Sport
Analyse

Les étrangers ne sont pas le plus gros problème du hockey suisse

Le nombre d'étrangers n'est pas le plus gros problème du hockey suisse
Marcus Sörensen (Fribourg-Gottéron, à gauche) et Sakari Manninen (Genève-Servette), tous deux Top Scorers, font partie des joueurs étrangers de notre championnat.Image: keystone
Analyse

Le nombre d'étrangers n'est pas le plus gros problème du hockey suisse

Après deux saisons régulières à six au lieu de quatre étrangers par équipe en National League, il est temps de tirer les premiers enseignements.
07.03.2024, 16:2908.03.2024, 06:36
Klaus Zaugg
Klaus Zaugg
Suivez-moi
Plus de «Sport»

La deuxième saison régulière, avec six joueurs étrangers par équipe au lieu de quatre, est derrière nous. Le temps de l'analyse de la réforme est donc venu. A première vue, les résultats semblent surprenants et réjouissants. Contrairement à ce que l'on craignait, il n'y a toujours pas d'effets négatifs immédiats, bien au contraire. Même le manager des ZSC Lions, Peter Zahner, pourtant critique à l'égard de la nouvelle réglementation, reconnaît que le niveau augmente et que les jeunes ne jouent pas moins.

La concurrence étrangère rend la situation plus difficile pour les gardiens, mais Stéphane Charlin a eu sa chance à Langnau et l'a saisie. Comme par le passé, Langnau, Ajoie, Lausanne, Zoug, Davos, Rapperswil et Gottéron se passent d'un dernier rempart étranger. Il en sera de même pour Lugano la saison prochaine.

Stéphane Charlin est devenu gardien n°1 à Langnau.
Stéphane Charlin est devenu gardien n°1 à Langnau.Image: KEYSTONE

Peter Zahner l'affirme. Les coûts sont restés dans les limites du raisonnable. Ce qu'il se passe avec la KHL russe (Kontinental Hockey League), pour des raisons politiques évidentes, bouleverse le marché mondial. «Les salaires des joueurs étrangers ont légèrement baissé», et les prix pourraient encore diminuer si l'on passe à six licences étrangères par club, au lieu de dix actuellement. C'est le principe de l'offre et de la demande.

Le CEO de la National League, Denis Vaucher, fervent partisan de la nouvelle réglementation, a complètement raison lorsqu'il dit qu'aujourd'hui, «nous n'avons pas plus d'étrangers». Car le passage de quatre à six joueurs s'est fait lorsque nous avons ajouté deux équipes aux 12 déjà présentes dans la ligue.

Statistiquement, les joueurs titulaires d'une licence helvétique ne sont pas moins employés.

Toutes les craintes initiales étaient-elles alors infondées? Pas tout à fait. Le sujet reste complexe et nécessite une analyse précise. La réforme rend par exemple le travail des directeurs sportifs plus exigeant. Ceux qui ne recrutent pas le personnel adéquat doivent procéder à des ajustements coûteux et risquent la crise sportive. Les étrangers ont, dans la plupart des cas, énormément de temps de jeu, et s'ils ne sont pas meilleurs que les locaux, les problèmes surviennent.

Nous constatons toutefois qu'avec six bons étrangers, les meilleurs Suisses restent sollicités. Ils ont même tendance à devenir meilleurs.

«La ligue s'est améliorée et est devenue plus spectaculaire. Les meilleurs Suisses progressent parce qu'ils doivent affronter des adversaires plus redoutables»
Peter Zahner

Et «les jeunes ne jouent pas moins», estime Peter Zahner. Grâce à de meilleurs effectifs, ils peuvent en effet être mieux entourés lorsqu'ils entrent sur la glace, et donc lancés plus facilement.

Le problème qui entoure la promotion des juniors n'est donc pas lié à la nouvelle réglementation des étrangers. Les entraîneurs doivent tout bonnement saisir les opportunités, oser les faire jouer, et tous ne le font pas. Il incombe alors aux directeurs sportifs de transmettre le message. Certains restent toutefois frileux.

Mais le réel problème vient surtout de la particularité de notre ligue junior la plus élevée. Dans celle-ci, les joueurs ont tous moins de 20 ans. Or sur la feuille de match, quatre d'entre eux peuvent tout de même avoir jusqu'à 22 ans. Le championnat Elite U20 est actuellement composé de 13 équipes. Il y a donc 52 joueurs – dont l'âge est compris entre 20 et 22 ans – sous-utilisés. Ils stagnent dans ce qui s'apparente pour eux à un championnat pour enfants.

Il est ainsi logique de voir partir en Amérique du Nord ou en Scandinavie nos meilleurs talents dès le plus jeune âge, malgré des entraîneurs de jeunes compétents.

Une Swiss League attrayante – avec de véritables clubs-fermes – serait dans l'intérêt de notre hockey. Il manque en Suisse des équipes comme les GCK Lions, ayant formé ces 20 dernières années de nombreuses pépites, tant pour la National League que les équipes nationales et la NHL. Sans oublier les ZSC Lions, avec qui ils sont affiliés.

Les clubs de National League craignent les coûts élevés de ces structures. Et à première vue, le raisonnement semble logique. On préfère conserver les meilleurs garçons, les laisser s'entraîner avec l'équipe première, tout en faisant en sorte qu'ils restent chez les juniors. Mais le développement ne serait pas le même si les jeunes pouvaient s'exprimer dans un club-ferme, aux côtés de professionnels aguerris, en Swiss League.

Pour l'heure, ils ne sont pas réellement mis en difficulté chez les U20 et bénéficient seulement de quelques minutes de jeu en National League, quand ils ne sont pas de simples spectateurs.

Une Swiss League attractive, avec ses clubs-fermes, est peut-être utopique. Car, depuis le passage à 14 équipes dans l'élite, la deuxième division s'est affaiblie. Deux bons clubs ont été perdus. Le championnat ne pourra se stabiliser, sportivement et économiquement, que si une réorganisation augmente le nombre d'équipes, avec idéalement l'ajout de clubs-fermes.

Toutes les formations de National League devraient disposer d'une telle structure. La Swiss League offre en tout cas le terrain pour. Et même si les coûts – deux à trois millions par an – semblent élevés, la stratégie paraît judicieuse sur le long terme. En plus, une bonne partie des joueurs, notamment les troisièmes et quatrièmes lignes, pourraient jouer dans les deux formations (le club de National League et son équipeferme). Sauf qu'à ce jour, les 14 clubs de première division ne détiennent pas tous une équipe dans les ligues de jeunes les plus importantes. Le HC Ajoie n'est par exemple pas représenté en Elite U17 et Elite U20. Alors, autant dire que les Jurassiens sont très loin de disposer d'un club-ferme.

En fait, les véritables perdants suite à la réforme des étrangers sont les joueurs «moyens». Ceux qui, à 25 ou 26 ans, ne sont pas devenus de véritables cadors et composent encore la troisième ou quatrième ligne. Cette «classe moyenne» risque d'être remplacée par des jeunes en devenir, du moins dans les clubs bien gérés. Les talents qui ont l'avenir devant eux et exigent des salaires moins élevés seront plébiscités.

Outre les joueurs moyens, le directeur des équipes nationales, Lars Weibel, est l'un des autres perdants de cette réforme. L'excuse du nombre de joueurs étrangers ne peut plus être sortie pour expliquer les faibles performances de la Nati, qui n'a plus dépassé les quarts de finale du Mondial depuis 2018. Les causes sont à chercher ailleurs. Du côté de l'entraîneur et non pas de la nouvelle réglementation sur les étrangers.

Lars Weibel, Direktor Sport der Schweizer A-Nationalmannschaft, spricht an einer Medienkonferenz zur Vertragsverlaengerung von Trainer Patrick Fischer, aufgenommen am Mittwoch, 14. Februar 2024 in Klo ...
Le directeur des équipes nationales suisses, Lars Weibel.image: Keystone

Les clubs de première division allemande peuvent utiliser neuf étrangers, ce qui n'empêche pas l'équipe nationale de performer. L'Allemagne a battu la Suisse en huitième de finale des Jeux (2018) et à deux reprises lors des quarts de finale du Mondial (2021 et 2023). Elle est aussi finaliste des JO de PyeongChang ainsi que du dernier Championnat du monde. Et attention, dans la ligue allemande, depuis 2021, trois joueurs de moins de 23 ans doivent figurer sur la feuille de match. Une norme qui serait la bienvenue en Suisse.

Le passage de quatre à six étrangers augmente le niveau de notre championnat et ne nuit pas à l'équipe nationale. Mais cette nouvelle réglementation demande de l'exigence à tous les niveaux, et tous ne sont pas à la hauteur. La ligue prend un risque si elle ne collabore pas avec la fédération, pour réorganiser urgemment le système, installer des clubs-fermes, transformer la Swiss League et le championnat U20. Les étrangers peuvent faire avancer notre hockey si les décideurs sortent de leur zone de confort. La réforme sera en revanche destructrice si d'autres changements ne suivent pas.

Adaptation en français: Romuald Cachod.

Alexeï Navalny (1976-2024)
1 / 12
Alexeï Navalny (1976-2024)
Navalny assiste à une audience au tribunal de la ville de Moscou, à Moscou, Russie, le 30 mars 2017.
source: sda / sergei ilnitsky
partager sur Facebookpartager sur X
Ce bébé gorille est la star d'un zoo du Texas
Video: watson
0 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
Cet arbitre a été pris la main dans le sac après son match
Un homme en noir officiant en Euroleague - l'équivalent de la Ligue des champions en basket - se trouve actuellement dans la tourmente. Non pas à cause de soupçons de corruption, mais parce qu'il aurait commis un vol quelques heures après l'un de ses matchs.

Matej Boltauzer est un arbitre expérimenté. Il siffle en Euroleague depuis la saison 2003 et a déjà participé à six Final Four - le dernier remontant à 2021.

L’article