Risquez-vous d'être remplacé par une machine? L'idée que l'automatisation de la société sera responsable de la disparition de centaines de milliers d'emplois, dans un futur pas si lointain, agite les chercheurs depuis de nombreuses années. Pour anticiper le phénomène, des dizaines d'automaticiens et de robotistes, dont certains membres de l'EPFL et de l'Université de Lausanne, ont conçu un outil accessible au public depuis le printemps 2022.
L'outil de recherche «Robots, jobs and resilience» est basé sur un indice qui définit quel job court le risque d'être remplacé par une machine. Les chercheurs pointent également des solutions pour les plus malheureux, en suggérant les voies de réorientation professionnelle les moins abruptes possibles. Ils nomment ces options des «alternatives résilientes» (resilient alternatives).
Cet indice de résilience (RI) cherche à minimiser l'effort de reconversion. En prenant en compte la similitude des compétences requises, le RI devrait permettre de passer d'un job risqué à un emploi stable, tout ça dans un délai raisonnable. Beau programme!
Un seuil critique est également mentionné: le risque le plus élevé est un indice de 0.78. Pour l'heure, le métier le moins inquiété est physicien, avec un indice de 0.43.
Vous voulez essayer? Cliquez ICI.
A watson, nous avons testé la plateforme, et certains résultats sont plutôt...déroutants:
Pour les travailleurs de la petite enfance: l'outil montre un indice de 0.64. Le risque semble réel sans être marqué du sceau de l'urgence. En revanche, la première «alternative résiliente» est...physicien. Pas mal pour une reconversion «sans douleur», le tout dans un délai raisonnable. Au final, c'est juste cinq petites années de (nouvelle) formation, au minimum. Est-ce vraiment la profession d'à-côté? En deuxième option, on parle du métier de credit checker, puis mathématicien.
Nous avons bien entendu cherché «journaliste». La catégorie la plus proche que nous avons dénichée est «Editor». Résultat: un indice de 0,56. C'est donc un cri de soulagement pour les métiers englobés dans la catégorie «arts, design, divertissement, sports et média».
En cas de perte d'emploi, il faudrait devenir... «professeur de droit» si vous êtes acteur, tandis que les acupuncteurs pourraient se diriger vers des fonctions telles que «médiateur et conciliateur». Les deux obtiennent un score de 0.61.
Les anthropologistes peuvent dormir sur leurs deux oreilles, avec un indice de 0.52. Tout comme les contrôleurs de trafic aérien (0.53), et les gynécologues (0.56). Les conducteurs d'ambulance, eux, atteignent 0.67, un score relativement élevé.
Les bouchers sont, par exemple, plus en danger. Avec un score de 0.69.
Au contraire, les nurses et les professions liées à l'aide à la personne semblent bien plus difficilement remplaçables par une machine. Ce qui semble cohérent.
Depuis leur catwalk, les mannequins devraient trembler; leur indice est de 0,72, un score assez proche de la limite supérieure. Leurs trois alternatives de reconversion professionnelle sont, cependant, toutes trouvées par les chercheurs: ce sera «technicien mathématique», «physicien» et «mathématicien». Troquer les shootings par des équations, voilà qui ne semble pas bien compliqué pour la plateforme «Robots, jobs and resilience».
Si l'outil est intuitif et ludique, quelques points restent à éclaircir. Comment expliquer que, pour de nombreuses professions manuelles, «physicien» ou «mathématicien» sont constamment proposés comme options de reconversion les plus adaptées?
Contacté, l'un des participants au projet nous explique: «Nous avons été trop optimistes sur les coûts de reconversion.» Rafael Lalive est professeur à la Faculté des hautes études commerciales à l'Université de Lausanne. «Nous avons élaboré trois variantes, mais à mon avis, il faudrait clairement donner plus de poids à ces coûts», regrette le chercheur, qui avoue qu'une version plus récente pondère ces facteurs de façon plus réaliste.
Tel que conçu, l'indice prend en compte l'exigence d'une profession, dans une échelle comprise entre 1 et 5. C'est sur cet indice que l'on saura si le job sera plus ou moins vite "avalé" par des machines. A titre d'exemple, «physicien» vogue entre 3 et 5. Pour les mannequins, la barre arrive au milieu de l'échelle. Mais peut-on réellement robotiser des mannequins? «Ces derniers sont déjà remplacés en partie par des avatars», concède Rafael Lalive.
Malgré quelques lacunes dans la version présentée, l'économiste se dit très enthousiasmé par le projet.
Comme physicien, par exemple?