Après quatre ans d'absence, le Salon de l'auto revient à Genève pour une édition, la 100e, qui s'annonce riche en nouveautés. Une chose ne va pourtant pas changer: hôtes et hôtesses continueront de fouler les halles de Palexpo pour assister le public.
«Hôtes, hôtesses et car explainer sont toujours présents, et le seront également lors de l'édition 2024», nous confirme Megan Kohler, digital experience manager auprès du Salon.
Si leur rôle a toujours été de présenter les véhicules exposés, les hôtesses ont marqué les esprits pour une autre raison: leur tenue vestimentaire, souvent très légère. «Les marques de luxe exigeaient autrefois des tenues élégantes comme des robes et des talons pour les femmes et des costumes pour les hommes», retrace Megan Kohler, «mais une tendance plus décontractée a émergé dans le monde automobile. La plupart des constructeurs optent désormais pour des tenues confortables comme des baskets et des polos.»
Les dernières éditions, qui coïncidaient par ailleurs avec l'émergence du mouvement #metoo, témoignaient déjà de ce changement: les habits sexy y étaient plus rares, les tenues plus sportives. Reste que des milliers de jeunes femmes en ont fait l'expérience, et leurs souvenirs ne sont pas forcément positifs.
«C'était horrible, de la torture», résume Maude*, jeune femme qui a travaillé au Salon il y a une dizaine d'années. Employée par Audi, elle devait accueillir et renseigner les personnes potentiellement intéressées par le véhicule qui lui avait été assigné.
Elle se remémore avant tout de la fatigue physique: «Nous devions rester debout des heures et des heures de suite, nous ne pouvions pas nous asseoir, pas nous reposer, ni même montrer que nous étions tristes ou fatigués», raconte-t-elle.
Une situation que le port des talons ne rendait pas plus facile, au contraire. «Des hôtesses souffraient le martyre», se rappelle Marie*, qui a travaillé au Salon en 2016 et dont le rôle était de récolter les contacts des acheteurs potentiels. «Certaines filles avaient les pieds en très mauvais état à la fin de la journée, avec des pansements et des cloques partout.»
Marie et ses coéquipières, employées par Peugeot, devaient toutes porter le même vêtement, «une robe noire en polyester assez cheap et désagréable», et des chaussures fournies par la marque, également «de mauvaise qualité et très inconfortables.» D'après la jeune femme, les talons étaient clairement «l’aspect le plus dérangeant de l'expérience.»
«C'était le gros truc dont tout le monde se plaignait», ajoute-t-elle, tout en racontant une anecdote assez marquante:
Une fois, poursuit Marie, elles ont eu droit à une exception. A la suite d'une journée particulièrement fructueuse, la marque leur a permis de porter des ballerines, l'espace d'un jour, mais à condition que toutes les filles aient les mêmes. «Je me souviens que nous avions trouvé ça incroyable, alors que c'est ridicule», affirme la jeune femme. «Je ne pense pas qu'on ait récolté moins d'adresses ce jour-là parce qu'on était en ballerines».
Maude, elle, assure avoir eu de la chance avec ses habits, «moins courts et moins moulants par rapport à ceux qui étaient imposés par d'autres marques». «Ma robe descendait presque jusqu'au genou et était plutôt ample», détaille-t-elle.
Mais au final, cela ne faisait pas vraiment de différence: «Nous étions constamment entourés par des milliers de visiteurs. Les lumières étaient tellement fortes, les pauses tellement rares, que j'avais l'impression d'être tout le temps exposée», se souvient la jeune femme. «Il y avait peu de moments où notre corps n'était pas vu, et aucun moyen de se cacher.»
Maude affirme avoir particulièrement mal vécu cet aspect de son expérience d'hôtesse. «Il y a beaucoup de choses qui m'ont révolté sur place», avoue-t-elle, «surtout dans la manière dont on traitait les humains».
Autre point sensible: le maquillage. «Je ne me suis jamais autant maquillée de ma vie», déclare Maude. Chaque matin, une responsable vérifiait le maquillage des hôtesses, «pour être sûre qu'on soit parfaites». «La plupart des fois, elle nous disait que nous n'étions pas assez maquillées, qu'on devait rajouter du fond-teint, retoucher les yeux, etcétéra. C'est vraiment rare d'entendre ça dans la vraie vie», rigole-t-elle.
La jeune femme reconnaît pourtant que cela l'a beaucoup marquée. «Etre autant maquillée, autant parfaite, autant focalisée sur mon apparence physique, cela a laissé des traces profondes», affirme-t-elle aujourd'hui.
«Ça m'a pris plusieurs mois, voire plusieurs années avant de réussir à diminuer de nouveau, jusqu'à ne plus me maquiller du tout», complète-t-elle.
«J'avais l'impression de ne pas être à mon avantage, mais comme on t'oblige d'être», abonde Marie, qui trouvait toutes ces exigences «un peu ridicules». «Je ne pense pas que notre aspect extérieur faisait une différence au niveau du nombre de contacts qu’on arrivait à récolter», fait-elle remarquer. «Surtout quand on voyait que les gens qui travaillaient pour d'autres marques pouvaient s'habiller de manière beaucoup plus confortable et moderne».
Les deux hôtesses tiennent quand même à souligner que tout n'était pas négatif. «La tenue et les talons étaient désagréables, mais, d'un autre côté, on était vraiment très bien payé», nuance Marie. Le salaire se montait à quelque 3000 francs pour une dizaine de jours de travail.
Même son de cloche chez Maude, qui évoque une rémunération «incroyable» et les fêtes «exubérantes» qui étaient organisées pour le personnel. «C'était la folie», raconte-t-elle. «Je me souviens que, lors de ces soirées, la foule se faisait doucher au champagne. Ils savaient faire en sorte que les jeunes s'amusent bien.»
Elles saluent finalement l'évolution des regards et des tenues ces dernières années. «C'était déjà problématique à l'époque, mais j'ai l'impression que le public était moins sensible à ces questions», analyse Marie. «Aujourd'hui, je ne sais pas si une marque ferait ça.» Réponse le 26 février.
*Maude et Marie sont des prénoms d'emprunt