Le vol SQ321 de Singapore Airlines a tourné au drame ce mardi, lorsque l'appareil, parti de Londres la veille, a été touché par de fortes turbulences. Le bilan est lourd: un mort et 30 blessés. Des photos partagées après l'incident montrent la cabine ravagée, le sol jonché d'objets tombés pendant les secousses.
Sur les vols internationaux, les décès directement causés par les turbulences sont «incroyablement rares», note le Guardian. Et pourtant, ce phénomène devrait devenir de plus en plus fréquent, estime une étude de l'université de Reading. En cause: le réchauffement climatique.
L'étude, publiée en juin 2023, porte sur les turbulences en air clair. Ces dernières ne se produisent pas de manière prévisible, par exemple au-dessus des chaînes de montagnes ou lors de tempêtes. Elles touchent les appareils «à l'improviste». L'un des principaux résultats observés est que ces turbulences ont augmenté au cours de la période étudiée, de 1979 à 2020.
La hausse constatée a été particulièrement forte dans les latitudes moyennes, notamment au-dessus des Etats-Unis et de l'Atlantique Nord. Selon l'étude, la durée totale des fortes turbulences au-dessus de l'Atlantique Nord a augmenté de 55%. Les turbulences moyennes durent 37% de plus et les turbulences légères 17% de plus. Mais cela concerne aussi d'autres régions, comme les trajets au-dessus de l'Europe.
Les turbulences, habituellement appelées «trous d'air», sont provoquées par des rafales se déplaçant de haut en bas ou de bas en haut. Elles modifient le déplacement de l'air sur les ailes et par conséquent, la portance: l'avion s’affaisse ou se redresse par à-coups.
Les auteurs avaient déjà établi un lien entre l'augmentation des turbulences et le changement climatique dans des études précédentes. Paul Williams, co-auteur de la recherche, explique qu'à l'altitude de vol, le changement climatique réchauffe davantage la zone située au sud du jet stream que celle située au nord. La différence de température plus importante entraîne des cisaillements de vent plus marqués, c'est-à-dire des changements brusques de la direction du vent, et donc une augmentation de turbulences.
Et selon les prévisions, les secousses vont continuer à augmenter tant que le changement climatique se poursuivra.
Les turbulences sont désagréables pour les passagers, mais encore plus pour l'équipage qui doit traverser la cabine pendant ce temps, souligne Patrick Vrancken, du Centre aérospatial allemand (DLR). Elles sont aussi synonymes de stress pour les pilotes.
En cas de fortes turbulences, il existe un risque de blessure. L'incident survenu à bord du vol de Singapore Airlines ce mardi en est la preuve.
Autre problème: les turbulences coûtent au secteur aéronautique entre 150 et 500 millions de dollars par an, rien qu'aux Etats-Unis. Ces coûts seraient dus:
Il faut rappeler que les voyages en avion contribuent de manière significative à la crise climatique. Il ne s'agit pas seulement d'émissions de dioxyde de carbone. Les oxydes d'azote, les aérosols et la vapeur d'eau produits à haute altitude lors de la combustion du kérosène contribuent également au réchauffement de l'atmosphère. Prendre l'avion est le moyen de transport le plus nuisible pour le climat et augmente donc le risque de turbulences.
L'industrie aéronautique tente depuis plusieurs années de lutter contre le problème. Des travaux sont surtout en cours pour tenter d'améliorer leur anticipation. Les chercheurs travaillent ainsi sur une méthode qui détecte les turbulences quelques centaines de mètres à l'avance et permet à l'ordinateur de bord de prendre automatiquement des contre-mesures.
Cet article, publié initialement le 27 juillet 2023, a été mis à jour après l'incident sur le vol de Singapore Airlines, mardi 21 mai 2024
(Traduit et adapté par Pauline Langel)