Elle incarnait la petite Américaine parfaite. Avant de devenir l'incarnation du mal selon l'Eglise. Une gentille fille du Michigan, avec des origines italiennes, canadiennes et françaises, peu sûre d'elle, douée à l'école, orpheline de sa mère et qui rêve de devenir danseuse ou bonne sœur. Madonna Louise Ciccone, la jeune pom-pom girl à l'éducation catholique, a finalement préféré danser devant des croix en feu. Au sens propre et figuré. On y reviendra.
Après avoir été une fille modèle, la jeune femme de 20 ans quitte Bay City et son Michigan natal pour New York. Son père lui coupe les vivres, elle s'enfuit avec 35 dollars en poche. Celle qui cumule les petits boulots de serveuse, danseuse ou modèle de nu en parallèle de son école de danse avouera que son rêve américain dans la Grande Pomme n'aura pas été aussi idyllique que prévu.
Mais la jeune femme y croit, elle travaillera dans l'industrie artistique d'une manière ou d'une autre. Celle qui sait jouer du piano abandonne la danse, se met à la batterie, chante dans un groupe et apprend la guitare.
À la fin des années 1970, elle enchaîne les auditions, s'installe quelques mois en France, revient aux Etats-Unis, joue dans des clubs et finit par se faire repérer. En 1982, elle sort un premier 45 tours, qui connaîtra un certain succès dans les discos américaines, puis son premier album l'année suivante, intitulé simplement Madonna, qui contient les tubes Lucky Star, Holiday et Borderline. C'est le début de la gloire: l'album se vendra à 10 millions d’exemplaires à travers le monde.
Les influences religieuses font partie intégrante de la carrière de la Madone. À la sauce Madonna, puisqu'elles sont accompagnées de références et de provocations ouvertement sexuelles. La star annonce la couleur avec son tube Like a Virgin, en 1984, dont les paroles sont particulièrement ambiguës. Sa performance lors des MTV Video Music Awards, durant laquelle l'artiste, seule sur scène dans une robe de mariée agrémentée d'une ceinture «Toy Boy», donnant des coups de bassin, marque les esprits de l'Amérique puritaine. Et même au-delà.
Suit la sortie du single Material Girl, dans lequel Madonna clame vouloir une vie faite de richesse plutôt que de romantisme. Deux chansons qui, selon la critique, propulse la star au rang d'icône.
Elle construit sa carrière musicale en même temps que son image sulfureuse. Quand ça n'est pas à travers les paroles de ses chansons, c'est dans ses clips et ses looks qu'elle donne du grain à moudre à ses détracteurs. Dans la vidéo du tube Like A Prayer, en 1989, Madonna danse devant des croix en feu et embrasse un Saint noir dans une ambiance ségrégationniste du Sud des États-Unis. Un scandale qui pousse l'Eglise à appeler au boycott de la star, mais également de Pepsi, avec qui la chanteuse a signé un contrat de 5 millions de dollars. La marque finit par craquer et rompre le contrat.
Les critiques participent à la renommée de la sulfureuse star. Au début des années 1990, elle se lance dans une tournée mondiale que le magazine Rolling Stone qualifiera en 2017 de «référence pour tout concert pop». Mais le show n'est pas au goût de tous. Notamment à Toronto, où elle fait face à une tentative d'arrestation par la police après avoir simulé s'être masturbée sur scène lors des dates précédentes, une anecdote racontée dans le documentaire Truth or Dare (aussi connu sous le nom de In Bed with Madonna) sorti en 1991. La réponse de la star, lorsque le bureau du procureur lui demande de ne plus reproduire la masturbation sur scène?
(*En français: «je ne change pas mon putain de spectacle»)
Elle a tout de même changé l'intro de son show, pour y apporter une précision: Madonna a débuté par une sorte de prière, clamant «Cher Seigneur, c'est notre dernière nuit dans l'État fasciste de Toronto».
Il n'y a pas que dans l'Amérique puritaine ou à Toronto que les agissements de la Madone choquent. En Italie, le porte-parole du vicariat de Rome la juge «hérétique et irrespectueuse». Le ministre italien de l'Instruction publique de l'époque, Sergio Mattarella, lui, parle d'une «offense au bon goût». Le 2 juillet 1990, des groupes catholiques romains qualifient le concert de «blasphématoire et débordant de vulgarité en raison des thèmes sexuels et religieux controversés» et projettent d'annuler ses représentations du Blond Ambition Tour à Rome et à Turin. Quelques jours plus tard, Madonna prononce un discours:
Malgré la controverse, la captation du concert (filmé à Nice) lui vaudra son premier Grammy Award en 1992. Cette même année, la Madone sort l’album Erotica et le livre SEX où elle se met à nu dans le sens propre du terme à travers toute une collection de photos. Les scandales n'arrêtent pas la star, qui semble au contraire s'en nourrir.
Un autre épisode marque les esprits les plus conservateurs: le célèbre baiser entre Madonna et Britney Spears, en 2003, en direct sur la scène des MTV Video Music Awards (elle embrasse également Christina Aguilera, mais les réalisateurs, à ce moment-là, préfèrent montrer le visage de Justin Timberlake, avec qui Britney vient de rompre). Le fameux baiser fait, encore aujourd'hui, partie de la pop culture. L'image est même devenue un NFT en 2021.
A Coachella en 2015, Madonna remet ça et embrasse cette fois le rappeur Drake sur scène, choquant une partie du public. Elle fera taire ses détracteurs en leur répondant sur Instagram:
(En français: «si tu ne m’aimes pas mais que tu continues de regarder ce que je fais, tu es un fan, bitch»)
L'art, sous toutes ses formes, est au centre de la vie de la star. Après avoir rêvé, plus jeune, d'être danseuse, elle s'est lancée dans la musique, mais aussi dans le cinéma. Avec un succès - doux euphémisme - plus discret. Sa participation au film Recherche Susan désespérément, en 1985, lui permet d'acquérir brièvement une certaine notoriété en tant qu'actrice. Depuis, ses films n'ont pas trouvé leur public et ont été assez mal accueillis par la critique.
Outre un livre de photos où la star pose nue, elle s'illustre aussi dans d'autres formes d'art. Notamment en 2021, lorsqu'elle «accouche» au sens propre de NFTs de son vagin, qu'elle qualifiera de chefs-d’œuvre.
Malgré son éducation catholique, Madonna ne trouve pas les réponses à ses questions existentielles dans la religion de ses ancêtres. Une quête de spiritualité qui la pousse à s'intéresser au bouddhisme, au Taoïsme, puis à la Kabbale (un courant minoritaire du judaïsme) qui, selon elle, lui permet de trouver des réponses.
Son rapprochement de la Kabbale, à la fin des années 1990, soulève des questions. Ce courant est en effet considéré comme sectaire par certaines organisations. Mais après une quinzaine d'années, Madonna claque la porte de l'organisation religieuse en raison d'un scandale humanitaire: la fondation Raising Malawi, qu'elle copréside, ne construira finalement pas l'école pour filles promise. Le FBI enquête sur l'ONG, car une partie des 18 millions de dollars collectés pour la construction de l'école aurait été détournée par le Centre de la Kabbale, à Los Angeles. Madonna se serait aussi rapprochée des voies de l’Opus Dei au début des années 2010. Plus récemment, elle a interpelé le Pape sur Twitter car elle a «des choses importantes» à discuter avec lui.
Hello @Pontifex Francis —I’m a good Catholic. I Swear! I mean I don’t Swear! Its been a few decades since my last confession. Would it be possible to meet up one day to discuss some important matters ?
— Madonna (@Madonna) May 5, 2022
I’ve been ex communicated 3 times. It doesn’t seem fair. Sincerely Madonna
(En français: «Bonjour, Pape François - Je suis une bonne catholique. Je jure! Je veux dire, je ne jure pas! Ma dernière confession remonte à quelques décennies. Serait-il possible de se rencontrer un jour pour discuter de certains sujets importants? J'ai été ex-communiquée 3 fois. Cela me semble injuste. Sincèrement, Madonna»)
La vie privée de Madonna, ouvertement bisexuelle, est scrutée et fait l'objet de nombreuses rumeurs. On lui prêtera notamment une relation avec Prince, et avec Michael Jackson. Après avoir été mariée avec Sean Penn entre 1985 et 1989, elle fréquente, dans les années 1990, le rappeur 2Pac, l'actrice Ingrid Casares, la mannequin Jenny Shimizu avant de donner naissance, le 4 octobre 1996, à sa fille Lourdes, qu'elle a eue avec le coach sportif et acteur cubain Carlos Leon.
Le 11 août 2000, elle accouche d'un garçon, Rocco Ritchie, né de son union avec Guy Ritchie. Elle adopte en 2006 un garçon, David Banda, né le 24 septembre 2005, puis trois filles. Mercy James, née le 22 janvier 2006, rejoint la famille en 2009. Madonna adopte en 2017 les jumelles Esther et Stella, nées fin août 2013. L'adoption du petit David valent des critiques à la star, accusée d'avoir obtenu des passe-droits.
Madonna est aussi une star engagée. Elle se bat notamment pour les femmes, contre le changement climatique, contre le racisme ou encore pour les droits des personnes LGBT+. Ouvertement contre la politique de George W. Bush, elle tourne, en 2003, le clip d'American Life, dans lequel elle devait initialement participer à un défilé de mode sur le thème de la guerre. Les scènes présentent des enfants effrayés et ensanglantés, des gens en feu, des tripes et des bombardements, dans une ambiance anti-guerre.
Mais le conflit en Irak vient de débuter, et c'est finalement une version «soft» du clip qui est publiée à cette époque. La version originale sort 20 ans plus tard, en avril 2023, dans un esprit toujours tristement actuel.
Aujourd'hui, la star est remontée sur scène, après des années de pause, notamment à cause de la pandémie. Une tournée intitulée The Celebration Tour, célébrant ses 40 ans de carrière, qui avait dû être décalée en raison d'une grave infection bactérienne qui a touché la star l'an dernier. Madonna est revenue sur cet épisode sur Instagram, dans une publication du 4 juillet, à l'occasion de la fête nationale américaine.
Après 80 concerts à travers l'Europe, l'Amérique du Nord et le Mexique, la tournée s'est achevée à Rio de Janeiro, au Brésil, en mai dernier. Madonna y a débarqué avec trois avions et 270 tonnes de matériel. Ce concert, gratuit, restera comme le plus grand show de sa carrière, sur une gigantesque scène de plus de 800 mètres carrés.
Selon plusieurs sources, les spectateurs étaient plus d'un million sur la plage de Copacabana, sans compter la nuée de bateaux qui s'étaient approchés de la rive pour profiter du spectacle.