Depuis qu'Annie Ernaux lui a volé la vedette pour le Nobel de littérature, Michel Houellebecq est-il en quête d'une reconversion professionnelle plus charnelle? Pas sûr. Car son apparition surprise dans un petit film d'un genre proprement indéfini (soyons honnêtes), cache des velléités artistiques, sinon controversées.
C'est en tout cas l'ADN du collectif responsable de la présence de l'écrivain français le plus traduit au monde dans un court-métrage que l'on est en droit de présenter comme pornographique.
KIRAC (Keeping It Real Art Critics) est un gang de cinéastes hollandais qui aime choquer le bourgeois dès le petit-déjeuner, en poussant le bouchon très loin. A sa tête, Stefan Ruitenbeek et Kate Sinha. Et leur slogan est beaucoup trop lisse pour réussir à les définir: «KIRAC est à la recherche de l'amour, sous la forme de la vérité».
En réalité, une fois sur leur site officiel, on découvre une grosse vingtaine de courts-métrages labellisés «Episodes», régulièrement déprogrammés de vernissages à la dernière minute, la plupart déroulant leurs propos sous la forme du documentaire. Le collectif hollandais piétine gaiement la bienséance, à grandes rasades d'artefacts militants qui ne seront jamais au goût de tous (ils n’aiment pas beaucoup la cancel culture). Et Michel Houellebecq dans tout ça?
Figurez-vous que l'écrivain est le personnage principal du «27e Episodes». La voix-off de la bande-annonce nous donne deux ou trois indices. On entend par exemple que la lune de miel de Houellebecq au Maroc, avec une poignée de prostituées, avait été annulée au dernier moment «à cause d'une menace terroriste».
Le court-métrage ne sera disponible que le 11 mars prochain (dans un cinéma indépendant d'Amsterdam et en ligne). Mais nous avons déjà le pitch: une «étudiante» hollandaise compte bien consoler Houellebecq après sa lune de miel avortée par des terroristes.
Pour vous donner une idée de l'ambiance qui se trame dans cette petite minute de mise en bouche, on y découvre la femme du réalisateur, enceinte jusqu'au yeux, puis à l'hôpital en plein accouchement et enfin... Michel Houellebecq sous un draps, réjoui, à moitié à poil, avec un patch à la nicotine sur le poumon.
Selon la voix-off, l'intellectuel français et le réalisateur ont échangé quelques mots par e-mail, avant que ce dernier lui rappelle qu'Amsterdam n'est pas en reste niveau sexe tarifé. Ni une, ni deux, on suit Houellebecq qui grimpe dans un train, direction la capitale de l'amour pas gratuit. Même si l'atmosphère générale semble bon enfant (rires et anecdotes s'entrechoquent à mesure que la fille se déshabille), le tout est, au mieux, foutrement étrange.
Elle se fait appeler Jini Jane, se présente comme une étudiante hollandaise de 23 ans et de gauche. Une enquête de quelques secondes permet de découvrir que Jini n'est jamais très habillée. Sur Twitter, Instagram et OnlyFans, des photos et des vidéos très suggestives, mais aussi un petit selfie avec notre homme, en guise de souvenir.
Dans un «Episode» précédent, publié en 2021, Jini Jane annonce qu'elle veut coucher avec le jeune philosophe hollandais ultaconservateur Sid Lukkassené. Un piège afin d'humilier celui qui pensait simplement profiter d'un date avec une «jeune étudiante». De l'art. (Rappelez-vous le slogan du collectif.)
Un média hollandais s'était déjà penché sur les fomentations du collectif KIRAC, partagé par le journal Marianne. Le moins que l'on puisse dire, c'est que son opinion est sans équivoque: «Sans exception, tous ceux qui participent, sollicités ou non, à un film du collectif s'en tireront mal. Mais quiconque est ensuite choqué par cela tombe dans la catégorie des bourgeois».
Dans quoi Houellebecq s'est-il fourré?