«Vous savez où vous étiez le jour où je l'ai lancé.» Cette phrase, c'est Beyoncé elle-même qui l'a chantée en 2014 dans son morceau Feeling Myself. Une année après avoir sorti son album surprise, Beyoncé, le 13 décembre 2013.
Elle avait raison. Je me souviens m'être ruée sur iTunes dans les heures qui ont suivi le lancement, seule plateforme sur laquelle l'album était disponible à l'époque. 14 chansons iconiques, accompagnées de clips réalisés à la perfection où Queen B était plus badass que jamais.
Pour ne citer qu'un exemple, les premières secondes de la vidéo du tube Drunk in Love. Le bord de mer. Les vagues. La nuit. Et puis, ces quelques notes qui donnent des frissons, aujourd'hui encore, et qui précèdent l'apparition divine de Beyoncé, toute de noir vêtue, maillot de bain apparent et cheveux au carré. Cultissime.
Mais pourquoi est-ce que le lancement de l'album Beyoncé a-t-il été révolutionnaire?
Venez, on vous explique!
Beyoncé a stupéfié le monde entier en sortant cet album qui n'avait pas été annoncé. Elle n'a pas communiqué en amont, contrairement à ce qui se faisait habituellement:
Une stratégie inédite qui a retourné et changé l'industrie musicale, rappelle MTV, et qui a été étudiée au sein de la prestigieuse université d'Harvard, aux Etats-Unis. En effet, comme analyse le journaliste musical Danyel Smith dans le média américain Vulture:
Beyoncé n'est pas la première artiste a avoir coupé l'arbre sous le pied des intermédiaires. D'autres avant elle, à plus petite échelle, diffusaient déjà leur musique sur des plateformes comme MySpace ou Soundcloud. Mais avec l'influence de la chanteuse, ce procédé a pris une dimension jamais observée auparavant.
En agissant de la sorte, Beyoncé a défié une autre norme majeure de la sortie d'un album: l'attente. En effet, le public était plutôt habitué à des cycles promotionnels «qui trainaient en longueur et qui nécessitaient plusieurs singles avant de prendre suffisamment d'ampleur pour obtenir une date de sortie», souligne le Time.
Puisqu'on parle de date de sortie, Beyoncé a été lancé un vendredi et non un mardi, comme de coutume. Conséquence? En 2015, l'industrie a décidé de faire du vendredi le jour de sortie globale des nouveaux albums.
Mais il ne suffit pas uniquement de faire comme on veut, quand on veut. Encore faut-il assurer la promotion de son travail. Un jeu d'enfant lorsqu'on s'appelle Beyoncé et qu'on pèse plusieurs millions de dollars (800 millions en 2023 selon les estimations de Forbes).
Ni une, ni deux, Queen B prend contact avec Facebook et Instagram – rien que ça – pour leur demander de donner un «big push» aux vidéos promotionnelles qu'elle s'apprête à publier. Exit les communiqués de presse: il y a 10 ans, Beyoncé a su déceler l'impact que pouvait avoir la communication sur les réseaux sociaux.
Aujourd'hui, les réseaux sociaux sont le principal support de promotion des artistes, celui sur lequel la majorité d'entre eux annoncent la sortie de leurs projets. Et pour cause: comme la chanteuse l'expliquait à l'époque, ils permettent de privilégier un lien direct entre un artiste et ses fans.
La dernière révolution est la création d'un album visuel. «En raison de restrictions budgétaires (...), les artistes avaient souvent tendance à choisir les chansons qui avaient le plus de succès commercial pour créer ensuite des vidéos», explique Forbes.
Beyoncé a pourtant décidé d'accompagner chacune de ses 14 chansons d'un clip, créant ainsi un véritable récit. Un choix qu'elle a justifié sur YouTube:
Beyoncé est l'album qui s'est vendu le plus rapidement sur iTunes. Il est devenu presque instantanément numéro 1 dans plus d'une centaine de pays. Dans les 12 heures qui ont suivi sa sortie, 1,2 million de tweets ont été recensés; jusqu'alors, aucun artiste n'avait réalisé un tel exploit, et d'une telle ampleur.
D'autres chanteurs ont par la suite sorti leur album par surprise, comme Drake, Frank Ocean ou Taylor Swift. Mais personne n'a réussi à reproduire ce que Beyoncé a accompli il y a 10 ans: transformer un lancement en «un véritable phénomène culturel».