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A la rencontre des chiens détecteurs de cancer

L'équipe de l'association Olfacanis qui forment les chiens à la détection d'odeur de cancer du sein
L'équipe de l'association Olfacanis qui forment les chiens à la détection d'odeur de cancer du sein

Ces chiens s'entraînent à dépister des milliers de Suissesses

Détecter le cancer du sein grâce au flair des chiens, c'est le pari de l'association Olfacanis. Menée par un conducteur de chien de sauvetage et composée d'une équipe de bénévoles, l'association est la première à proposer ce projet novateur en Suisse selon le Chuv.
24.06.2024, 05:5725.06.2024, 09:06
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Il ne faudra que quelques secondes à Nooki, un berger belge Tervueren pour désigner la case dont l'odeur a attiré son attention. Son comportement ne trompe pas: aboiements, museau entièrement dans le trou et queue agitée, le chien a trouvé la compresse qui a été portée par une femme atteinte de cancer du sein. Nicolas Rothen, conducteur de chien et fondateur de l'association Olfacanis ne cache pas sa satisfaction:

«Pour l'instant avec Nooki, on est à 100% de réussite »
Nicolas Rothen, éducateur canin et fondateur d'Olfacanis
Nooki détecte une odeur spécifique durant l'entraînement de l'association Olfacanis
Nooki détecte une odeur spécifique dans la case A5. A l'intérieur, un bocal contenant une compresse portée par une femme malade.

Il faut dire que les capacités de Nooki sont scrutées avec une grande attention. En effet, le berger belge Tervueren fait partie d'un groupe de trois chiens qui se forment à la détection du cancer du sein sous l'égide de l'association Olfacanis, une première en Suisse. Depuis octobre 2023, Nooki et ses collègues s'entraînent dans les entrepôts d'une ancienne ferblanterie à Versoix sous l'œil de professionnels canins 👇🏽.

Pour voir les chiens à l'oeuvre👇🏽

Vidéo: watson

Technique, frustration et entraînement

En face de nos fins limiers, un mur en inox avec 12 trous dans lesquels sont cachés des bocaux contenant des compresses. Une compresse provient d'une personne malade, deux autres, de personnes saines et le reste sans odeur particulière. Les exercices de ce samedi matin basés sur leur flair demandent de la concentration et une implication physique pour les chiens.

«Les chiens ne sont pas des machines, ils peuvent aussi se tromper, mais avec l'entraînement, on arrivera à une marge d'erreur acceptable»

A les voir travailler, on ne doute pas que Nooki, Nahia et Ouchka sont des professionnels, en effet, les trois chiens ont pratiqué le sauvetage et leur expérience dans le domaine n'est plus à prouver. «Ce qui nous intéresse c'est le travail du flair et l'expérience des chiens avec l'odeur humaine» et au conducteur canin d'ajouter:

«Les chiens de sauvetage ont des facilités pour cette détection très fine et précise, mais ce n'est pas un prérequis»
Nicolas Rothen

En effet, les trois fins limiers du jour réussissent un sans-faute sur les premiers exercices et les effectuent avec entrain. Mais l'équipe de bénévoles ne s'arrête pas là, elle ajoute une difficulté à chaque test. Dans l'un des exercices, il n'y a pas de compresse imprégnée par l'odeur d'une personne malade, il n'y a donc rien à trouver. «Cette fois-ci, nous testons la frustration de l'animal, mais on le récompense toujours, car il a bien travaillé», explique Julien, chef de la brigade canine de la police neuchâteloise et bénévole à Olfacanis.

Nahia sous les yeux de sa maîtresse cherche le bocal qui a une odeur suspecte
Nahia sous les yeux de sa maîtresse cherche l'odeur de la compresse imprégnée par une femme malade

La méthode est précise et les difficultés s'accumulent, Nahia doit trouver deux compresses imprégnées par une malade au lieu d'une seule, cette fois, le berger des Pyrénées se montre satisfait de sa trouvaille, mais ne prend pas la peine de chercher la seconde odeur. «Je vois que sur cet exercice, elle manque un peu de persévérance», note Anne, sa maîtresse. Quant à Nicolas Rothen, il se veut rassurant, il nous explique, en effet, que chaque chien a des facultés de détection propre et qu'il faudra encore quelques mois avant de boucler la première phase de la formation.

Appui scientifique nécessaire

Les exercices s'enchaînent et nous demandons au fondateur de l'association pourquoi il s'est lancé dans cette aventure. La réponse ne se fait pas attendre: «J'aime les chiens et je veux prouver que leur odorat et leur intelligence peuvent sauver des vies», pour cela, il prend pour exemple, le souvenir le plus marquant de sa carrière, le sauvetage d'un bébé des décombres du tremblement de terre en Turquie en 2023:

«Les chiens ont fait leur travail, et quand j'y pense, l'émotion est toujours là»
Nicolas Rothen accompagné de sa chienne Nooki
Nicolas Rothen et sa chienne Nooki, jeune retraitée du sauvetage

Alors que les caractéristiques hors norme du flair de Nooki et de ses compagnons ne sont plus à prouver dans la recherche des victimes, la détection des «odeurs» produites par les maladies telles que les cancers n'en est qu'à ses balbutiements en Suisse. Ainsi, pour imaginer les contours de son association, Nicolas Rothen a dû se tourner vers la France et le projet KDOG de l'institut Curie dont les échanges ont contribué à développer son propre programme d'entraînement à la détection. Le fondateur d'Olfacanis ne cache pas les difficultés rencontrées pour la mise en place des premiers tests.

«Je n'ai pas de diplôme universitaire, je devais convaincre les médecins en m'appuyant sur mes connaissances de l'animal et les pratiques étrangères, accéder aux bonnes personnes au sein des hôpitaux n'a pas été facile»
Nicolas Rothen, éducateur canin et conducteur de chien de sauvetage

Les difficultés dépassées, l'association soutenue par la ligue genevoise contre le cancer travaille désormais avec l'appui du Chuv qui leur fournit régulièrement des compresses portées par des femmes malades ou en bonne santé. Sur certains documents, on peut lire des mots d'encouragement destinés directement à l'équipe de bénévoles👇🏽.

message d'encouragement d'une femme qui participe à l'étude Olfacanis de recherche de cancer du sein via les chiens de détection
Message d'encouragement d'une femme qui participe de manière anonyme à la formation des chiens
«Ces messages nous vont droit au cœur, on sait que notre travail bénévole est utile»
Nicolas Rothen
L'apport du Chuv
Le Dr Khalil Zaman, responsable médical du Centre du sein pour le département oncologie du CHUV avait déjà entendu parler de la détection du cancer par les chiens, mais «sans approfondir la question». «Quand Olfacanis nous a approchés, on a vu qu'il y avait une littérature médicale développée dans le domaine, mais on devait aussi s'assurer du sérieux et de professionnalisme de l'équipe», commente le médecin. La présence d'Olivier Delémont, professeur en science forensique et de Nicolas Rothen, éducateur canin et des autres professionnels engagés a convaincu le CHUV. «Les études avec les chiens sont toutes encourageantes, mais pour le moment, il n'y a pas eu d'études de validation. On est encore dans les prémisses, on doit faire la preuve» précise Khalil Zaman. La prochaine étape du projet est de développer sa faisabilité en lançant une étude clinique avec le Chuv. «Le dépistage systématique actuel avec la mammographie disponible pour les femmes dès 50 ans, mais on sait qu'un quart des cancers du sein commencent chez des femmes plus jeunes. Si la technique avec les chiens fait ses preuves, cela permettrait de la proposer éventuellement à ces femmes-là, ou de l'utiliser plus fréquemment voire même la considérer pour détecter des rechutes», conclut le médecin. Le temps de la préparation de l'étude, de la recherche de fond et de son application peut durer plusieurs années. Rappelons que chaque année en Suisse, on dénombre 6500 nouveaux cas de cancer du sein chez la femme.

Détection indolore

Nicolas Rothen en est persuadé, cette méthode de détection a de grandes chances de succès.

«Le dépistage transcutané est indolore, rapide et facile à effectuer»
Nicolas Rothen
Julien Boillat, chef de l'unité canine de la police neuchâteloise et bénévole à Olfacanis désinfecte le mur où sont placés les bocaux contenant des compresses.
Julien Boillat, chef de l'unité canine de la police neuchâteloise et bénévole à Olfacanis désinfecte le mur où sont placés les bocaux contenant des compresses.

Il avance aussi un autre argument, selon lui, des études sur les composés odorants volatils (COV) du cancer émettent l'hypothèse que les chiens les détectent de manière précoce: «si c'est le cas, cela pourrait faire gagner un temps précieux aux malades», lance l'éducateur canin. Nicolas Rothen tient à préciser toutefois que l'objectif d'Olfacanis n'est pas de se substituer aux méthodes actuelles de dépistage du cancer du sein, mais de venir «en complément de celles-ci». Les chiens ne seront pas non plus utilisés directement auprès des personnes qui sont testées, mais effectueront le travail de flair sur la base de prélèvements.

En arrivant aux derniers exercices après plus d'une heure de travail, nous remarquons que nos limiers sont de plus en plus distraits. «Les chiens sont comme nous, ils commencent à fatiguer, l'important c'est de garder la motivation du jeu et de ne pas les épuiser». Nooki, Nahia et Ouchka ont encore quelques mois avant de terminer la seconde phase de formation, la prochaine étape est aux mains du Chuv qui devra mettre en place une étude de faisabilité pour les dépistages.

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source: mars schweiz ag
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