Actuellement, de plus en plus d'États américains utilisent les bibliothèques scolaires comme terrains de lutte. Alors que les progressistes font pression pour que les contenus racistes et sexistes soient retirés, les conservateurs s'attaquent aux livres qui remettent en question la gloire de la nation ou l'ordre des sexes. La dernière opération de nettoyage a toutefois fait une victime surprenante dans l'Utah: la Bible.
Depuis l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi contre le «matériel sensible» à l'école dans l'Etat dominé par les mormons, les autorités peuvent interdire les livres au contenu «choquant» si les parents déposent une plainte. En guise de protestation ironique, certains parents ont déposé une plainte contre la Bible et ont fourni une longue liste de choses choquantes qui s'y trouvent: Viol, masturbation, relations sexuelles orales, fornication avec des animaux, jouets, mutilations génitales et autres.
La plainte, qui n'était pas sérieuse, a toutefois été prise au sérieux et partiellement acceptée: la Bible n'est désormais accessible dans la bibliothèque de l'école qu'à partir du niveau secondaire. Des voix fidèles à la Bible se sont même montrées satisfaites de cette mesure. Il est de toute façon préférable que les enfants plus jeunes apprennent ce livre sous la surveillance de leurs parents. En effet, lorsque Loth, pris de panique, est saoul et endormi par ses filles (Gn 19, 33-36), tandis qu'Onan éjacule par terre parce qu'il ne veut pas avoir d'enfant (Gn 38, 8-9), les jeunes lecteurs auront besoin d'être accompagnés. Sans parler du viol collectif dans le livre des Juges, pour lequel un homme met à disposition sa concubine avant de la démembrer (Ri 19, 22-29).
Aujourd’hui, si les adolescents s'emparent en cachette de ce type de contenu, ils commenceront peut-être par feuilleter le Cantique des cantiques de Salomon, figurant sur la liste avec un nombre élevé de citations. Mais il faut espérer qu'ils ne le liront pas uniquement en regardant le catalogue de mots-clés «pornographiques», qui se résume finalement au mot «seins». Le reste est métaphore ou comparaison: «Comme les jumeaux d'une gazelle, qui paissent au milieu des lis.» (Hld 4, 5)
Non, il faut souhaiter à l'arrière-ban coincé du collège de se laisser entraîner corps et âme dans le sillage de ce tendre dialogue lyrique entre deux amants et d'être suspendu aux lèvres du jeune homme, le cœur battant, lorsqu'il exulte: «Ta croissance ressemble à un palmier / et tes seins à des raisins. / J'ai dit: Je monterai sur le palmier, / je saisirai ses grappes, / et tes seins seront / comme les grappes de la vigne / et le parfum de ton haleine comme des pommes, / et ton palais comme le vin le plus fin». (Hld 7, 8-10) Dans ce soft porn biblique, les jeunes pourraient apprendre des choses, non seulement sur les métaphores florissantes, les euphémismes fruités et autres caresses poétiques, mais en général sur l'art de l'amour comme fête sensuelle et spirituelle.
Ce ne serait pas le pire exemple à donner aux jeunes. Mais l'accompagnement parental ne sera pas le bienvenu à la lecture. (aargauerzeitung.ch)
(Traduit et adapté par Pauline Langel)