C'est un passage obligé de fin d'année, comme le souper de Noël avec belle-maman Chantal. Enfiler son jogging le plus doux, ses pantoufles les plus moches et sa mauvaise foi la plus crasse pour juger les 30 candidates à la couronne de Miss France et leurs gambettes aussi affûtées que notre langue de vipère. Une méchanceté qui va en empirant chaque année, à mesure qu'on devient sacrément plus vieille et plus moche que ces petites Miss prépubères. Pas vrai, Geneviève?
21h10. Pour démarrer cette nouvelle édition dans le botox, les strass et la bonne humeur, quoi de plus à propos que l'inoxydable Jean-pierre Foucault en pyjama? Lui qui, contrairement à nous, a effectivement l'air un peu plus jeune chaque année.
Après un premier tableau en hommage à Beyoncé (les gars, venez pas nous chanter les louanges du pouvoir féminin quand vous faites s’entasser maladroitement trente petites meufs en shorty dans la position du flamant rose), avant d'embrayer sur les présentations des candidates de ce cru 2024.
Autant de speechs plus insipides les uns que les autres pour nous exposer par A+B les bénéfices d'un bachelor en marketing et communication. Ne pas oublier non plus de mentionner sa passion pour le tennis et l'aquarelle, ainsi que l'indispensable amour du cheval (mais comme ce concours n'arrête pas d'évoluer, il y a en aujourd'hui qui osent préférer la Formule-1 à l’équitation).
Mais attention! La vie n'est pas que «générosité», «positivité» et «amour infini du prochain». Chaque Miss traverse aussi des épreuves. Pour s'attirer les faveurs du jury, libre à chacune d'évoquer son endométriose, sa grand-mère morte à l'âge de 98 ans (un «choc»), son petit frère qui a chopé le rhume la semaine passée, son Spitz nain disparu prématurément ou les longues années de harcèlement scolaire parce qu'on était trop jolie - mais toujours avec le sourire, s'il vous plaît.
Sur le CV comme sur le physique, c'est plat. Malgré l'assouplissement des critères de sélection (depuis l'an dernier, les vieilles de plus de 25 ans et les mères de famille peuvent tenter leur chance), nos candidates semblent être passées par la photocopieuse. Bah, il y aura toujours celle qui ressemble à un cheval avec ses gencives proéminentes, celle avec un front plus large que les hanches et celle avec un nez légèrement crochu, mais pas vraiment de surprise.
Sachez aussi que, peu importe si votre nom de famille est «Lacharme», «Dutitre» ou «Modestine»: ça ne vous empêchera pas de vous qualifier pour tenter de remporter le titre de plus belle femme de France.
Le concours Miss France, c'est aussi la démonstration, année après année, qu'on peut être une «femme dans toute sa diversité». Devenir un poulpe, un soucoupe volante, une lampe de chevet, voire même une table. Si si, une table. Miss Lorraine se souviendra certainement longtemps de cette expérience.
Malheureusement, depuis que le concours clame qu'il est féministe et progressiste, les maillots de bain une pièce sur le podium sont bannis. Impossible de savoir si l'une des Miss a deux nombrils. Faute de quoi, on commence à bâiller, pendant que Jean-Pierre intime gentiment aux 15 demoiselles non-sélectionnées d'aller chialer en coulisses.
C'est le moment d'hommage bien obligé à Geneviève de Fontenay. La fondatrice du concours, en litige avec la société Miss France depuis les soixante dernières années au moins, nous a quitté cette année dans sa 90e année.
D'ailleurs, selon son ex-bras droit dans Ciné-Télé-Revue, un peu plus tôt cette semaine, cet hommage faussement larmoyant équivaut à «un couteau planté dans le dos de Geneviève».
Un peu comme nous, à minuit, quand nos yeux commencent à piquer et que le lit nous fait de l'oeil. A défaut de pouvoir nous réveiller en lorgnant les plaques de choc des Miss, ce débordement de bienveillance, tolérance et amour universel nous plombe comme un shot de sirop pour la toux. Où sont les escarpins tranchants, les paillettes et les larmes?
Enfin, à 00h40, Jean-Pierre met fin à l'insoutenable suspens. C’est Miss Nord-Pas-de-Calais qui devient la première Miss France de l'Histoire du concours à porter les cheveux courts (ce qu'elle a tenu à nous rappeler au moins dix fois durant la soirée) et à rafler l'écharpe au nez et aux cheveux de ses concurrentes. Et, coup de bol, le diadème tient parfaitement sur sa tête.
Déçu? Nous, qui rêvions d'une blonde aux fausses allures de Barbie, oui, un peu. Mais certainement pas autant que cette pauvre Geneviève, qui doit avoir fini de ronger son chapeau et de s'arracher les dernières touffes depuis 21h13 au moins.
A l’année prochaine!