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Avion: Jean-Marc Jancovici veut une limite de 4 vols à vie

Jean-Marc Jancovici crée la polémique avec son quota de quatre vols sur une vie.
Jean-Marc Jancovici a créé la polémique avec ses quotas.Image: watson

Maximum 4 vols en avion dans votre vie? L'idée choc de ce gourou du climat

Le spécialiste du climat français Jean-Marc Jancovici a défrayé la chronique avec une idée extrême: prévoir un quota de quatre vols par personne, à vie. Plausible ou outrancier? Nous avons demandé l'avis d'André Borschberg, co-fondateur et pilote de Solar Impulse.
11.06.2023, 08:0411.06.2023, 11:59
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L'aéronautique est dans le viseur du gourou climatique Jean-Marc Jancovici. Sans prendre la moindre pincette, sa proposition d'instaurer quatre vols à vie fait bondir la profession, une bonne partie des internautes et la classe politique. Selon l'ingénieur, on ne va pas couper à la décroissance, elle est même inexorable.

Pour combattre la pollution et le réchauffement climatique, mais surtout l'épuisement des ressources énergétiques, l'entrepreneur et conférencier français n'a pas mâché ses mots sur les ondes de France Inter:

«Ceux pour qui cela paraît inconcevable et restrictif, il faut bien qu’ils se rendent compte que c’est quelque chose d’extrêmement récent et que ça partira avec le pétrole. Une fois qu'il n'y aura plus de pétrole, il n'y aura pas de quoi assurer quatre vols dans une vie, par terrien.»

La faconde radicale, l'air grognon, Jancovici a donc de nouveau alimenté la polémique et les débats. Rajoutant une couche face à la journaliste Léa Salamé:

«On a deux vols pour découvrir le monde et, quand on est vieux, on part en vacances en Corrèze en train»

Une proposition qui n'a pas plu à une bonne partie de la profession et les politiques. Une aberration pour certains, des mesures liberticides pour d'autres; Jancovici, qualifié de «fanatique de l'idéologie climatique», n'a pas fait l'unanimité et provoqué de vives réactions.

Interrogé par nos soins, André Borschberg précise d'emblée: «Je n’aime pas la notion de quota, elle est purement arbitraire.» Le co-fondateur et pilote de Solar Impulse, actuel co-fondateur et président Exécutif de la société H55, souligne qu'il n'y a pas de raison d'en instaurer, puisque pléthore de paramètres doivent être pris en compte.

«Toute situation est différente. Ceci étant dit, nous avons un problème aujourd'hui. Celui de ne pas tenir compte, dans notre économie, des effets nuisibles des activités que nous entreprenons»

L'interview complète sur France Inter

L'ingénieur-pilote explique que «rien n'a été fait pour atténuer ou éliminer les effets nuisibles». Comme l'inaction est sans cesse rabâchée, les «extrémistes», pour faire avancer les choses, veulent édicter des règles très strictes. «Je comprends que certains s'énervent. Mais le bon itinéraire serait le chemin intermédiaire, mais que l'on n'emprunte pas non plus», tempère André Borschberg.

«Il n'a peut-être pas tort. Cette remarque ne se veut pas nécessairement réaliste. Avec ce genre de réflexion, il force les gens à se rendre compte de l'inaction»
André Borschberg

Au lieu d'intégrer des quotas, la taxe semble plus appropriée, selon André Borschberg, pour éviter de repousser les problèmes à demain. «Un billet d'avion à 30 francs n'a pas de sens. Economiquement, comme cela fonctionne aujourd'hui, ce n'est pas durable. Nous devons changer radicalement notre manière de procéder.»

D'après André Borschberg, l'introduction de taxes est intéressante, notamment pour permettre la comparaison: si vous volez d'une manière propre, sans émissions de CO2, vous aurez peut-être besoin de technologies qui sont un peu plus onéreuses à mettre sur pied. «C'est nettement plus difficile par rapport aux solutions d'aujourd'hui, qui sont faciles, pas trop chères, mais dont on ne mesure pas l'impact nuisible.»

«La taxe est nécessaire, sous une forme ou sous une autre, pour trouver des alternatives»
André Borschberg

De l'action et moins de passivité. Alors que les compagnies aériennes cherchent des solutions pour une neutralité carbone, nombreux sont ceux qui expliquent que l'avion doit devenir un bien exceptionnel - et non automatique. «Je n'espère pas que l'avion devienne exceptionnel. C'est d'ailleurs là-dessus que nous travaillons avec H55», répond André Borschberg, rappelant que le travail passe par la petite aviation, avec des technologies qui «prennent du temps à mettre en place».

L'ingénieur parle d'un long processus pour le domaine de l'aéronautique. «Ce temps, que nous n'avons pas, il faut qu'on puisse l'accélérer par des investissements et rendre le transport aérien moins attractif pour la population.»

Ces quotas, avancés par Jean-Marc Jancovici, appellent aussi à la décroissance. Et le co-fondateur de Solar Impulse ne pense pas qu'on puisse revenir en arrière, ni même concentrer les gens dans leur village: «Le monde est fait d'échanges salutaires.»

Sur le même sujet, Swiss clame que «les voyages en avion connectent les êtres humains, les cultures et les pays, et permet des échanges et le commerce dans le monde entier», dans un courriel envoyé à watson.

«Aujourd'hui, un monde sans trafic aérien est impensable»
Swiss

Arguant, aussi, que la société est consciente de sa responsabilité en la matière. Swiss assure s’être donnée pour mission de contribuer à un avenir plus durable.

Un peu facile de toujours taper sur l'aviation?

Or, cibler les compagnies aériennes n'est-il pas trop facile? Elles ne sont pas les seules coupables du réchauffement climatique. «Le trafic aérien représente 3% de la création de CO2, en comparaison des autres activités humaines. Ce n'est donc pas la majorité», tempère Borschberg.

Selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), le transport aérien a généré environ 2% des émissions mondiales de CO2 en 2021. Swiss nous déclare qu'une liste d'objectifs ambitieux est en marche. «Ceux-ci ont été validés par la "Science Based Targets" Initiative (SBTi) et sont en accord avec les objectifs climatiques globaux de l'accord de Paris sur le climat.»

Cette multitude de mesures mises en place par Swiss, par exemple, n'est pas gage de réussite. Le défi, dans l'aviation, est énorme, comme André Borschberg le rappelle: «La création d'une voiture prend 3 ans, alors que pour un avion, la durée se situe entre 10 et 15 ans». Les impératifs concernant les normes de sécurité sont des éléments à prendre en considération dans la fabrication d'un appareil. «Une voiture électrique peut brûler de temps en temps. Un avion ne peut pas.»

Pour le résident de Nyon, «si on s'occupait des autres 97% d'émissions de CO2 au sol tout de suite, on aura déjà fait un grand pas. Attaquer l'aviation n'est pas utile

Le kérosène solaire comme sauveur?

Face aux critiques des milieux écolos, le secteur de l'aviation s'est retroussé les manches. En particulier Swiss (et le groupe Lufthansa), première compagnie aérienne au monde à utiliser du carburant dit «Sun-to-liquid». Le procédé, développé par Synhelion, permettra à l’avenir de produire du kérosène neutre en CO2 à partir de lumière solaire concentrée. Une révolution? André Borschberg se veut mesuré: «Comme réponse partielle et temporaire, je dirais oui.»

«Ce fuel n'est pas complètement neutre. Il faut utiliser des déchets pour en produire et il faut logiquement de l'énergie pour transformer ces déchets. Des études démontrent que le coût de ce fuel est trois fois plus élevé que le pétrole aujourd'hui. Autant payer plus cher dès aujourd'hui pour préparer l'avenir et ces nouvelles technologies pour éviter des interdictions. Si on ne fait rien, on va devoir se résoudre à interdire.»

Il faudra aller plus loin, élargir le panel de compétences. «Il y a aussi l'hydrogène, mais la production présente beaucoup de défis. Il est plus difficile à contrôler et à stocker, mais on y arrivera.»

«Le fuel synthétique est bien une solution, certes, mais il ne sera pas la panacée pour la neutralité en 2050.»

La décarbonation passera par plusieurs étapes, comme le pense André Borschberg, «avec des avions électriques, hybrides; avec du fuel synthétique (SAF) ou grâce à l'hydrogène». Une mixture de différentes solutions qui transfigurera l'aéronautique et cette flotte d'un demi-million d'avions qui volent aujourd'hui. Mais de voir le fuel synthétique comme la solution à tout tient du domaine de l'utopie:

«On ne va pas réussir à en produire assez pour que tout le monde puisse voyager comme aujourd'hui»

Il faudra d'autres technologies, d'autres investissements (colossaux) pour répondre. Et cette taxation de l'aviation, préconisée par le pilote-ingénieur, doit être restituée au secteur pour le développement d'une aviation propre. A la croisée des chemins, tout reste à faire pour l'aéronautique.

Atterrir un avion sur un gratte-ciel? Il l'a fait
Video: watson
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