Dans les stations balnéaires, il est quasiment impossible de se balader sur les quais sans tomber sur des crustacés vivants, qui barbotent dans 30 centimètres carrés d'eau salée. Une prison aquatique qui, pour les restaurants, fait office de menu vite rédigé. «Regardez comme nos plats sont frais!», semblent nous hurler ces imposants aquariums gustatifs.
C'est aussi une manière de rappeler (indirectement) à la plupart des touristes qu'ils n'auront jamais les moyens de se payer un homard sans hypothéquer la maison de leur grand-mère. Parfois, c'est même l'occasion pour les défenseurs des animaux de s'émouvoir d'une pratique qui ressemble (un peu) à celle des régies immobilières à Paris: «Combien on peut caser d'étudiants dans ce placard à 4000 balles?»
C'est l'aventure qu'a décidé de vivre une touriste suisse en Sardaigne, plus précisément dans la ville de Golfo Aranci, au nord de l'île italienne. Jeudi soir, accompagnée de son époux, notre vacancière s'est stoppée net, une fois arrivée à la hauteur d'une très très bonne table: le Gente di Mare.
Est-ce la terrasse ombragée qui a tapé dans l'œil de notre couple de Suisses? Au début, oui, puisqu'ils ont passé «une très bonne soirée» au Gente di Mare.
Ce sont effectivement les quelques crustacés qui attendaient leur sort entre quatre vitres qui a ému «cette élégante Suissesse en vacances», explique l'agence italienne Ansa. Cette dernière précise que l'ambiance était «douce et chaleureuse» sur la terrasse de cette luxueuse adresse. Dans l'un des aquariums nageait notamment une langouste. Au beau milieu de son repas, la vacancière s'est levée pour tenir compagnie à la bestiole, avant de... s'enquérir de son prix.
Encore une petite fringale? Nan. Surpris par cette requête, l'un des serveurs s'est malgré tout exécuté, alors que le patron pensait «à une blague». Une main pour pêcher la langouste, l'autre pour attraper une balance, puis vient la sentence: ce sera 200 euros pour cette grosse bestiole d'environ deux kilos.
La Suissesse paiera sans broncher. Mais au lieu de le confier aux cuistots pour un traditionnel petit bain d'eau bouillante, l'animal atterrira directement dans les bras de cette étrange cliente suisse. Objectif? Le rejeter fissa dans la mer. Hors de question qu'il devienne l'un de ces fameux homards à la catalane, spécialité de la maison.
Une fois la langouste transférée dans un seau (pour assurer son transport), la touriste a donc rejoint le bord du quai, mais non sans s'inquiéter pour sa santé. Le personnel, «touché et amusé», lui jure que tout ira très bien pour ce fugitif de luxe. Alors que son mari a armé son téléphone portable pour ne rien manquer de la scène, la dame a libéré l'animal, sous les applaudissements des clients et... du patron des lieux.
L'histoire ne dit pas (encore?) si notre concitoyenne a réitéré son geste dans chaque restaurant de fruits de mer qu'elle a pu croiser durant ses vacances en Sardaigne. Son banquier, lui, espère que non. (fv)