateurs de bureau un environnement de travail flexible qui leur permet de concilier au mieux leurs obligations professionnelles et privées», nous répond un porte-parole de Nestlé.
La multinationale veveysanne a décidé de pérenniser une formule de travail qui permet aux employés de bosser le plus souvent hors des bureaux. Ce modèle hybride, comme nous l'indique Nestlé, «prévoit que nos collaboratrices et collaborateurs de bureau puissent effectuer environ la moitié de leur temps de travail en dehors du bureau».
Du côté du groupe Swatch, «le home office n’est pas un sujet, sauf dans des cas exceptionnels». Le groupe horloger précise que «le 80% des collaborateurs travaillent dans les usines, les 20% restant, dans les bureaux, sont solidaires avec leurs collègues dans les usines».
Mais si les entreprises font des efforts, elles rappellent à tour de bras leurs employés. Plusieurs structures ont ainsi décidé de serrer la vis et d'enquêter sur la présence de leurs salariés au bureau. La DRH de Google, Fiona Cicconi, précisait dans une note:
La colère est telle outre-Atlantique qu’en mai, des collaborateurs d’Amazon ont manifesté pour protester contre le retour au bureau. A travers un mail, la société demandait à ses employés «de faire dès maintenant minimum trois jours ou plus sur le lieu de travail».
Très touché par le télétravail, le secteur du coworking a essuyé de lourdes pertes. En témoigne la chute de WeWork, dans une posture très inconfortable et des pertes abyssales chiffrées à plusieurs milliards. La pandémie a fait très mal et l’essor du télétravail a donné le coup de grâce aux établissements de coworking.
Sauf qu'après l'orage vient le beau temps. Dans les locaux de Gotham, la direction a le sourire jusqu'aux oreilles. Comme l'espace de coworking nous le confirme, les prévisions sont bonnes:
Toujours selon leurs informations, le taux d'occupation est excellent. Pour la première fois de leur histoire (débutée en 2017), «les espaces de Gotham à Lausanne Gare et Lausanne Flon sont pleins à près de 100% et l'espace de Martigny (VS) devrait atteindre ce même objectif d'ici la fin de l'année».
Le porte-parole de Gotham assure que «les entreprises ont surtout compris que des équipes pouvaient être tout aussi productives en dehors des sièges». Si l'utilité de ces bureaux partagés a été remise en cause au cours de la pandémie, les spécialistes du coworking envisagent désormais l'avenir avec sérénité.