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Endométriose: «La maladie n'est pas prise au sérieux»

Endométriose: «La maladie n'est pas prise au sérieux»
En Suisse, où en est la recherche sur la maladie? Quels sont les traitements disponibles?Image: watson

«Les maladies féminines ne sont souvent pas prises au sérieux»

En septembre, l'endométriose s'est invitée dans les débats à Berne et est au cœur d'une campagne de sensibilisation. L'occasion de faire un point de situation autour de cette maladie encore peu comprise.
28.09.2023, 19:0027.10.2023, 14:26
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Du 25 septembre au 1ᵉʳ octobre, l'association suisse Endo-Help lance sur les réseaux sociaux une campagne de sensibilisation sur l'endométriose.

Quelques jours avant ce lancement, le 20 septembre dernier, c'est le National qui se prononçait en faveur d'un meilleur soutien financier de la recherche sur la maladie. Le dossier est désormais en main du Conseil des Etats.

watson a donc profité du timing pour faire le point sur les traitements disponibles et sur l'état de la recherche avec Ivo Fähnle, le médecin-chef du service de gynécologie de l'hôpital de Lucerne.

Fähnle Ivo
Ivo Fähnle, le médecin-chef du service de gynécologie de l'hôpital de Lucerne.Image: Das Luzerner Kantonsspital

watson: Aujourd'hui, en Suisse comme ailleurs, l'endométriose reste peu comprise. Pourquoi?
Ivo Fähnle: Au sein du corps médical, il n'existe pas de consensus qui explique clairement ce qu'est la maladie. En cause, un manque d'intérêt de la part des spécialistes.

«Nous vivons dans une société patriarcale et les maladies féminines ne sont souvent pas prises au sérieux»

Les douleurs durant les règles sont par exemple majoritairement considérées comme normales, peu importe leur intensité ou leur caractère handicapant. Mais ce n'est pas normal d'avoir très mal durant ses menstruations. Encore moins de voir sa vie et ses activités de tous les jours entravées parce qu'on est clouée au lit.

«Si tel est le cas, c'est que nous sommes malades. C'est aussi simple que ça»
Ivo Fähnle, le médecin-chef du service de gynécologie de l'hôpital de Lucerne.

Quelles sont les conséquences de ce manque de connaissances?
Cela entraîne des lacunes dans la détection de la maladie. Actuellement, de nombreux spécialistes estiment qu'il est nécessaire de pratiquer une opération pour découvrir si une femme souffre ou non d'endométriose. Une autre méthode proposée est l'endotest, un test non invasif qui analyse un échantillon de salive. Le problème avec ces deux procédés est le risque est de ne pas réussir à détecter la maladie, car les foyers sont peu, voire pas visibles – un scénario qui se produit souvent.

Comment se fait-il que dans certains cas, l'endométriose ne soit pas correctement détectée?
Une étude que je trouve très prometteuse explique que l'endométriose est une maladie de spectre, c'est-à-dire qu'il en existe plusieurs formes. Certaines ne sont donc détectées ni par l'opération ni par l'endotest.

«Il est donc possible que des femmes repartent bredouilles de leur rendez-vous médical et ne soient pas correctement prises en charge»

«D'après mon expérience personnelle, il est possible de déterminer si une femme est malade uniquement sur la base des symptômes décrits. Je regrette que les récits des patientes ne fassent pas office de preuve suffisante.»

Aujourd'hui, quelles sont les offres de traitement pour soigner la maladie?
Qui dit manque de connaissance dit aussi manque de traitement adapté. Aujourd'hui, deux solutions sont proposées. Elles ne sont cependant pas efficaces à 100%.

Ah non?
Non. La première est la thérapie hormonale qui supprime le cycle menstruel, mais dont les effets secondaires sont forts, voire graves. Par exemple des états dépressifs, de l'agressivité ou une prise de poids. La seconde est le retrait de l'utérus, ce qui empêchera la femme d'avoir des enfants. L'opération n'est cependant pas fiable à 100% et la maladie peut revenir.

«Il est difficile de trouver une thérapie qui fonctionne correctement»
Ivo Fähnle, le médecin-chef du service de gynécologie de l'hôpital de Lucerne.

Il existe toutefois une autre étude très intéressante, menée cette fois-ci au Japon, qui démontre que l'endométriose pourrait être soignée sans avoir recours à des hormones.

La récente décision du National de soutenir la recherche est-elle une avancée positive?
Je suis mitigé. Le déblocage de fonds est certes une bonne nouvelle. Il faudra toutefois surveiller où va cet argent. Je suis par exemple en défaveur du développement d'un autre Endotest, à cause des lacunes qu'il présente dans la détection de la maladie.

Du coup, comment faudrait-il utiliser au mieux ce financement?

«En axant la recherche sur la compréhension du fonctionnement de l'utérus et en développant un traitement sans hormone»
Ivo Fähnle, le médecin-chef du service de gynécologie de l'hôpital de Lucerne.

Les études citées dans cet article:

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«De l'hystérie de masse» de la photographe Laia Abril
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source: laia abril / laia abril
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