C'est une soirée de semaine qu'on a tous vécue, ou presque. Se glisser confortablement sous la couette, dégainer son ordinateur ou son iPhone, naviguer cinq minutes pour trouver le bon film X, puis s'offrir un moment de plaisir solitaire... avant de sombrer dans un sommeil serein et profond. «C'est presque un réflexe», confirme Miguel, 34 ans, adepte du métro-porno-dodo. «Le porno est un moyen d'assouvir une pulsion facilement et presque immédiatement.»
«J'utilise la masturbation comme somnifère», témoigne David, 28 ans, autre pratiquant régulier. «Alors, ça ne m'aide pas à dormir, mais à m'endormir. Ça me relaxe complètement et me vide l'esprit».
C'est un fait: nous autres, humains modernes, sommes des créatures stressées, soumises à des pressions quotidiennes et constantes. Outre le fait d'être plaisant, le sexe a aussi son utilité dans la vie de tous les jours: «C'est une "décharge" aussi bien physique qu'émotionnelle», nous confirme la psychiatre et sexologue Amélie Andreani Jardot.
Le besoin de se masturber pour se détendre et s'endormir n'est pas un réflexe réservé aux adultes et remonterait à notre prime et tendre jeunesse, selon la spécialiste. «Beaucoup d’enfants, dès l'âge de quatre ou cinq ans, utilisent la masturbation pour réguler leurs anxiétés de la journée, même si la plupart ne s’en souviennent plus.»
En ce qui concerne les plus jeunes, rien d'érotique dans cette pratique: «C'est purement physique. Les enfants ont appris que si on se donne du plaisir dans ces zones, on peut décharger quelque chose. Mais on ne peut pas apparenter cela à un orgasme», précise la doctoresse Andreani Jardot. «Pour un orgasme, un vrai, les études démontrent qu'il faut être adulte».
Outre contribuer à notre santé mentale et physique, la sexualité aurait des effets bénéfiques sur notre endormissement, selon plusieurs études menées ces dernières années. Un constat partagé par notre spécialiste:
Le résultat d'un merveilleux cocktail d'hormones: parmi lesquelles endorphines (les hormones «de l'effort», qui permettent au corps de se relâcher), dopamine (l'hormone de la récompense), ocytine (l'hormone associée à une meilleure qualité de vie) et cortisol (qui permet de réduire le stress).
Pour s'exciter, difficile de trouver plus rapide et efficace qu'un porno. «C'est utile quand je n'ai pas d'imagination», admet David. «Mais j'ai l'impression que je passe plus de temps à trouver quelque chose que j'aime, qu'à aimer ce que j'ai trouvé».
«Les images et les films X sont un moyen redoutablement efficace pour exciter rapidement notre cerveau très paresseux», confirme la Dresse Andreani Jardot. Un peu «trop» efficace, justement? «Quand on se donne du plaisir, dans l'idéal, il faudrait prendre son temps. Non pas provoquer une décharge d'endorphines en une minute, juste pour s'endormir».
Le risque d'une branlette vite-fait bien-fait? Un orgasme un peu «moyen»... qui risque d'être contre-productif: «Quand l'excitation n’est pas tout à fait déchargée, le cerveau s’allume et nous maintient dans un état d’excitation qui nous empêche de dormir», explique la psychiatre.
«Si j'y passe trop de temps, par exemple en cherchant une scène particulière (c'est facile d'y perdre son temps en visionnant des images pendant plus de 30 minutes), je peux avoir de la peine à m'endormir», précise Rocco*, 34 ans.
«Le problème, c'est que le porno "flegmatise" un peu nos passions», avertit également Amélie Andreani Jardot.
Sans compter les conséquences extrêmement néfastes que le porno peut avoir sur les plus jeunes consommateurs. «De nombreux jeunes patients viennent me voir pour me dire que leur partenaire les excite moins qu'un film, ou simplement qu'ils ne peuvent plus se passer du porno pour avoir une érection».
Comment pallier le risque d'un orgasme trop facile? «Plutôt que d'avoir recours systématiquement au porno, essayez de rentrer dans un fantasme, une histoire», suggère la sexologue. «Pour ceux qui sont en couple, appelez votre partenaire au téléphone, parlez-lui à l’oreille...».
«Et pour ceux qui ont recours au "sexe défoulatoire", il serait bien d'élargir la notion de plaisir et d'utilité de la sexualité», ajoute Amélie Andreani Jardot. «A la place d'utiliser le sexe comme une décharge un peu "moyenne" de lutte contre l’insomnie, pourquoi ne pas mettre en place quelque chose de plus satisfaisant en termes de qualité et de quantité?».
Et pour les célibataires? «Un porno, pourquoi pas... Attention seulement à ne pas tomber dans l’addiction!».
*prénom d'emprunt