Une jeune femme asperge de caca (et de pipi) le mémorial d'un ancien combattant anglais.
C'était au début du mois d'octobre.
Tom Moore est considéré comme un héros national depuis qu'il est parvenu à récolter 30 millions de francs pour les malades du Covid-19. Cet homme est décédé en février 2021 à l'âge de 100 ans.
Lundi, deux jeunes gens enduisent de chocolat le visage en cire de Charles III, chez Madame Tussauds.
Entre ces deux événements, on se souvient encore un peu du Van Gogh à la tomate ou de la purée de patate sur un Monet. En Australie, des mains s'étaient collées sur un Picasso.
Du côté des activistes, on trouve du «End UK Private Jets», du «Just Stop Oil», du «Letzte Generation», de l'«Extinction Rebellion». A chaque œuvre souillée son collectif, à chaque jour suffit sa peine, à chaque cause son effet.
Ou quelque chose comme ça.
Depuis un mois (vous l'aurez remarqué), des jeunes jettent des trucs sur d'autres trucs. Bien sûr, des revendications accompagnent chacun de ces actes. Mais l'opinion publique peine à s'en souvenir. C'est que, sur internet, 80% des vidéos sont visionnées sans le son. Le produit et sa cible prennent donc toute la place. Du caca ou du cacao sur Tom Moore ou Charles III. On n'est pas loin du chandelier et du colonel Moutarde.
Ou quelque chose comme ça.
Si ça se trouve les militants écologistes ont commencé par asperger de soupe des œuvres exposées au Palais de Tokyo et personne ne s'en est rendu compte...
— diane de fortanier (@diradefo) October 24, 2022
Seuls des géants comme Nike ou Burger King peuvent se permettre de dépenser argent et énergie dans une publicité qui n'évoque pas directement le produit. Là, tout juste sait-on que des activistes demandent aux gouvernements d'arrêter de faire des choses. Que tout ça est en lien avec le climat. Jets privés, isolation des toits, extraction de gaz.
Ou quelque chose comme ça.
Au début, les éclaboussures sur toile accouchaient de quelques opinions, d'une poignée de polémiques et d'analyses philosophiques. «Bravo, quel courage», «L'art est-il plus important que la vie?», «Souiller une œuvre, un acte nécessaire?», «Les écoactivistes reproduisent-ils un mécanisme qu'ils dénoncent?», «Ce sont des imbéciles».
Ce ne sont pas des "militants écologistes", ce sont des imbéciles. https://t.co/GbsqjlFVmB
— Hugo Clément (@hugoclement) October 14, 2022
Avouons même qu'au début, on se sentait sincèrement le devoir d'écouter et de comprendre. Voire de culpabiliser un peu, ça ne fait de mal à personne (et surtout pas à la planète). On pouvait presque déceler dans ces happenings une volonté d'imiter intelligemment les étapes ordinaires du deuil. Déni, colère, marchandage, dépression, acceptation. RIP l'humain.
Ou quelque chose comme ça.
Mais nous sommes déjà à la dernière étape. Et il semble que l'acceptation laisse doucement sa place à ce que l'on pourrait appeler la satisfaction. Celle, binaire, passive et fainéante, qui nous égare des heures sur TikTok, tout à l'affût que nous sommes de la prochaine vidéo. De l’ordre du méditatif.
Car, demain, il est fort probable qu'une blanquette de veau recouvre le buste de Marianne. Et sans doute que trois garçons péteront chacun leur tour sur un Baloon Dog de Jeff Koons.
Ou quelque chose comme ça.
Si l'activisme n'a jamais aimé l'indifférence, pas sûr qu'il prenne du plaisir, désormais, à divertir jusqu'à ses pires ennemis.