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Tutrice d'enfants de milliardaires, Sarah Thomas se confie

Son travail consiste à préparer les enfants des super riches aux examens d'entrée des écoles d'élite britanniques. Elle les suit partout, de leurs vacances sur un superyacht à Miami, au chalet de ski  ...
Son travail consiste à préparer les enfants des super riches aux examens d'entrée des écoles d'élite britanniques. Elle les suit partout, de leurs vacances sur un superyacht à Miami, au chalet de ski à Courchevel.image: keystone
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«Ils ne disaient pas bonjour»: coach de gosses de riches, elle raconte

Sarah Thomas, 39 ans, a un job peu commun: depuis plus de 10 ans, elle voyage à travers le monde pour donner des cours aux enfants de milliardaires. Alors qu'elle s'apprête à publier un roman sur son expérience, Queen K, la Britannique s'est confiée au quotidien Times. Résumé du job en punchlines.
11.02.2023, 16:1210.08.2023, 17:08
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En tant que tutrice, quels liens Sarah Thomas entretient-elle avec les familles de super-riches?

«Parfois, je mangeais à table avec eux»

Wow!
Et le reste du temps?

«Certains ne regardaient même pas dans ma direction, ou ne me reconnaissaient pas»

Dur.

«Pas même un "bonjour"»

Eh ben!

«C'est comme être totalement invisible»

Au moins, c'est une position privilégiée pour observer les milliardaires...

«Personne ne vous prête attention, vous pouvez vraiment les regarder. Ils n'ont aucune conscience d'eux-mêmes devant vous»

Par exemple?

«J'ai été témoin de crises de famille, des trucs vraiment personnels entre le mari, la femme et les enfants»

Chaud... Qu'en a-t-elle pensé?

«J'ai pensé: 'Vous n'êtes pas un peu gênés de faire ça devant moi?'»

Manifestement, pas trop.

«Bien sûr, ils ne s'en soucient pas. Ils ne le feraient probablement pas devant un ami, mais je suis dans une catégorie différente»

C'est-à-dire?

«Être tuteur est un poste intéressant, car on est dans ce léger flou entre la famille et le reste du personnel»

Comment ça, flou?

«Sur un superyacht appartenant à des Russes, par exemple, j'avais une cabine d'invités, alors que le personnel dormait dans les quartiers du personnel. Mais je mangeais avec le personnel, pas avec la famille»

C'est curieux. Pourquoi?

«Je ne veux pas faire de généralisation à propos des Russes, mais certains de ceux pour qui j'ai travaillé faisaient une distinction plus rigide entre la famille et le personnel»

Sarah Thomas a-t-elle un exemple?

«La mère a dit: 'S'il vous plaît, quand vous ne donnez pas de cours, restez dans votre chambre ou quittez la propriété, parce que nous sommes en vacances en famille'»

Rude.

«Dans la maison de vacances en Toscane, il y avait une cour et des balcons à l'extérieur des chambres. Mais elle a même dit: 'Ne vous asseyez pas sur les chaises devant votre chambre, car je pourrais vouloir m'asseoir dessus'»

Scandaleux!

«Elle ne m'a même pas laissé utiliser la machine à laver»

C'est un outrage.

«J'ai pensé à arrêter, parce que c'était tellement scandaleux»

On la comprend. Mais...

«L'argent que j'allais gagner dans trois semaines m'aurait permis de continuer pendant quelques mois»

Donc?

«J'ai continué»

Ah, la vie de prof. Au fait, combien gagne-t-elle?

«Le salaire est d'environ 800 livres par semaine, si je vis avec un client»
(Soit environ 900 CHF).

Ah ouais, ce n'est pas énorme non plus. Il y a d'autres avantages?

«Se lever tôt et prendre un café sur l'un des trois ponts d'un immense superyacht, avant que la famille n'arrive»

Parlons des enfants des super-riches. Comment sont-ils?

«Parfois, ils disaient des choses incroyables»

Par exemple?

«La fille adolescente d'une famille riche m'a dit: 'Je ne sortirai jamais avec un gars s'il n'a pas de penthouse'»

Belle devise. Autre exemple?

«Une autre fois, elle a dit: 'Je sais que je vais être triste dans la vie, mais je préfère être triste sur un yacht de 50 mètres que dans un appartement de merde'»

Décidément, un grand esprit cette jeune fille! Quel âge avait-elle?

«13 ans environ. C'était vraiment obsédant. Si sombre»

Ben oui, ces bulles de luxe extrême, ça peut créer du vide et des frustrations...

«Si votre vie est dépourvue de toute sorte de souci matériel, et qu'il n'y a pas d'écart dans ce que vous pouvez et ne pouvez pas faire...»

Continuez...

«Il y a cet immense espace pour que les névroses fleurissent»

C'est triste, en effet.

«Comme des orchidées dans une serre, dans des formes fantastiques»

Belle métaphore, professeur. Du coup, comment ils s'en sortent, les riches?

«Les lacunes de leur vie sont comblées par des escortes, des compagnons embauchés»

Décidément, on les plaint! Les tuteurs font partie de ces escortes?

«Beaucoup d'entre eux dépendent assez fortement de diseurs de bonne aventure, d'astrologues, d'acupuncteurs, de tarologues, de coiffeurs»

De coiffeurs?

«Bref, des gens qui peuvent leur parler d'eux-mêmes»

Ah, ok. Bon, ça ne vaut pas un psy...

«Ils considèrent ces personnes comme leurs amis, mais ils sont payés pour les sucer. Ce n'est pas égal»

Certes. Sarah a-t-elle une anecdote?

«Un père avait eu son premier diplôme en histoire à Cambridge et, dès mon arrivée, il a participé à une étrange compétition pour savoir qui en savait le plus»

Rolala...

«A la table du dîner familial, il me regardait et, devant tout le monde, commençait à poser des questions»

Relou, le mec.

«Quand j'ai commis une erreur, il a dit: 'Eh bien, c'était assez basique'»

Insupportable.

J'ai pensé: 'Oh my God, fuck off.'
(On vous épargne la traduction)

De manière générale, comment la vie des riches est-elle organisée?

«J'ai pu observer que souvent, tout doit être parfait pour le mari. Le petit-déjeuner est organisé d'une certaine manière. La femme semble superviser la maison et le personnel, afin que tout soit parfait»

Quel ennui. Personne ne se rebelle?

«Un père de famille a un jour exprimé sa frustration à ce sujet. Il a dit qu'il ne supportait pas de voir la façon dont sa fille était élevée»

Comment ça?

«Il ne pouvait pas supporter d'avoir toutes ces personnes autour de lui en permanence. Il était impuissant et n'avait aucun contrôle sur l'éducation de son enfant»

Pauvre homme...

«Je pense que ce type avait l'impression que la maison n'était même pas à lui et qu'il n'avait aucune intimité ni aucun espace»

Elle aussi jouait au psy, parfois?

«Il est arrivé que des personnes qui m'employaient deviennent très confiantes et me racontent des choses très intimes sur leur mariage et leur vie. Il n'y avait aucun enjeu»

Aucun enjeu? Vraiment?

«Ils avaient juste besoin de vider leur sac, presque comme s'ils parlaient à un thérapeute»

Et sinon? Comment vivent ces familles qui mènent une existence itinérante entre leurs différentes maisons à travers le monde?

«Où qu'ils se trouvent, c'est pareil»

Comment ça?

«Même niveau de confort, même température de l'air, même décor, même nourriture, parce qu'ils ont leur propre chef»

Pouah!

«Même les choses sur le lit sont les mêmes»

Par le Ciel!

«Ils ont leur chemin global qu'ils suivent tous et ils n'ont pas beaucoup de loyauté ou de liens avec leur région»

En conclusion?

«Un milliardaire russe a plus en commun avec un milliardaire indien ou un milliardaire américain qu'avec un autre Russe»

A ce point?

«Ces personnes sont dans une catégorie à part qui transcende la géographie»

Comment Sarah Thomas peut-elle dormir en gagnant sa vie auprès de telles familles?

«C'est très compromettant moralement»

On s'en doute.

«Parce que si vous donnez des cours particuliers à ces personnes, vous soutenez le tout»

Comment ça, le «tout»?

«Vous leur donnez encore un autre avantage sur tout le monde, peut-être des places universitaires qu'ils ne méritent pas, que quelqu'un d'autre pourrait avoir»

Du coup, Sarah Thomas se rassure comme elle peut...

«D'une certaine manière [les employeurs] sont des mécènes des arts»

Ah bon. Ce tutorat intensif pose-t-il un autre problème?

«Pour beaucoup de ces enfants de parents aisés, chaque seconde qu'ils ne passent pas à l'école est remplie d'activités enrichissantes»

C'est pas si grave, non?

«Toutes les heures d'ennui quand j'étais enfant étaient assez fructueuses. Vous développez votre propre imagination et vous vous divertissez»

Ah... donc, ces gosses sont trop occupés?

«Je ne sais pas comment ils apprennent l'automotivation ou la proactivité»

C'est vrai que c'est embêtant. Quoi d'autre?

«Et puis, vous les retrouvez des années plus tard, qui ont besoin de tuteurs quand ils sont à l'université»

Pff!

«J'ai l'impression que si vous avez besoin d'un tuteur pour aller à l'université, vous ne devriez pas vraiment vous y trouver»

Cela interroge, en effet.

«Allez-vous avoir un tuteur quand vous serez au travail?»

On se le demande! Un mot de la fin, pour ces pauvres enfants qu'elle a tutorisés?

«Je serais curieuse de savoir comment ils s'en sont sortis par la suite, dans le monde. Ils étaient tellement choyés»

(mbr)

Plus de détails sur le quotidien des super-riches?
Retrouvez le portrait de Sarah Thomas sur le site du Times et son roman, Queen K, aux éditions Serpent's Tail en librairies dès le 16 février.

Et si vous voulez de bons conseils pour gérer votre vie amoureuse...

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