«C'était une renaissance! J'ai eu l'impression que mes émotions étaient amplifiées. J'ai trouvé ça cool, c'est ça la vraie vie.» Margaux, 32 ans, a été sous pilule contraceptive pendant 10 ans. A l'âge de 27 ans, elle décide de ne plus la prendre. Elle se souvient:
Ces dernières années, de plus en plus de témoignages de femmes qui ont fait le même choix que Margaux se font entendre, notamment sur les réseaux sociaux. La créatrice de contenu française Louise Aubery par exemple a documenté sur YouTube les mois qui ont suivi son arrêt de la pilule avec pour but, entre autres, d'informer des effets que peut avoir cette décision sur le corps et le mental.
Le magazine Elle a également publié en avril 2024 un article qui liste «les 7 choses qui surviennent après l'arrêt de la pilule contraceptive».
Marine F., sous pilule de ses 17 à ses 24 ans, fait également partie des femmes qui ont fait ce choix. Comme Margaux, son expérience a été positive:
Angela Walder-Lamas, conseillère en santé sexuelle et sage-femme aux HUG, explique qu'elle a reçu en consultation beaucoup de femmes qui décrivent les mêmes symptômes que Marine F. et Margaux:
Un autre avantage mentionné par Marine F. est le fait d'avoir désormais «un cycle beaucoup plus conscientisé». Elle sait par exemple que certaines douleurs au ventre signifient que ses règles arriveront dans quelques jours. «Sous pilule, tout est aseptisé», décrit-elle. Et d'ajouter:
Pour Fabia* en revanche, l'arrêt de la pilule ne fut pas une bonne expérience. Elle s'est tournée vers ce moyen de contraception à l'âge de 17 ans, avec plusieurs pauses entre ses 24 et 26 ans en raison d'un style de vie qui l'a amenée à beaucoup voyager.
A 30 ans, elle l'arrête car elle a peur d'hypothétiques risques de cancer – il existe des études, mais rien n'a été prouvé – et ne trouve pas de réponse satisfaisante à ses inquiétudes auprès du corps médical. «C'était vertigineux, raconte-t-elle. C'était comme si j'avais deux corps. Ma perception de l'environnement était aussi plus émotionnelle, plus pointue. Mais j'ai ressenti de la culpabilité d'être aussi fatiguée par mon environnement.»
Ces changements physiques et psychologiques ont été difficiles à comprendre et Fabia* critique le fait de ne pas avoir été suivie correctement par son gynécologue à ce moment-là. «Quand tu retrouves ton vrai corps, c'est un choc. Je trouvais chiant d'être une femme. A 30 ans, je n'avais pas le temps pour un tel chamboulement. C'est triste de penser comme ça», confie-t-elle. A peine deux ans plus tard, elle décide de reprendre la pilule, notamment parce que ses règles étaient «sous contrôle» grâce à cette contraception et beaucoup moins douloureuses.
Si les expériences divergent, Fabia*, Margaux et Marine F. ont pour point commun le fait d'avoir été inquiètes des effets que pouvait avoir la pilule sur leur corps et leur santé.
Un constat qu'à également fait Marine B., 25 ans. Elle a pris la pilule à l'âge de 16 ans car elle était en couple, et a continué de la prendre après s'être séparée de son compagnon. Mais au bout de quelques années, et même si cette contraception lui convenait, Marine B. se questionne sur le fait de prendre tous les jours ce médicament et ces hormones. Elle en avait également marre de payer pour une contraception qu'elle trouvait «extrêmement chère».
Margaux raconte, quant à elle, qu'elle commençait à avoir «une petite grippe» à chaque fois qu'elle avait ses règles et que ces dernières devenaient de plus en plus «atroces».
«Dès 2011, il y a eu des polémiques autour des effets des pilules récentes, dont Yasmin, rappelle Angela Walder-Lamas. Des complications thrombo-emboliques graves sont survenues et il y a eu une prise de conscience qu’il s’agissait de médicaments.» La conseillère en santé sexuelle revient sur son expérience et raconte que peu à peu, beaucoup de femmes ont remis en question la pilule – prise pendant des années «comme un automatisme» – et ont commencé à se renseigner sur d'autres méthodes.
Si Margaux assure que si c'était à refaire, elle n'aurait jamais pris la pilule, Marine F. en revanche reconnaît que cette contraception l'a bien dépannée à 16 ans et qu'elle lui a offert «une liberté et une sécurité» dans sa sexualité. Elle admet, toutefois, qu'elle aurait souhaité avoir une conversation avec sa gynécologue à l'âge de 20 ans afin de voir si ce choix était toujours adapté. Elle regrette également le fait que le médicament reste souvent prescrit de manière «automatique».
Une critique partagée notamment par Margaux:
Angela Walder-Lamas assure que lors de ses consultations, elle essaie – dans la mesure du possible – de recevoir les gens en couple. «Je pense qu'une partie de la jeune génération, quel que soit le sexe, remet en question cette norme selon laquelle le poids de la contraception devrait reposer uniquement sur les épaules des femmes parce que ce sont elles qui tombent enceintes», observe-t-elle. Elle mentionne d'ailleurs la contraception masculine qui, selon elle, ne s’est pas développée depuis l’essor de la pilule, car il n’y avait pas de pression sociale forte à ce sujet, ce qui est en train de changer.
Aux yeux de Marine F., sa génération mène un combat important pour que les méthodes de contraception continuent d'être améliorées:
*Prénom d'emprunt