Si la coutume veut qu'en avril, on ne se découvre pas d'un fil, il n'empêche que les deux mois qui nous séparent de l'été ont de quoi mettre la pression à tous ceux qui travaillent leur summer body. Les injonctions étant ce qu'elles sont, nombre de magazines et d'influenceurs vont chercher à vous vendre mille et un régimes et autres méthodes divines afin de perdre du poids.
Le dernier à avoir la cote, c'est le jeûne intermittent. A la différence du régime qui consiste à supprimer ou réduire une partie de son alimentation, il s'agit de se priver de nourriture durant une période donnée. Ainsi, par intermittence, on alterne les phases de jeûne et de consommation alimentaire normale.
«Mais alors Jamy, comment ça marche?» Eh bien, c'est très simple. Pour en savoir plus, j'ai demandé conseil à une experte: Géraldine Bagnoud, spécialiste de l'alimentation au Chuv, afin de démystifier cette pratique pour laquelle on entend tout et son contraire.
Première chose, il est important de dissocier le jeûne d'un régime. Le régime, dans le but de perdre du poids, consiste à diminuer son apport en calories durant une période donnée. Cette privation temporaire amène souvent ses adeptes à tomber dans un cercle vicieux où la satisfaction des débuts fait place à la frustration, au grignotage et peut même entraîner des TCA (troubles du comportement alimentaire) ou pousser à l'orthorexie, une volonté obsessionnelle d’ingérer une nourriture saine et le rejet systématique des aliments perçus comme malsains.
L'humain étant une créature routinière, à l'instar des chats, il faut voir le principe d'une alimentation saine et mesurée davantage comme un lifestyle. Un mode de vie où il est préférable de se construire des habitudes alimentaires qu'une restriction temporaire, en somme. Car manger équilibré avec un maximum de produits non transformés, écouter sa satiété qui s'améliore en prenant le temps de mâcher et de boire suffisamment, apportera des résultats. C'est ce qu'on appelle le rééquilibrage alimentaire.
Le jeûne, lui, est une période prolongée de repos pour l'estomac. Durant l'évolution, l'humain a connu de nombreuses fluctuations d’apport de nourriture. En conséquence, le corps a développé une réponse physiologique au manque en puisant dans ses propres réserves. Le jeûne se pratique depuis l'aube de nos civilisations, puisqu'il fait partie intégrante de la pratique de certaines religions, renommé pour l'occasion en Carême, Ramadan ou Kippour.
Le paradoxe de notre époque veut que nous disposions de nourriture en abondance, et à n'importe quel moment de la journée. Cependant, un corps alimenté en permanence n’a pas besoin d’aller puiser dans ses réserves et notre organisme n’a pas besoin d’être alimenté en continu.
Revenons donc au jeûne intermittent, ou fasting. Ces termes désignent une manière de s'alimenter où on alterne entre des périodes de prise alimentaire et des périodes de jeûne. Le principe: 16 heures de jeûne, suivies d'une fenêtre de 8 heures pour manger. En imposant de longues pauses entre les repas, l’organisme va puiser dans ses réserves. Il faut toutefois s'attendre à un temps d'adaptation durant lequel le corps subit fringales, coups de pompe et sautes d'humeur.
Durant la fenêtre de 8 heures, libre à chacun de se nourrir comme d'habitude, bien qu'une alimentation équilibrée soit évidemment recommandée. Selon le rythme de chacun, il faut donc choisir de se passer du petit-déjeuner ou du souper. Durant les 16 heures de jeûne (sommeil compris), on renonce à toute alimentation solide et aux boissons riches en calories. Si on est du genre à jeûner le matin, mais qu'on est exécrable sans sa dose de caféine, sachez que le café (sans lait) est possible durant le jeûne.
Chez les stars qui le pratiquent, on peut trouver Adele, Jennifer Aniston, Nicole Kidman, Chris Martin ou encore Hugh Jackman. Il existe également une alternative, le jeûne 5:2. Dans cette version, on se nourrit normalement pendant cinq jours, puis on restreint son apport calorique les deux jours restants, à 500 calories pour les femmes et 600 pour les hommes.
L'animateur de télévision américain Jimmy Kimmel vante les bienfaits de cette technique qui lui aurait permis de perdre plus de 10 kg. Jennifer Lopez l'utilise aussi pour garder sa célèbre silhouette de quinquagénaire que lui envient les trentenaires.
Sur le papier, les bienfaits du jeûne intermittent sont vendeurs. Les études ont montré une légère perte de poids, une diminution du taux de sucre et de la pression artérielle chez certaines personnes. Des études sur la recherche animale ont également montré une extension de la longévité.
Cependant, une étude sino-américaine récente est venue écorner l'image pieuse de jeûne intermittent. L'étude a été présentée à un congrès de l’American Heart Association, une des plus grandes sociétés de cardiologues au monde. Selon les chercheurs, cette pratique augmenterait fortement le risque de maladies cardiovasculaires sur le long terme.
Les scientifiques chinois ont utilisé les données d’une étude américaine basée sur 20 000 adultes de 48 ans, en moyenne, sur huit ans. Les résultats montrent que les participants qui ont adopté le régime 16:8 risquent près de deux fois plus de mourir d’une maladie cardiovasculaire.
Cependant, ce résultat a vite été décrié par un groupe de 34 chercheurs internationaux qui travaillent sur le jeûne intermittent. Selon eux, ces résultats sont discutables, puisqu'ils n’ont pas fait l’objet d’une évaluation par d'autres experts du domaine. L'étude ne tient pas compte de l'ethnie et de l'hygiène de vie des participants. En effet, les statistiques montrent que la moitié des Américains souffrent de maladies cardiovasculaires.
Pratiquer le jeûne intermittent n'est pas un totem d'immunité face à la malbouffe, la viande rouge, l'alcool et le tabac. De plus, il n'est pas conseillé à tout le monde. Les personnes ayant un rapport compliqué avec la nourriture devraient en priorité adopter une alimentation équilibrée, pratiquer une activité physique qui leur fait plaisir et, si besoin, se faire suivre par des professionnels. La première étape pour retrouver une silhouette, c'est de penser à son bien-être.