Depuis 2020 au Royaume-Uni, des femmes se mobilisent pour briser le tabou autour de la ménopause, en particulier dans le monde du travail. Le phénomène a pris une telle ampleur que le mouvement #makemenopausematter a été créé par trois activistes. Leur pétition, qui vise à rendre cette thématique plus visible au travail, dans la santé et l'éducation, a réuni presque 200 000 signatures. Leur premier succès? Dès 2024, tous les étudiants en médecine recevront une formation sur la ménopause.
Qu'en est-il en Suisse? La Doctoresse Marie Isabelle Streuli, responsable de l’unité de médecine de la reproduction et endocrinologie gynécologique aux Hôpitaux universitaires genevois (HUG), revient sur les symptômes, les traitements et le réel impact de la ménopause sur le quotidien de certaines femmes.
La ménopause est toujours taboue dans notre société. Comment est-ce qu'on se rend compte qu'on entre dans cette période?
En général, les premiers symptômes apparaissent 4 ans avant le début de la ménopause – c'est la période que l'on appelle la «périménopause» – et ils peuvent durer, pour certaines, une dizaine d'années.
C'est long...
Oui, mais leur durée, leur fréquence et leur intensité varient d'une femme à l'autre. 80% d'entre elles les ressentiront, et pour 25 à 30%, ils peuvent être invalidants au quotidien.
Et ils ressemblent à quoi?
Les plus communs sont les bouffées de chaleur, qui commencent au niveau du thorax et remontent jusqu'au cou, et qui entrainent une forte transpiration. Il y a également les sudations nocturnes, qui se caractérisent par un réveil en nage et la sensation du corps très chaud.
Il est toutefois important de rappeler qu'il existe des traitements très efficaces pour réduire les effets.
Ils sont donc uniquement physiques?
Non. Il est également possible de souffrir de baisses de moral, parfois difficiles à différencier d'une dépression. En effet, la période de vie autour de la quarantaine-cinquantaine se caractérise par de gros changements de vie pour les femmes.
Par exemple?
Les parents qui vieillissent et les femmes qui doivent s'occuper d'eux. Ou encore les enfants qui quittent le foyer, entraînant une transition dans le rôle de mère et, pour certaines, une recomposition de la vie de couple. Et puis, il y a également la ménopause dite «sociale».
C'est-à-dire?
Pendant la transition ménopausique, elles perdent leur fertilité, ont des cycles d’abord irréguliers, puis plus de règles du tout avec des symptômes gênants qui apparaissent. C'est un bouleversement qui est difficile à vivre, dont elles ont parfois honte et qu'elles masquent. C'est d'ailleurs également une problématique sur le lieu de travail. Elles peuvent avoir l'impression que tout le monde voit qu'elles ont des bouffées de chaleur ou qu'elles transpirent. Ces pensées négatives engendrent automatiquement le comportement qui va avec, et entraînent des répercussions sur la vie sociale.
Et des conséquences négatives sur la vie professionnelle?
Attention avec ce genre d'affirmation. Il ne faut pas stigmatiser les femmes en âge de ménopause, et renvoyer une fausse image de leurs capacités au travail. Certes, pour certaines, les symptômes sont invalidants et altèrent leur qualité de vie.
Un peu comme les règles...
Oui, voilà.
Mais est-ce qu'on ose en parler plus ouvertement?
Non, la ménopause reste stigmatisée. Les femmes doivent, aujourd'hui encore, cacher et masquer les symptômes, ce qui ne fait d'ailleurs qu'amplifier le problème. Mais la ménopause n'est pas une maladie. C'est une phase normale de la vie d'une femme. Si on normalisait les réactions, comme par exemple les bouffées de chaleur, et qu'on en parlait ouvertement, elles vivraient cette période beaucoup plus facilement.
Au travail, que pourrait proposer un employeur pour soutenir les employées durant cette transition?
De récentes recommandations faites par le Royal College de Londres suggèrent, par exemple aux entreprises qui imposent le port d'un uniforme, d'adapter les vêtements afin qu'ils provoquent moins de chaleur corporelle, en permettant notamment d'enlever certaines couches. Ou encore, d'autoriser les femmes à régler la température du bureau. En effet, on remarque que si elles peuvent contrôler leur environnement, elles vont plus facilement réussir à contrôler leurs symptômes. Finalement, il faudrait former les managers pour qu'ils puissent aborder ces questions avec leurs équipes.
Et au quotidien?
Outre les traitements médicamenteux prescrits à celles qui en ont le plus besoin, les HUG proposent depuis 2017 des ateliers en groupe de patientes, animés par une infirmière. Dès 2023, nous aurons des ateliers qui dureront un après-midi avec plusieurs intervenants qui aborderont différents sujets en lien avec la ménopause. C'est un concept qui existe déjà dans les pays anglo-saxons avec, pour but, de libérer la parole et de normaliser le sujet. Elles discuteront de solutions pour mieux vivre les choses, comme le sport ou l'alimentation.